C'est une idée récurrente à droite, notamment chez Les Républicains, ex-UMP, ex-RPR (mais pas seulement), déçus du retour de la gauche aux affaires qu'elle n'avait pas quitté : le FN empêche l'élection de personnes de droite, c'est une impasse pour nos idées, "cornérisées" par ses excès et son amateurisme (il ne suffit que de songer au dernier débat…). Il freine donc le renouveau de notre pays.
C'est notamment l'avis de François-Xavier Bellamy, candidat LR à la législative de Versailles, dans un texte publié avant le second tour (texte habile permettant d'éviter à appeler à voter pour l'un comme pour l'autre des finalistes) :
"[…] Le Front National apparaît donc pour ce qu’il est : une formidable machine à empêcher le renouveau, et à maintenir en fonction les tenants de la déconstruction. Mme Le Pen avait fait élire François Hollande en 2012, et elle s’apprête à rééditer l’exploit : il aura fallu tout son poids pour réussir aujourd’hui cette incroyable prouesse, que le premier président à avoir été assez impopulaire pour ne même pas oser se représenter soit pourtant remplacé par celui qu’il voit comme son « fils », son double et son héritier. La situation est donc claire : au terme d’une campagne qui n’aurait hélas pas pu lui être plus propice, il est désormais certain que le Front National ne sera jamais qu’une impasse pour les électeurs qui se tournent vers lui. Il les condamne ainsi au désespoir politique. […]"
Sur Breizh.info, on trouve ce jour une tribune encore plus radicale, signée d'un collectif "pour en finir avec le Front National", demandant expressément de se désolidariser totalement du FN :
"Le Front national est un mouvement politique qui stérilise depuis 45 ans les réactions vitales des Français de souche, face au Grand remplacement. […] Chaque année avec le Front national est une année perdue pour réagir, construire, bloquer l’invasion migratoire. Le constat à en tirer est simple.
1 – Tout ce qui est susceptible de détruire ce mouvement, de saper sa légitimité, sa crédibilité et celle de ses dirigeants est souhaitable et ce, dés aujourd’hui.
2 – La disparition ou la minimisation de ce mouvement est la condition préalable à l’apparition de réponses politiques (électorales, militantes, solidaires) capables de porter un sursaut vital avant une mort annoncée irrémédiable si rien n’est fait.
3 – Chaque personne convaincue de ce constat doit cesser d’apporter toute contribution au Front national. […]"
Ces constats, qui peuvent parfois toucher juste au regard des carences réels de ce parti, s'avèrent néanmoins limités, en ce qu'ils font l'impasse sur les multiples trahisons de la droite parlementaire. Ce n'est pourtant pas nouveau. Nous pourrions remonter aux tentatives d'Ivan Blot et Bruno Mégret au début des années 1980 pour tenter d'influencer de l'intérieur le RPR (l'histoire bégaie: ce n'est pas le lieu de revenir ici sur la stratégie déplorable de Sens Commun, critiquée même en interne LR par certains de nos amis) et, n'y parvenant pas, se rabattant vers le FN de Jean-Marie Le Pen.
A ceux qui se désespèrent de l'élimination de François Fillon, il faut surtout répondre que, au-delà des candidatures de Nicolas Dupont-Aignan et Marine Le Pen, au-delà des invraisemblables attaques médiatiques que le candidat n'a pas du tout vu venir, François Fillon ne doit son échec qu'à lui-même. En effet, après avoir fait une belle campagne à droite lors des primaires, il a tenté le grand écart, de Bruno Le Maire à Sens Commun, en passant par NKM à qui il a confié sa belle circonscription parisienne, alors que la pauvre risquait de ne pas être réélue dans la sienne. Il lui a manqué moins de 500 000 voix pour être au second tour face à Emmanuel Macron. Nous pouvons tranquillement affirmer qu'il a perdu ses voix à cause de son incohérence, comme lorsqu'il a confié, après la manifestation du Trocadéro, 96 circonscriptions à l'UDI, retirant par la même occasion l'investiture à Xavier Lemoine, le maire PCD de Montfermeil.
Les électeurs ont vu en effet, et ils ont certainement eu raison, le retour de la trahison sarkozyste. Contrairement à ce qu'écrit injustement François Xavier Bellamy, ce n'est pas Marine Le Pen qui a fait élire François Hollande en 2012, c'est Nicolas Sarkozy. Après sa belle campagne inspirée par Patrick Buisson en 2007 (qui avait permis de vider le FN, réduit à 10% au 1er tour et à moins de 5% aux législatives suivantes), il a terriblement déçu son électorat, avec l'ouverture à gauche et toutes les mesures que nous avions alors dénoncées et sur lesquelles il est inutile de revenir. En 2012, en rejouant une campagne à la Buisson, et malgré sa perte de crédibilité, il a réussi à atteindre 27% dès le 1er tour. Chiffre dont était très loin François Fillon, qui a juste réussi à mobiliser le coeur de l'électorat de droite, celui qui votait péniblement Chirac en 1995 et 2002 : 20%. Et que dire de sa cruauté à l'égard de ses électeurs lorsqu'il a appelé à voter Emmanuel Macron, quelques minutes seulement après l'annonce des résultats ?!
Qu'en conclure ? Que le FN est fort de la faiblesse et des trahisons de la droite. C'est d'ailleurs ce que ne veulent pas voir les dirigeants actuels du FN, qui cherchent vers Mélenchon des électeurs qui ne se rallieront pas… LR a la main qui tremble alors qu'il lui faudrait se séparer de ses membres qui votent à gauche. Les documents du Macronleaks, dévoilé samedi dernier, laisse entendre qu'Emmanuel Macron avait des taupes au sein même de l'équipe de François Fillon. C'est de bonne guerre, mais c'est tellement facile d'infiltrer une équipe ouverte à tous les vents (sauf au FN)… Le fait que EM ne présente pas de candidats aux législatives face à certains candidats LR classés à gauche devrait mettre la puce à l'oreille de LR quant à l'identité de ces informateurs…
L'exemple de Nicolas Sarkozy aurait pourtant du être un électrochoc chez LR : c'est lorsque la droite est clairement à droite qu'elle regagne ses électeurs et affaiblit le FN. Encore faut-il qu'elle ne soit pas à droite seulement le temps d'une campagne électorale (voire juste le temps d'une primaire…). En septembre 2016, dans un entretien à Valeurs Actuelles, Patrick Buisson mettait en garde cette droite des trahisons électorales :
Patrick Buisson n'a pas été entendu. Et il est à craindre qu'il ne le soit pas plus prochainement. C'est dommage. Néanmoins, vous pourrez l'écouter mardi prochain, avec les Eveilleurs d'Espérance à Versailles.
Il ne sert à rien de croire affaiblir ou éliminer le FN autrement : d'autres s'y sont déjà cassés les dents (Bruno Mégret avec le MNR, Carl Lang avec le PDF…). Au contraire, il est même certainement utile de voter FN, au sens idéologique, car ce vote permet de faire progresser certaines idées portées traditionnellement par ce parti (même si parfois mal défendues) comme la lutte contre l'immigration, la défense de l'identité française, le principe de subsidiarité contre l'Europe de Bruxelles… L'élection n'a pas seulement pour but d'élire une personne à une fonction, elle a aussi pour mérite de défendre des idées et de les faire progresser dans l'opinion. D'où l'intérêt des candidatures dites de témoignage et la profonde nocivité du vote appelé "utile". A méditer pour les législatives…