Après la parution de mai à novembre 2018, de plusieurs ouvrages concernant le colonel Beltrame, il a semblé opportun au prêtre le plus proche du héros sur les deux dernières années, d’offrir un témoignage plus précis que ce qui a été publié. Ces éléments complètent les témoignages, l’homélie des funérailles et à l’entretien publiés en mars et juin et octobre 2018. Le père Jean-Baptiste, chanoine régulier de l’abbaye de Lagrasse, répond en exclusivité au Salon Beige à plusieurs questions posées par des journalistes et historiens.
Dans quelles circonstances avez-vous rencontré Arnaud Beltrame pour la première fois, quand et à combien de reprises ?
C’est au hasard d’une rencontre le 27 août 2016, lors d’une visite de notre abbaye Sainte-Marie de Lagrasse (Aude), Monument Historique, que je fais connaissance avec le lieutenant-colonel Arnaud Beltrame et Marielle, avec laquelle il vient juste de se marier civilement. Nous sympathisons très vite. Quelques temps plus tard, ils m’ont demandé de les préparer au mariage religieux que je devais célébrer près de Vannes le 9 juin 2018. Nous avons donc passé de nombreuses heures à travailler les fondamentaux de la vie conjugale, évoquant ses aspects intellectuels, affectifs et spirituels, sur près de 2 ans. Nous finalisions leur dossier canonique de mariage et préparions le livret de messe. Nous nous sommes vus une dizaine de fois pour la préparation au mariage, et quelques fois en dehors. En particulier je me souviens d’un repas le 7 novembre 2016 où Arnaud m’avait invité au restaurant à Paris pour me raconter sa vie qu’il jugeait singulière, et il avait raison ! Les médias l’ont reconstituée en partie.
Comment l’avez-vous jugé : qualités d’homme, de gendarme, de chrétien ?
Il m’est vite apparu comme un homme hors du commun : gendarme d’élite, haut gradé, chrétien converti, intelligent, sportif, volubile et entraînant. Marielle et lui venaient chaque mois à des rencontres de couples à Narbonne ou à l’abbaye de Lagrasse. Arnaud était marquant par sa vivacité, sa joie contagieuse et le témoignage épanoui de sa foi retrouvée.
Son courage, ses talents et ses inévitables limites militaires ont reçu de nombreux témoignages de ses subordonnés et supérieurs. Passionné par la gendarmerie, fier de son passage à l’EPIGN, il avait une passion pour la France, sa grandeur, son histoire, ses racines chrétiennes qu’il a redécouvertes avec sa conversion.
Né dans une famille peu pratiquante, il a vécu en effet un authentique retour à Dieu et à l’Église vers 2007, à près de 33 ans. Il reçoit la première communion et la confirmation après 2 ans de catéchuménat, en avril 2009, à Rueil Malmaison (Hauts de Seine).
Après un pèlerinage à Sainte-Anne-d’Auray en 2015, où il demande à la Vierge Marie de rencontrer la femme de sa vie, il se lie avec Marielle, dont la foi est profonde et discrète. Les fiançailles sont célébrées à l’abbaye bretonne de Timadeuc à Pâques 2016. Il a suivi avec moi une préparation au mariage exigeante de près de 50h, à Paris et Lagrasse, avec un sérieux qui force mon admiration.
Sa déclaration d’intention pour le mariage catholique que je devais célébrer le 9 juin 2018 à Trédion près de Vannes est admirable. Ce texte, écrit seulement trois jours avant l’attentat, témoigne de son engagement indissoluble envers Marielle et prouve son adhésion inconditionnelle et fervente à toute la foi catholique et à sa tradition. Il y prie en particulier Notre Dame avec gratitude, il demande l’aide de saint Michel et prend saint Joseph pour modèle.
Bénissant sa maison le 16 décembre 2017, j’avais remarqué la décoration manifestant sa foi et sa passion pour l’histoire et la gendarmerie. Mais plus encore, il était admirable qu’ils aient réservé une pièce pour en faire un oratoire. Nous y avons prié tous les trois…
Il me semble qu’il a risqué sa vie pour que s’arrête la mort. La croyance du djihadiste lui ordonnait de tuer. La foi chrétienne d’Arnaud l’invitait à sauver, en offrant sa vie s’il le fallait.
Avez-vous eu l’impression d’être en face de quelqu’un d’exceptionnel ?
