Le cardinal Müller, ancien préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, est réputé tout autant pour sa parole libre que sa profonde fidélité à l’Église et au pape. Il a accepté de se livrer sans fard dans un long entretien avec le vaticaniste Franca Giansoldati.
Théologien, le cardinal allemand livre une analyse lucide et pénétrante des évènements marquants pour l’Église aujourd’hui : les caractéristiques du pontificat du pape François, son entourage qui l’influence, le renoncement de Benoît XVI, ce qu’on peut attendre du prochain pape, notre relation à l’intelligence artificielle, l’avenir de l’Église chinoise, le rôle de l’Église face aux puissances d’argent, la question féminine, les Amériques, la théologie de la libération, les abus, la question du pape émérite… Sans langue de buis, le cardinal, mis à la retraite par le pape, se confie “en toute bonne foi“. Par exemple sur son éviction brutale :
Ma mise à l’écart s’est produite en 2017. Ce fut un coup de tonnerre. La veille, c’était le 29 juin, fête solennelle de Saints-Pierre-et-Paul, et je me souviens que le pape François m’avait embrassé sur le parvis de la basilique devant tout le monde, à la fin de la messe, en me disant qu’il avait toute confiance en moi. Voilà ce qu’il m’a dit. Le lendemain, je me suis rendu au Palais apostolique à l’heure fixée pour une audience afin de lui présenter une série d’affaires en attente, un rendez-vous de routine pour un préfet de la congrégation de la Foi. A la fin de cette brève entrevue, il m’a dit succinctement : “Votre mandat s’achève. Merci pour votre travail”, sans me donner d’explications, et il n’en a pas donné non plus par la suite. Il a simplement ajouté qu’après l’été de l’année en cours, il me confierait une autre tâche. Rien ne s’est passé depuis lors.
Interrogé sur les abus, il critique sévèrement la CIASE lorsqu’on lui pose la question des commissions nationales indépendants :
Je suis favorable à ce qu’il soit analysé dans son intégralité, mais il faut éviter les erreurs grossières qui se sont produites en France, avec cette commission indépendante, la CIASE, approuvée par l’épiscopat. L’initiative a été sévèrement attaquée sur les critères de recherche et de statistiques utilisés. Peut-être fallait-il les affiner avant de les appliquer. Le résultat final est un nombre exceptionnel, exagéré, manifestement gonflé de victimes. Cela saute aux yeux. Une analyse exhaustive a besoin de règles, de personnes compétentes, et aussi d’une démarche non idéologique.