Le cierge
Je suis né d’un grand feu, au milieu de la nuit,
Contemplé par les yeux des croyants réunis,
Appelé par les vœux qu’ils portaient enfouis,
Je suis né tout joyeux d’être ainsi accueilli.
Je portais sur mon corps les clous de la passion,
Gravé de rouge et d’or, l’année de ma mission.
Un brandon m’enflamma, et je fus emporté,
Brandi à bout de bras, par un clerc exalté.
Fier de mon service, je me tenais bien droit,
Au cœur de l’édifice, planté comme la croix,
Heureux à chaque office, ému aussi parfois,
Des ferveurs de novice, des suppliques des rois.
D’un élan généreux, je brûlais sans prévoir,
Ainé de ces cireux fondant sur leur bougeoir,
Tant d’ardeur juvénile, de clartés dérisoires,
Sans idée du péril, sans crainte du grand soir.
Ainsi me retrouvai-je, saisi par la surprise,
A la saison des neiges et des glaciales bises,
Sans éclat, sans vigueur, ayant perdu aussi,
Ma place, ma hauteur, et ma suprématie.
Je n’étais plus qu’un cierge, une simple bougie,
Brulant près d’une Vierge, sans grande liturgie.
Un bougeoir d’argile est une humble patène
D’où ma flamme fragile élevait toutes peines.
Quand viendra me couvrir l’obscurité épaisse,
Les yeux tournés vers Vous, ô mère de tendresse
Je voudrais Vous offrir Notre Dame de France,
Dans un souffle, un soupir, l’ultime révérence.
Pâques 2024
Emmanuel Rousseau
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