Après coup, il serait facile de se dire prophète… En tous cas, j’avais perçu un homme assez fascinant… Ses sourcils légèrement froncés manifestaient un homme perfectionniste toujours tendu de l’avant… Homme de prière, il faisait beaucoup de sport et était follement amoureux de Marielle. Loquace, il était presque bavard… Je devais parfois l’interrompre pour inviter Marielle à s’exprimer et il le faisait avec un tendre sourire vers elle. Car ce soldat, ce chuteur opérationnel, ce gendarme d’élite fondait devant celle qu’il aimait et débordait d’attentions délicates, de mots gentils. J’en ai été cent fois témoin.
Son acte dans le supermarché vous-a-t-il étonné ?
Oui et non… je n’aurais jamais imaginé qu’il prenne un tel risque de mort à deux mois de son mariage et trois jours après m’avoir mailé la preuve écrite de sa joie de cette cérémonie, de son amour enfin consacré à l’autel.
Son chef de corps, le colonel Gay a été abasourdi en apprenant qu’il s’était livré désarmé à l’islamiste… car son geste ne respectait aucun protocole. Mais le président de la République et le général Richard Lizurey, directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN) ont tranché. Ce dernier vient d’écrire :
« Se mettre entre les mains d’un terroriste voulant tuer n’est évidemment dans aucun texte de procédure interne et ne le sera jamais. Les procédures sont faites pour permettre l’efficacité des interventions tout en veillant à la sécurité des militaires. Mais un gendarme prête serment, celui de servir la population, y compris, parfois, s’il le faut, au péril de sa propre vie. Arnaud Beltrame n’a pas appliqué des procédures ; il a fait mieux : il a respecté son serment. Et ce faisant, il a sauvé une vie, sans doute même plusieurs ».
Arnaud a aussi vécu la prière du gendarme qu’il aimait : dans le devoir de protéger et « sauver des vies menacées […] s’il me faut aller jusqu’au sacrifice de ma vie, donne-moi une confiance profonde en toi Seigneur ».
Mais son courage et son audace, sa générosité et son panache en faisaient l’homme d’un acte hors du commun. Plusieurs de ses proches et collaborateurs m’ont confirmé qu’en apprenant qu’un gendarme du département s’était livré en otage pour sauver une vie, ils étaient sûrs que cela devait être lui.
Sa mère Nicolle m’a confié au cimetière qu’Arnaud lui avait un jour dit « tu sais maman, je sens que j’ai une mission à accomplir ». Je crois que cette vocation a été l’héroïsme saisissant de générosité et de spiritualité du 23 mars.
Pouvez-vous expliquer le sens du sacrement des malades et la bénédiction apostolique que vous lui avez donné à l’hôpital de Carcassonne avant son décès ? Auriez-vous pu lui donner le sacrement du mariage ?
Nous étions le vendredi de la Passion, juste avant l’ouverture de la Semaine Sainte et nous avions honoré à l’abbaye Notre Dame des Sept Douleurs, entrant dans la compassion de Marie unie à la Passion de son divin Fils. Je venais de prier l’office de none et le chemin de croix à son intention, m’étant senti intérieurement invité, sans comprendre pourquoi, à beaucoup prier pour lui, à l’occasion du psaume 88. Puis l’après-midi s’écoule, sans que je sache le drame.
Apprenant seulement le soir qu’il était gravement blessé, j’ai pu le rejoindre à l’hôpital de Carcassonne vers 21h. Les gendarmes et les médecins ou infirmières m’ont ouvert le chemin avec une délicatesse remarquable. Il était vivant mais inconscient. J’ai pu lui donner le sacrement des malades et la bénédiction spéciale du Pape à l’article de la mort. Marielle répondait à ces belles formules liturgiques à sa place, en le tenant par la main droite.
Ces prières, ce sacrement et ces bénédictions configurent, unissent le souffrant avec le Christ en sa passion, rendant alors leurs épreuves sanctifiantes, méritoires pour le Ciel. Elles effacent les péchés comme une confession lorsque le malade est inconscient, ce qui était son cas. Elles préparent le mourant au face-à-face avec le Seigneur qui jugera toute notre vie avec une infinie miséricorde, mais aussi une justice précise.
En mémoire de la Vierge des Douleurs, je demande au personnel soignant s’il peut avoir une médaille mariale, celle de la rue du Bac de Paris, près de lui. Compréhensive et professionnelle, une infirmière la fixe à son épaule.
Je n’ai pas pu le marier religieusement car il était inconscient. Nous étions réunis tous les trois comme pour cette union que je devais bénir bientôt, et c’est l’ultime onction du sacrement des malades que nous avons célébrée à la place, pour un héros qui fait l’admiration de tous.
