Axelle Girard, ancienne responsable des relations institutionnelles de la Fondation pour l’Ecole, évoquée dans un récent article de Guillaume de Thieulloy, nous prie de bien vouloir publier les précisions ci-dessous :
Pourquoi suis-je venue à la Fondation pour l’école?
L’article de Guillaume de Thieulloy sur la crise qui secoue la Fondation pour l’école m’a valu de nombreuses questions. Quelles étaient mes motivations pour rejoindre ladite Fondation comme responsable des relations institutionnelles ?
J’ai commencé à travailler avec Anne Coffinier sur l’obtention de la prise en charge par l’Etat des aidants à l’inclusion scolaire des enfants scolarisés dans les écoles hors contrat. J’ai été frappée, à cette occasion, par l’ostracisme idéologique qui touche les écoles indépendantes. Chacun reconnaît qu’elles scolarisent beaucoup d’enfants handicapés, qu’elles leur offrent un cadre plus humain, souvent plus approprié à leur épanouissement. Mais elles demeurent des écoles indépendantes et, à ce titre, les parents des enfants handicapés pourraient bien payer tout seuls, sans que la puissance publique ne se penche vraiment sur la réalité concrète de leur sort. C’est le constat de cette « double peine », pour reprendre les mots de l’ancienne Directrice générale de la Fondation, qui a marqué le point de départ d’un dialogue continu avec elle, sur la liberté scolaire et les conditions politiques à satisfaire pour rendre possible cette liberté fondamentale et lui donner toute sa place.
Hostile à la réforme du collège menée par Najat Vallaud-Belkacem, que j’ai combattue au sein d’un collectif discret mais efficace, j’ai travaillé sur les questions éducatives bien avant mon arrivée à la Fondation. Avec Anne Coffinier, j’ai découvert l’étendue et la richesse de la liberté d’enseignement. J’ai la conviction que la France a besoin de plus liberté scolaire, non seulement pour garantir la liberté politique et la liberté de conscience dans notre démocratie, mais aussi pour mieux assurer la nécessaire transmission de notre culture, transmission vitale au maintien de notre civilisation et, aussi, à l’émergence de la créativité et de l’innovation.
Je suis venue à la Fondation pour l’école avec mon origine professionnelle, mon réseau et mes différences. Je n’avais pas, pour parler ainsi, la « culture » de la Fondation. Son président le savait bien lorsqu’il a signé mon contrat de travail. Je lui suis d’ailleurs reconnaissante de l’avoir fait.
Autrement dit, j’ai été recrutée à la Fondation pour l’école d’abord pour ce que je pouvais apporter de différent, pour ouvrir le jeu et, demain, faire remporter à la liberté scolaire des succès décisifs et susceptibles de changer la vie de millions d’enfants de France.
Anne Coffinier en est convaincue : sans rassembler au delà du pré-carré historique, terreau précieux, mais dont la liberté scolaire ne doit pas être l’esclave, nous ne pourrons pas remporter la victoire. C’est ce qui l’a motivée à m’embaucher, sans jamais me cacher les difficultés qui ne manqueraient pas de se présenter. La Fondation pour l’école s’était laissée enfermer progressivement et insidieusement dans un positionnement caricatural, difficilement compatible avec l’obtention de victoires nécessaires au service des écoles et des familles. Le combat pour la liberté scolaire est celui de toutes les familles. C’est un combat au service de tous les enfants. Il doit s’inscrire dans une perspective universelle, vocation-même de notre catholicisme. Nous n’avons pas le droit de capituler, d’accepter de ne fonctionner que comme une machine à soutenir financièrement 200 établissements scolaires par la défiscalisation, en sachant pertinemment qu’on ne pourra pas défendre les écoles des attaques à venir dans de telles conditions. Avec Anne Coffinier, nous avons pensé qu’il fallait chercher à reprendre la main pour gagner le combat de civilisation et de culture qui se joue à travers la liberté scolaire.
J’ai affronté l’épineuse question d’Espérance banlieues, avec son lot de questions douloureuses de déloyauté, de gestion à risque et de divergence stratégique par rapport à l’objectif de la liberté scolaire. J’ai bien vite partagé les fortes interrogations d’une grande partie du conseil d’administration de la Fondation pour l’école, qui tirait la sonnette d’alarme depuis plus de deux ans sans obtenir de réponse de la part d’Eric Mestrallet et de Lionel Devic. J’ai soutenu les efforts déployés par Anne Coffinier pour dénoncer les irrégularités d’ailleurs démontrées par le rapport d’audit de RSM et soulignées par le commissaire de gouvernement, pour conduire le CA à renouer avec l’esprit d’origine et remettre la Fondation pour l’école sur une voie qui lui permette de remporter les victoires nécessaires pour notre pays. Le respect de la légalité n’est pour moi pas négociable. Surtout pour une fondation reconnue d’utilité publique. Il est dommage que ceux qui se méfient de l’Etat en matière d’éducation n’entendent pas cette évidence. Si la Fondation pour l’école n’est pas irréprochable dans sa gestion, elle se mettra elle-même en situation de faiblesse, potentiellement fatale en cas d’affrontement politique – qui revient régulièrement – sur le principe-même de la liberté scolaire.
J’ai aidé la Fondation pour l’école à dialoguer avec les autres acteurs éducatifs, à mieux faire entendre sa voix. La débat public organisé par PSL entre Philippe Meirieu et Anne Coffinier était emblématique de cette évolution. Il y en a eu d’autres. Et toute l’équipe de la Fondation, à l’exception près d’une ou deux personnes, a largement souscrit aux perspectives dessinées par la Directrice générale pour mieux servir la mission propre à la Fondation.
Comme Anne Coffinier et d’autres salariés ou administrateurs, j’ai subi des pressions très fortes pour me faire jeter le gant. J’ai failli démissionner plusieurs fois, tant le harcèlement était fort. Certains mails en témoignent, qui dépassent ma pensée, mais décrivent bien mon épuisement. Mais démissionner, c’était laisser la voie libre à ceux qui voulaient faire de la FPE un petit club donnant des verges pour se faire battre pour mieux se plaindre, ensuite, d’être malaimé par la puissance publique. Comment peut-on défendre les écoles si l’on se laisse aller à insulter publiquement nos interlocuteurs au gouvernement et dans les principales institutions ? La liberté scolaire mérite mieux.
Personne n’aime le scandale. Mais la peur du scandale ne saurait conduire à tolérer des agissements qui tuent la cause qu’on prétend défendre. Préférer la justice à la paix apparente, c’est le choix que j’ai fait. Je ne regrette rien. Je reste engagée résolument pour la jeunesse et pour la liberté d’enseignement, à travers d’autres structures, aux côtés d’Anne Coffinier et de ceux qui l’accompagnent. Sur le fond, il n’est ni sain ni prudent qu’il y ait un monopole sur la défense de la liberté scolaire. La cause est décisive, et il y a de la place pour différents acteurs intelligemment positionnés.