Suite de conte de Noël dont les précédents épisodes peuvent être lus ici, là, là et encore là.
Le pape se tut et gagna son trône. Jeanne Faure, pour une fois en tailleur, monta à l’ambon et salua le pape, les évêques et les fidèles présents. Puis elle entra dans le vif de son sujet :
« Femmes du monde, je ne suis que l’une d’entre vous, et c’est en cette seule qualité que je vous parle, quelle que soit votre religion – ou votre absence de religion. La guerre menace le monde. On nous parle même d’un conflit nucléaire. Une seule force peut repousser une telle menace : l’amour.
Femmes du monde, c’est à vous d’abord que l’amour a été donné en partage. C’est vous qui portez les enfants et les mettez au monde, parfois dans de grandes souffrances, ces enfants que la guerre et les terribles armes modernes menacent.
Femmes du monde, prenez le pouvoir ! Faites reculer la culture de mort ! Une femme qui a donné sa vie pour faire rayonner l’amour dans le monde entier, une femme prix Nobel de la paix, une femme sans cesse penchée sur les plus pauvres a voulu un jour convaincre, de tout son amour, les femmes du monde qu’aimer veut dire donner, jusqu’à ce que ça fasse mal. Vous la connaissez toutes. Elle s’appelait Mère Teresa. Elle, qui ne voulait juger personne, ne craignait pas de dire : « Les œuvres d’amour commencent à la maison et les œuvres d’amour sont des œuvres de paix. Nous voulons tous la paix et nous avons peur de la bombe atomique, nous avons peur d’une nouvelle maladie… Mais nous n’avons pas peur de tuer un enfant innocent, ce petit enfant innocent qui a été créé pour la même raison que nous : pour aimer… Quelle contradiction ! Aujourd’hui, je sens que l’avortement est devenu le plus grand destructeur de la paix. » Ainsi parlait Mère Teresa. J’espère que je ne vous ai pas choquées en la citant.
Femmes du monde, moi non plus je ne juge personne. J’ai rencontré beaucoup d’entre vous, qui m’avez fait part du cortège de souffrances morales que vous a valu l’avortement. Faisons front, ne nous laissons pas impressionner par les idées dominantes, faisons reculer la pression qui nous impose de détruire en nous ces petits êtres qui veulent vivre : laissons-leur une chance. Notre corps est notre choix, mais leur vie, c’est leur droit. Ne leur refusons pas le droit élémentaire qui est de vivre, sinon comment pourrons-nous le réclamer pour nous dans la guerre qui menace ?
Femmes du monde, prenons le pouvoir ! Travaillons pour la paix en luttant pour garder vivants nos enfants à naître !
Femmes du monde, oui, travaillons pour la paix. Soyons les ambassadrices de la paix auprès de nos maris et de nos pères, de nos frères et sœurs, de nos enfants.
Femmes et hommes du monde, travaillons pour la paix. Œuvrons pour la paix auprès de nos amis, mais aussi auprès de nos ennemis. Soyons des instruments de paix envers tous, avec tous, partout et toujours.
Là où est la haine, soyons des témoins de l’amour.
Là où est l’offense, apprenons à nous pardonner.
Là où est l’erreur, enseignons et défendons la vérité.
Là où est le désespoir, soyons les garants de l’espérance.
Là où est la tristesse, répandons la joie.
Là où sévit la mort, défendons, protégeons, répandons la vie.
Que la paix soit avec tous les hommes et toutes les femmes de bonne volonté, maintenant et toujours !
Que la paix soit avec vous tous : c’est Noël ! »
Jeanne regagna sa place. Un profond silence était tombé sur l’assemblée. Et quand, après le recueillement d’usage, le pape entonna le credo, bien des yeux étaient embués de larmes.
L’antienne d’offertoire s’éleva, magnifiquement chantée par les chanoines de Saint-Pierre. « Que les cieux se réjouissent ! Que la terre exulte devant la face du Seigneur, car il vient. » Portée par la douce mélodie grégorienne, la paix de Dieu descendait du Ciel. La paix, ce don de Dieu, peu à peu gagnait les cœurs.
Un immense bonheur envahit l’âme du pape.
(Fin)