Le geste d’Arnaud Beltrame a provoqué une immense émotion dans le pays. Comprenez-vous ce sentiment qui perdure ?
Son héroïsme saisissant a manifesté un don de soi devenu rare dans une société marquée par l’hédonisme, le consumérisme et l’individualisme. Sans doute avec la conviction qu’il pouvait s’en sortir, Arnaud Beltrame a accepté le risque encouru pour sa propre vie. Il exprime de façon exemplaire ce que le pape François a rappelé dans sa récente exhortation sur la sainteté, à savoir que nos vies n’ont de valeur que par le don d’elles-mêmes, et qu’il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime (cf. Jean 15, 13).
Comment avez-vous vécu les funérailles ?
Ce jeudi saint 29 mars 2018 à 11h, la cérémonie des funérailles dans la cathédrale saint Michel de Carcassonne était impressionnante. Deux évêques, deux ministres d’État, et un héros national… Je savais qu’Arnaud aurait aimé que je prêche et que Marielle me l’avait demandé, mais je me sentais tout petit… Je l’ai vécu comme une heure extraordinaire de gravité et d’espérance.
Deux détails m’ont touché, plus encore que de parler devant l’évêque aux Armées, mon évêque de Carcassonne et Narbonne, le ministre de l’intérieur et le Garde des Sceaux et une foule d’officiels et de militaires. D’abord, le cercueil. Drapé du drapeau tricolore, il était surmonté de son képi de colonel et d’un coussin portant toutes ses décorations. Or au centre de ce coussin rouge, une icône du Christ : c’était lui qui était honoré au travers d’Arnaud.
Ensuite, les foules d’anonymes venus rendre hommage et qui n’ont pu entrer dans la cathédrale. Ces personnes sont restées debout en silence, deux heures dans le froid, sans rien voir ni entendre. Je les admire et ce recueillement parle beaucoup de lui-même semble-t-il.
La coïncidence avec le Jeudi saint, jour où Jésus nous donne sa vie dans l’eucharistie, ajoutait à la sacralité de la cérémonie. Le sacrifice d’Arnaud uni à celui du Christ, son modèle, donnaient à l’offertoire et la consécration de cette messe une intensité exceptionnelle. De retour à mon abbaye, les offices du Triduum pascal se suivaient comme si de rien n’était, chargés du souvenir de ces heures historiques. Loin de distraire, ces pensées centraient sur le Seigneur.
Où est-il inhumé ? Qu’avez-vous au cimetière ? Sa tombe est-elle aujourd’hui fleurie et visitée ?
Il est enterré à Ferrals entre Carcassonne et Narbonne, près de Lézignan et à 15 minutes de l’abbaye, près de la maison qu’il habitait.
Le 29 mars, après les funérailles, au cimetière, j’ai succédé de peu à Mgr de Romanet, évêque aux Armées, qui a présidé très pastoralement la descente du cercueil dans la fosse. J’ai pu prier seul avec Marielle devant le cercueil recouvert de roses blanches et d’eau bénite. J’ai offert ensuite à cette jeune veuve, la bénédiction apostolique demandée au Saint Siège peu avant : un grand parchemin signé où le pape François bénit leur mariage. Je lui ai dit alors « Regardez, chère Marielle, les deux dates. Le pape a signé ce parchemin le 6 mars, Arnaud étant encore vivant. Si je ne pourrai jamais célébrer votre sacrement de mariage le 9 juin, considérez que le pape a déjà béni votre amour. » Elle a semblé consolée…
Désormais, chaque jour, plusieurs personnes viennent, parfois de loin, croyants ou pas, jeunes ou vieux, touchés par la beauté du geste, prier ou méditer, déposer fleurs ou bougie … ce n’est qu’un mouvement spontané et touchant et je ne sais si cela va durer et s’amplifier.
Arnaud Beltrame était franc-maçon. Vous en avait-il parlé ? Cette appartenance à la franc-maçonnerie est-elle incompatible avec la foi catholique ?
Monsieur Philippe Charuel, Grand Maître de la Grande Loge de France a révélé le 24 mars que le héros était franc-maçon. Il a précisé qu’ : « Arnaud Beltrame a été initié en 2008 dans la Respectable Loge Jérôme Bonaparte à Rueil-Nanterre. Il y était très assidu et remontait régulièrement du sud de la France aux Tenues [réunions rituelles]. » Il semble même qu’il y était encore un mois avant sa mort. Mais, après enquête, il était assidu tant qu’il vivait à Nanterre, puis n’y allait quasiment plus après avoir déménagé. C’est la quête intellectuelle et les bons amis qui l’ont l’ont entraîné en maçonnerie et non le carriérisme ni l’occultisme qu’il ignorait.
