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France : Société

Le capitalisme a perdu sa mesure d’économie sociale autour de structures familiales

De Benjamin Guillemaind dans L'Homme nouveau :

"Le terme de capitalisme couvre plusieurs facettes : soit l’ensemble des techniques financières en vue de l’investissement, soit le système fondé sur la propriété privée, qui recherche le profit, l’initiative individuelle et la concurrence entre entreprises, soit la conception marxiste de la plus-value. D’autres distinguent le capitalisme industriel et sa dérive, le capitalisme financier, baptisé hypercapitalisme. Selon la définition, les réponses sont plus ou moins nuancées. Quoi qu’il en soit, la notion de capital, qui traduit la concentration de l’argent sous diverses formes (propriété, prêt, location, assurance, investissement, épargne, hypothèque…), soulève d’immenses questions. De moyen il devient vite une fin, tant la complexité des combinaisons offre de tentations de dépasser les limites d’un usage raisonnable. Comme tous les vices, c’est l’excès dans l’usage qui est condamnable […].

La grande dérive de l’organisation sociale s’opéra quand le commerce supplanta les corps professionnels, qui étaient jusqu’à la Révolution prépondérants malgré leurs défauts et les amortisseurs de l’économie, ne laissant face à face que des entreprises. Les théories libérales, émises d’abord par les physiocrates et appliquées par Turgot, firent sauter toutes les contraintes. Lors de la guerre des grains il préconisait d’acheter à bas prix et d’attendre pour vendre plus cher. C’était normaliser la spéculation. La science économique, se considérant comme autonome, coupée de la morale, favorisa la concentration de l’argent : les marchands sont devenus les rois de la terre (cf. Ap 18, 3). Ainsi le libéralisme finit par dévoyer les trois régulateurs de la société traditionnelle : la propriété privée qui devient absolue, les corps intermédiaires qui sont abolis et le pouvoir politique, l’État, dont le rôle de garant du bien commun est contesté en permanence au nom de la liberté du marché. Aujourd’hui la mondialisation rend le pouvoir financier incontrôlable, apte à toutes les manipulations. L’économique domine le politique, impuissant à redresser la situation. La plupart des problèmes liés à l’argent ont un point commun : le prêt à intérêt. Est-il moral de « faire travailler son argent », même le dimanche ? De préconiser les retraites par capitalisation, tirant un profit de l’épargne ? Est-il moral que des fortunes colossales se bâtissent sur des prêts d’argent, véritables jeux de capitaux, dans un concept de Boursecasino selon la variation journalière des cours ? À quel taux un prêt devient-il usuraire ? Une politique inflationniste est-elle morale ? Est-il moral que les banques, qui ont le privilège de créer la monnaie, prêtent à plusieurs la même somme d’argent dont le total des intérêts perçus atteint des taux usuraires ?

Seule une autorité morale internationale comme l’Église peut refixer les limites. Si le capitalisme n’est pas, comme le communisme, intrinsèquement pervers, il nécessite un très sérieux encadrement tant dans son émission que son usage, car l’argent, contrairement aux thèses libérales, n’est pas une marchandise comme une autre.

La doctrine sociale de l’Église s’élève à juste titre contre la puissance des concentrations financières ; elle rappelle aussi la fonction sociale de la propriété, le principe de subsidiarité qui suppose des corps d’états paritairement organisés et la fonction éminente de l’État, garant du bien commun. Mais en ce qui concerne les problèmes monétaires et financiers, depuis l’encyclique Vix Pervenit (1745) confirmant la condamnation biblique de l’usure et du prêt à intérêt, la réponse catholique est insuffisante et apparaît tantôt bienveillante envers les théories libérales, tantôt perméable aux idéologies socialistes ; car le capitalisme, qu’il soit libéral ou d’État, n’est qu’un dévoiement d’une économie productiviste, qui, devenue matérialiste en vue de « gagner l’univers », a perdu sa mesure d’économie sociale autour de structures familiales."

