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L'Eglise : Vie de l'Eglise

Le pape est mort, vive l’Eglise !

Le pape est mort, vive l’Eglise !

Alors que la cérémonie des obsèques du pape François se tenait à Rome hier, la disparition d’un souverain pontife vient rappeler la réalité singulière de ce qu’est l’institution ecclésiale. Les papes se succèdent, l’Eglise demeure. Du père Danziec dans Valeurs Actuelles :

Les images venues de la place Saint-Pierre en disent long sur ce qu’est l’Eglise. Malmenée par de nombreux médias, bouleversée par ses fréquents désordres, on pourrait la croire exsangue, perdue et sans boussole. Il n’empêche. Le soleil, la foule, la piété des humbles, le recueillement des grands, la forêt de mitres du collège cardinalice, les vues aériennes d’une cérémonie de funérailles vue comme un événement constituent autant d’éléments dont l’Eglise seule peut se prévaloir de les rassembler avec tant d’évidence. L’avocat Henri de Beauregard le soulignait :

« Si elle n’avait que celui-là, il faut reconnaître à l’Eglise catholique ce pouvoir, d’utilité publique, au milieu de l’agitation et du bruit de nos sociétés, contraindre les puissants de ce monde à s’arrêter deux heures, en silence, pour écouter et méditer sur plus Grand qu’eux. »

Oui, le pape est mort et, désormais, enterré. François, successeur de Benoît XVI, sera dans quelques jours, le prédécesseur d’un autre “homme en blanc”. Depuis l’apôtre Pierre, 266 papes se sont succédés pour diriger l’ensemble des baptisés. En s’arrêtant quelques instants sur cette réalité, avec la foi chevillée à l’âme ou non, le mystère pointe son nez et le vertige menace. Qu’il s’agisse de l’amour, du sacré, de ce qui nous dépasse et de ce qui s’imprime sur le temps long, on ne peut regarder l’Eglise comme une entité comme une autre. L’Eglise n’est pas seulement une société religieuse, hiérarchisée et organisée, avec son droit propre, ses gloires et ses blessures, ses héros et ses tares. L’Eglise est un mystère au sens propre. Elle se ferme aux yeux du monde profane. Pour pouvoir sinon la contempler, à tout le moins la considérer, donc pour être en mesure de l’observer, les psaumes indiquent l’attitude d’âme qui doit être la nôtre : la crainte révérencielle de Dieu. L’office divin place en effet sur les lèvres des clercs, chaque dimanche aux vêpres, le verset suivant : « Initium sapientiae timor Domini. Intellectus bonus omnibus facientibus eum / La crainte du Seigneur est le commencement de la sagesse. / La vraie intelligence est en tous ceux qui agissent selon cette crainte ».

On ne peut s’approcher du mystère de l’Eglise et de son Dieu, « L’Inaccessible et l’Inévitable » selon la formule de Victor Hugo, sans chercher à se revêtir de cette forme de crainte révérencielle qui vient comme purifier notre regard des scories des logiques mondaines. A l’instar d’un Don Quichotte tombant sur deux femmes de mauvaise vie et dont la candeur le conduit à les traiter comme des demoiselles de haut lignage et de rare vertu. Sous l’écorce peu avantageuse de ces filles de joie, le héros de Cervantes, au regard pur comme son âme, ne voyait pas la prostituée mais la noblesse de la femme. Une réalité sacrée, appelant respect et considération infinie.

Le grand mystère de l’Eglise

Pour plagier le merveilleux et bien connu petit texte Que dire à un jeune de vingt ans d’Hélie de Saint-Marc, on pourrait écrire de l’Eglise les mots suivants : « Ne nous installons pas dans notre conception de l’Eglise jusqu’à vouloir l’asséner comme une certitude, mais sachons nous offrir à son mystère en tremblant ». En tremblant, certes. Parce que l’Eglise est en tant que telle un monument et une histoire. Elle est comme « Tremendae majestatis / Redoutable en majesté » selon l’expression du Dies irae.

Elle nous dépasse, nous étonne, nous émerveille, nous interpelle, nous interroge, nous fait souffrir parfois. Le catéchisme enseigne, quelle que soit la météo de l’histoire à son extérieur et la température ambiante en son intérieur, qu’elle est « l’arche du salut » (Catéchisme de l’Eglise Catholique n°845).

Bien sûr, certains pourraient faire part de leur écœurement et de leur dégoût devant le scandale provoqués par des clercs ou face au délitement éhonté de la doctrine. Jean Ousset, figure emblématique du mouvement intellectuel La Cité Catholique de “La rue des renaudes” répondait, en 1964, à ceux qui, votant avec leurs pieds, abandonnaient l’Eglise :

« Trop d’excès cléricaux vous scandalisent ? Vous en perdriez la foi ? Si l’on devait perdre la foi pour raison de « pagaille », ce serait pécher par défaut, non par excès que d’évoquer seulement la « pagaille » d’aujourd’hui. N’est-ce point nous qui tendrions à préférer une comédie de patronage à la tragédie bouleversante de la Rédemption ? Curieux soldats d’une Église réputée militante, que ces guerriers troublés aux premiers signes de la bataille. »

Sa mission : déranger et purifier

On l’aura compris : la gloire de l’Eglise ne saurait se déchiffrer selon des critères mondains. « Sans péché mais non sans pécheurs » pour reprendre la formule consacrée, l’Eglise est « une apparente défaite dans une perpétuelle victoire » aux dires de Charles de Foucauld. Qui, en effet, oserait affirmer que depuis deux millénaires elle laisse ses contemporains sans enseignement pour les instruire, sans patrimoine sacré pour les émerveiller, sans expérience mystique pour les édifier, sans langage de l’âme pour les dépasser, sans miracle pour les confondre ? Manquerions-nous de figures de saints, d’écrits patristiques, de recueils spirituels, d’encycliques charpentées pour y voir clair ?

Que beaucoup croient, à tort, que la mission principale de l’Eglise, sous l’égide du pape, est d’améliorer le bien-être temporel de l’homme, d’incarner une sorte d’organisme humanitaire pour lutter contre la pauvreté, la maladie, la pollution de l’environnement et favoriser la fraternité universelle n’empêchera pas l’Eglise de rappeler, à temps et à contretemps, sa mission sur terre. Comme le soulignait le père Calmel, dominicain mort en 1975, dans un article intitulé De l’Eglise et du pape : « L’Eglise n’est pas le corps mystique du pape. L’Eglise, avec le pape, est le corps mystique du Christ. » Depuis son origine au pied de la croix, la mission de l’Eglise reste effectivement imperturbable : enseigner, gouverner et sanctifier tous les hommes en Jésus-Christ en vue d’aller au Ciel.

François le combatif et le disruptif s’en est allé. Que son âme, assurément, repose désormais en paix. Oui, le pape est mort, mais que vive l’Eglise. Qu’elle continue, par son Evangile de la joie et de la vérité, à déranger et purifier. C’est même à cela, d’ailleurs, qu’on la reconnaît.

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