J’ai témoigné en son honneur de son adhésion inconditionnelle à la foi catholique romaine et même sa ferveur. Je le confirme. Tous ses amis et ses proches peuvent en témoigner. Monsieur Charuel l’a lui-même reconnu. Arnaud m’avait mailé trois jours avant l’attentat un texte qui témoigne d’une haute élévation spirituelle authentiquement catholique.
Ses intimes savent qu’Arnaud aimait prier saint Michel Archange et accordait une vive importance aux tactiques du diable qu’il jugeait urgent de faire connaître pour les débusquer. Nous avons eu en particulier avec lui et Marielle une longue conversation à ce sujet mi-décembre… Visiblement il ignorait les liens possibles de la franc-maçonnerie avec l’occultisme et le satanisme.
Alors comment expliquer cette double affiliation contradictoire ?
Il était dans une loge déiste où il pouvait s’afficher comme catholique. Il m’a témoigné de sa foi avec enthousiasme mais aussi avec les inévitables lacunes d’un néophyte. Il avait aussi, comme moi, les fragilités d’un pécheur. Après avoir fait mon enquête, je suis convaincu qu’il ne voyait pas le problème et était dans l’ignorance des raisons profondes de l’incompatibilité de la maçonnerie avec la foi catholique. Personne ne le lui avait clairement expliqué. Il était en effet en cheminement dans la foi chrétienne, ravi de découvrir beaucoup de choses, intelligent et prêt à se remettre en cause pour trouver la vérité. Un ami ex-franc-maçon de Haut grade, Serge Abad Gallardo, converti il y a peu, a fait aussi cette remarque déterminante :
« Si le Cl Bletrame suivait à la fois Hiram et le Christ, je ne me permettrais pas de le juger aujourd’hui. Mais je note qu’en fin de compte, ce n’est en aucun cas Hiram, mais le Christ qu’il a suivi en offrant sa vie ! »
Surtout, il me semble capital de ne pas perdre l’essentiel. Arnaud nous montre qu’une conversion sincère peut s’accompagner de fragilités et d’erreurs : son exemple n’en est-il pas plus entraînant encore ? Nous savons aussi qu’un acte ultime de charité peut effacer bien des fautes… c’est rassurant et encourageant.
Son héroïsme doit stimuler le nôtre. Là est le cœur de son sacrifice du 24 mars. Ne l’oublions pas dans les polémiques secondes.
Arnaud Beltrame était-il un saint ?
Le 18 février 2017, je me souviens avoir fait à Marielle et Arnaud un enseignement sur la sainteté en famille. Je leur ai parlé du premier couple béatifié en tant que tel par saint Jean-Paul II, les époux Beltrame Quattrocci. Et Arnaud remarqua assez fier, cet exemple de sainteté conjugale, qu’il voulait suivre d’autant plus qu’ « ils sont peut-être de ma famille, j’ai des origines italiennes. »
Mais Arnaud avait, comme moi, des défauts ! Heureusement sa prière, sa bonne volonté et sa générosité le faisaient progresser. Sa mort en revanche pourrait-elle être celle d’un saint ? Je ne sais. Ce sera à l’Église d’en décider.
Le motu proprio sur « l’offrande de la vie » promulgué le 11 juillet 2017 par le pape François permettrait de l’envisager, car il ouvre une nouvelle voie vers la béatification pour ceux qui,
« suivant de plus près les pas et les enseignements du Seigneur Jésus, ont offert volontairement et librement leur vie pour les autres et ont persévéré dans cette intention jusqu’à la mort. Il est certain que l’offrande héroïque de sa vie, suggérée et soutenue par la charité, exprime une imitation véritable, pleine et exemplaire du Christ et c’est pourquoi elle mérite cette admiration que la communauté des fidèles a l’habitude de réserver à ceux qui ont volontairement accepté le martyre du sang ou ont exercé les vertus chrétiennes à un niveau héroïque. »
Le texte précise que
« Afin d’être valide et efficace pour la béatification d’un Serviteur de Dieu, l’offrande de la vie doit répondre aux critères suivants : a) offrande libre et volontaire de la vie et acceptation héroïque propter caritatem d’une mort certaine et à court terme ; b) lien entre l’offrande de la vie et la mort prématurée ; c) exercice, au moins de manière ordinaire, des vertus chrétiennes avant l’offrande de la vie et, ensuite, jusqu’à la mort ; d) existence de la réputation de sainteté et de signes, au moins après la mort ; e)nécessité du miracle pour la béatification, survenu après la mort du Serviteur de Dieu et par son intercession. »
Bien sûr, ce sera à l’évêque du lieu (évêché de Carcassonne et Narbonne) de lancer la procédure, ensuite suivie au Saint Siège.