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4 commentaires

  1. “La plupart des problèmes liés à l’argent ont un point commun : le prêt à intérêt.”
    Deutéronome :
    23.19
    Tu n’exigeras de ton frère aucun intérêt ni pour argent, ni pour vivres, ni pour rien de ce qui se prête à intérêt.
    23.20
    Tu pourras tirer un intérêt de l’étranger, mais tu n’en tireras point de ton frère, afin que l’Éternel, ton Dieu, te bénisse dans tout ce que tu entreprendras au pays dont tu vas entrer en possession.
    Le prêt à intérêt est justement ce qui permet à l’économie de se développer, et de tirer de la pauvreté des millions de personnes tous les ans.
    http://fr.wikipedia.org/wiki/Microcr%C3%A9dit.
    et si le monde musulman ne c’est pas développé c’est notamment parce que le prêt à intérêt y est interdit
    http://fr.wikipedia.or/wiki/Finance_islamique.
    Si vous avez de l’argent, et que quelqu’un en a besoin pour créer de la richesse en quoi est-il anormal de lui faire payer un loyer pour le temps durant le quel vous lui prêtez de l’argent?
    En quoi est-il immoral qu’un individu se privant de certains biens ou services pour épargner en tire avantage pécunier?

  2. LA GRANDE DÉPRESSION DÉMYSTIFIÉE (1)
    par Lawrence W. Reed
    Les étudiants d’aujourd’hui reçoivent souvent un portrait tendancieux de la Grande Dépression (1929-1941) présentant le libre marché comme responsable des difficultés économiques de l’époque et favorisant l’intervention étatique comme solution. Dans la première partie de ce texte, Lawrence Reed, président du Mackinac Center for Public Policy, démystifie la perception usuelle de cette crise et souligne le rôle central qu’ont joué les piètres mesures gouvernementales dans le déclenchement et le prolongement de cette catastrophe légendaire. (…)
    Suite : http://www.quebecoislibre.org/07/070114-2.htm

  3. L’Esprit-Saint est-il descendu très vite hier ? Merci à Benjamin Guillemaind pour cet article concis, clair et vrai. Juste.

  4. Je comprends le rappel de la nécessité d’examiner toute acte et donc toute activité humaine sous l’angle moral, mais les extraits de cet article (que je n’ai pas lu dans son intégralité) laisse pense que M. GUILLEMAIND confond le champ de l’économie et la vocation première du politique.
    Certes, selon la DSE, l’Etat est garant du droit, même s’il n’en est pas la source unique selon la DSE, mais en aucun cas il n”est l’administrateur de la chose économique : au Moyen Age, le fait que le Roi trafique la monnaie en lui ôtant un pourcentage d’or était reçu comme un vol commis aux dépends de tous (aujourd’hui, monnaies gérées par les états, fiscalisme délirant, redistribution égalitariste, crédit illimité et dette publique, l’état se permet d’enfreindre toute morale et de détruire toute harmonie, en modifiant les règles du droit).
    On ne peut se réclamer de la DSE au nom de l’Evangile et demander à l’Etat de résoudre chaque problème. Quant à exiger de l’Eglise qu’elle soit une instance de régulation, ce n’est ni sa vocation divine, ni dans ses capacités humaines.
    Si, comme le demande la DSE, et comme l’ont souligné autant les catholiques sociaux que les penseurs libéraux classiques, on laissait à la société et à ses corps sociaux libérés de l’étatisme, reconnus comme des institutions égales en dignité à un état réduit à son rôle de fonctionnaire de la société, cela atténuerait les dérèglements et les crises induites la plupart du temps par les politiques utilisant la puissance étatique pour intervenir et biaiser les équilibres délicats et instables par nature du marché. Car si le marché n’est pas moral en soi, si le capital est une force aveugle,, et si la morale peut autoriser qu’on en empêche les excès ou corrige collectivement les conséquences, en aucun cas c’est à l’Etat, sous peine d’attente aux droits de chacun et des corps sociaux naturels, de se poser en créateur des équilibres économiques, selon des utopies étatistes et socialisantes, qui ont toutes conduit à la ruine des sociétés sur lesquelles elles se sont exercé.
    Quand on pense qu’aujourd’hui, le XIX et le XXème étant passés par la case étatique, c’est de l’argent étatique ou des lois que dépendrait la fécondité des couples et des familles (quand elles n’ont pas été supprimées ou réduites à un guichet), et non de la volonté des parents, de leurs ressources propres, des revenus de leur patrimoine et de leur travail, on est obligé de constater l’impasse conceptuelle de l’Etat dit régulateur.

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