Pierre Olivier revient pour L'Homme Nouveau sur l'interdiction de la recherche sur les cellules souches embryonnaires décidées par un juge aux Etats-Unis :
"Pour comprendre le noeud de l’affaire, il faut remonter à l’année 1996, date à laquelle le Congrès américain vote l’amendement Dickey-Wicker interdisant que des fonds publics subventionnent des projets de recherche impliquant la destruction directe d’embryons humains. Lorsque George W. Bush devient président des États-Unis en 2001, il étend cette interdiction à la recherche sur les cellules souches embryonnaires proprement dites. C’est ce dernier dispositif qui a été annulé par le décret du 9 mars 2009 signé par le nouveau locataire de la Maison-Blanche. Autrement dit, si l’emploi de fonds fédéraux alloués à la destruction d’embryons restait strictement interdit du fait de l’amendement Dickey-Wicker toujours en vigueur, le financement par l’argent du contribuable de travaux scientifiques portant sur les lignées cellulaires cultivées à partir de cette destruction devenait possible. C’est justement cette distinction artificielle qu’a rejetée Royce Lamberth dans l’étude qu’il a rendue pour défendre sa décision :
«Si le Congrès avait voulu limiter l’interdit de l’amendement Dickey-Wicker aux actes entraînant en eux-mêmes la destruction d’embryon, il l’aurait rédigé ainsi. Or, il ne l’a pas fait (…). Si une étape du processus de recherche implique la destruction d’embryon, l’ensemble de la recherche ne peut recevoir de financement public».
L’argumentation est donc bien la suivante : parce que le processus de dérivation de cellules souches embryonnaires résulte directement de la désagrégation d’un embryon, l’ensemble de la recherche est entaché d’illégalité sans qu’aucune des étapes ne puisse être séparée sur le plan moral. Le raisonnement du juge Lamberth fait écho à celui que l’on trouve au n. 35 de Dignitas personæ qui se penche sur le cas de figure de chercheurs qui utiliseraient du matériel biologique d’origine illicite produit en dehors de leur centre de recherche ou qui se trouverait dans le commerce. C’est exactement le cas des cellules souches embryonnaires disponibles sur catalogue et mises à disposition des chercheurs du monde entier. Un scientifique ne pourrait- il pas entreprendre des expériences sur ces cellules en faisant valoir son indépendance vis-à-vis de celui qui a fabriqué les embryons et de celui qui les a fait mourir ? Ce à quoi les auteurs de l’Instruction répondent que
«le critère d’indépendance ne suffit pas pour éviter une contradiction dans l’attitude de celui qui dit ne pas approuver l’injustice commise par d’autres, mais qui, dans le même temps, accepte pour son travail le “matériel biologique” que d’autres obtiennent par le biais de cette injustice».
Pour conforter son réquisitoire, le juge Royce Lamberth a eu l’audace de se positionner sur le propre terrain des scientifiques. Il donne ainsi raison à deux chercheurs qui se plaignaient que les subsides fédéraux dédiés aux cellules embryonnaires concurrencent leurs propres travaux sur des cellules souches adultes plus performantes et ne soulevant aucun problème éthique. Il rappelle en outre que son jugement ne nuit pas aux malades, contrairement à ce qu’affirme l’administration Obama, «puisque aucune preuve médicale d’un quelconque bienfait sur la santé humaine n’est pour l’instant à porter au crédit des expériences sur les cellules embryonnaires»."
Malgré cela, la cour d'appel fédérale de Washington a suspendu, en référé, l'interdiction de la recherche publique sur les cellules souches embryonnaires. Cela ne représente pas un jugement sur le fond, mais cela permet la poursuite du financement.