Il faudrait scruter alors les motivations profondes d’Arnaud et, pour l’avoir connu de près, je crois qu’elles ont été inextricablement humaines, militaires et spirituelles. Je suis d’accord avec Nicolle, sa maman, et Marielle, sa femme, Arnaud ne s’est pas sacrifié comme un mouton, sans se défendre. Je crois que son geste saisissant, que j’ai beaucoup médité depuis, a été le fruit de trois facteurs :
1. D’abord, l’indignation chevaleresque de l’homme devant une femme menacée. On m’a rapporté qu’il avait ce réflexe depuis son enfance. Il estimait être gendarme pour protéger. Il se livre donc pour sauver Julie à 11h28.
2. Ensuite, il a la certitude que son expérience de l’EPIGN le rendait plus apte que cette jeune maman, à neutraliser l’islamiste ou au moins à négocier ou même à offrir une fenêtre de tir au GIGN. Après 3h de face à face que j’imagine, connaissant Arnaud, plein de prières intimes et de discussions théologiques et politiques avec l’islamiste, il aurait crié « Assaut Assaut ! » Mais le GIGN n’a pas entendu ses derniers mots sur le coup, tant le son de son portable était peu audible. On sait que l’assaut ne débutera qu’après les coups de feu du terroriste.
3. Mais je crois aussi que cet acte surhumain a été mu par un don divin, l’invitant à risquer librement sa vie pour en sauver une autre. En effet, il avait médité trois mois plus tôt sur ”le don de Force du Saint Esprit” dans le groupe de couples Cana, ce don qu’il avait reçu à sa confirmation demandée à 33 ans, ce don qui aide l’homme précisément à accomplir des actes héroïques de dévouement que la force humaine ne peut atteindre d’elle-même. Or, justement, un tel acte semble absolument unique dans toute l’histoire de la gendarmerie française, pleine de faits admirables pourtant.
En outre, il était absolument amoureux de Marielle, j’en suis témoin, et préparait activement son mariage tout proche. Je ne crois pas qu’il aurait pu prendre le risque libre, spontané, gratuit, de mourir et de blesser sa chère fiancée, sans l’aide de Dieu, l’invitant à un amour plus grand encore, celui de donner sa vie pour en sauver une autre.
Je puis me tromper, et il faudra des analyses ultérieures précises et du recul pour l’affirmer, mais je crois que c’est précisément ce don divin, surhumain qui a donné un caractère unique, saisissant, à l’acte d’Arnaud et lui a valu l’admiration de tous.
Mais comment savoir plus sur l’intention intime d’Arnaud à ce jour ? La qualité des innombrables courriers reçus témoigne en tout cas de la fécondité spirituelle de son geste.
– Aviez-vous évoqué avec lui la menace djihadiste ?
Oui, il avait conscience de cette peste qui fait peur. Mais était convaincu qu’on devait se battre avec des armes spirituelles et intellectuelles, pas seulement avec des ordinateurs et des fusils d’assaut. Je pense qu’il a beaucoup parlé religion avec le terroriste. Arnaud Beltrame était un bon orateur, il avait intellectualisé sa foi retrouvée et n’hésitait pas à la partager.
Comment sa veuve fait-elle face à cette épreuve ?
La tragédie reste douloureuse. Marielle souffre. Beaucoup prient pour elle et je les encourage à continuer. Elle fait face, grâce à sa foi retrouvée et à son intelligence des situations périlleuses (elle fait un métier dangere ux !) Mais elle est heureuse de voir le bien que cette tragédie a opéré dans des milliers de cœurs de par le monde, en réveillant fierté et courage, désir du don de soi et amour de la France.
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Et profitez du Salon du livre organisé par l’école Saint-Joseph des Lys, à Versailles, 38 rue Rémilly, aujourd’hui et demain samedi, pour venir rencontrer Pierre-Marie Giraud, l’auteur de : Arnaud Beltrame L’héro¨sime pour servir, préfacé par le général Denis Favier, ancien patron du GIGN. Publié aux éditions de Mareuil : https://www.mareuil-editions.com/