Benoît XVI a reçu ce matin les
ambassadeurs accrédité
près le Saint-Siège pour
le traditionnel échange des voeux du corps diplomatique. Extraits du discours :
"[…] Votre présence est un signe significatif et apprécié des rapports
fructueux que, dans le monde entier, l’Église catholique entretient avec les
Autorités civiles. Il s’agit d’un dialogue qui a à cœur le bien intégral,
spirituel et matériel, de chaque homme, et cherche à en promouvoir partout la
dignité transcendante. Comme je l’ai rappelé dans mon
Allocution à l’occasion du
dernier Consistoire ordinaire public pour la création de nouveaux Cardinaux,
« l’Église, depuis ses origines, est orientée kat’holon, c’est-à-dire
qu’elle embrasse tout l’univers » et avec lui chaque peuple, chaque culture et
chaque tradition. Cette “orientation” ne représente pas une ingérence dans la
vie des diverses sociétés, mais elle sert plutôt à illuminer la conscience
droite de leurs citoyens et à les inviter à travailler pour le bien de chaque
personne et pour le progrès du genre humain. […]Aujourd’hui, on est
quelquefois amené à penser que la vérité, la justice et la paix sont des utopies
et qu’elles s’excluent mutuellement. Connaître la vérité semble impossible et
les efforts pour l’affirmer semblent souvent aboutir à la violence. D’autre
part, selon une conception désormais diffuse, l’engagement pour la paix ne
consiste que dans la recherche de compromis qui garantissent la cohabitation
entre les peuples ou entre les citoyens à l’intérieur d’une Nation. Dans
l’optique chrétienne, au contraire, il existe un lien intime entre la
glorification de Dieu et la paix des hommes sur la terre, si bien que la paix ne
vient pas d’un simple effort humain, mais participe de l’amour même de Dieu. Et
c’est justement l’oubli de Dieu, et non pas sa glorification, qui engendre la
violence. En effet, quand on cesse de se référer à une vérité objective et
transcendante, comment est-il possible de réaliser un dialogue authentique ?
Dans ce cas, comment peut-on éviter que la violence, déclarée ou cachée, ne
devienne la règle dernière des rapports humains ? En réalité, sans une ouverture
transcendante, l’homme devient facilement la proie du relativisme et, ensuite,
il réussit difficilement à agir selon la justice et à s’engager pour la paix.
Aux manifestations de l’oubli de Dieu
on peut associer celles dues à l’ignorance de son vrai visage, qui est la cause
d’un fanatisme pernicieux de matrice religieuse, qui, en 2012 aussi, a fait des
victimes dans certains pays, ici représentés. Comme je l’ai déjà dit, il s’agit
d’une falsification de la religion elle-même, alors que celle-ci, au contraire,
vise à réconcilier l’homme avec Dieu, à éclairer et à purifier les consciences
et à rendre clair que chaque homme est image du Créateur.Donc, si la glorification de Dieu et la paix sur la terre sont étroitement liées
entre elles, il apparaît évident que la paix est, en même temps, don de Dieu et
tâche de l’homme, parce qu’elle exige sa réponse libre et consciente. Pour ce
motif, j’ai voulu intituler le
Message annuel pour la Journée mondiale de la
Paix : Heureux les artisans de paix. C’est avant tout aux Autorités
civiles et politiques qu’incombe la grave responsabilité d’œuvrer pour la paix. […]La construction de la paix passe
toujours de nouveau par la protection de l’homme et de ses droits fondamentaux.
Cette tâche, même si elle est menée avec des modalités et une intensité
diverses, interpelle tous les pays et doit constamment être inspirée par la
dignité transcendante de la personne humaine et par les principes inscrits dans
sa nature. Parmi ceux-ci figure au premier plan le respect de la vie humaine,
dans toutes ses phases. A cet égard, je me suis réjoui qu’une Résolution de
l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, en janvier de l’année
dernière, ait demandé la prohibition de l’euthanasie, comprise comme un meurtre
volontaire, par acte ou par omission, d’un être humain en état de dépendance. En
même temps, je constate avec tristesse que, en divers pays, même de tradition
chrétienne, on a œuvré pour introduire ou pour amplifier des législations qui
dépénalisent ou libéralisent l’avortement. L’avortement direct, c’est-à-dire
voulu comme une fin ou comme un moyen, est gravement contraire à la loi morale.
Par cette affirmation, l’Église catholique ne manque pas de compréhension et de
bienveillance, y compris envers la mère. Il s’agit, plutôt, de veiller afin que
la loi n’en arrive pas à altérer injustement l’équilibre entre le droit à la vie
de la mère et celui de l’enfant à naître, qui appartient à l’un et à l’autre de
façon égale. Dans ce domaine, est également source de préoccupation le récent
arrêt de la Cour interaméricaine des droits de l’homme, relatif à la fécondation
in vitro, qui redéfinit arbitrairement le moment de la conception et fragilise
la défense de la vie prénatale.Malheureusement, surtout en Occident,
on trouve beaucoup d’équivoques sur la signification des droits de l’homme et
des devoirs qui leur sont liés. Les droits sont souvent confondus avec des
manifestations exacerbées d’autonomie de la personne, qui devient
autoréférentielle, n’est plus ouverte à la rencontre avec Dieu et avec les
autres et se replie sur elle-même en ne cherchant à ne satisfaire que ses
propres besoins. Pour être authentique, la défense des droits doit, au
contraire, considérer l’homme dans son intégralité personnelle et communautaire. […]En poursuivant notre entretien
d’aujourd’hui, je voudrais ajouter que la paix sociale est aussi mise en péril
par certaines atteintes à la liberté religieuse : il s’agit parfois de
marginalisation de la religion dans la vie sociale; dans d’autres cas,
d’intolérance ou même de violence envers des personnes, des symboles
identitaires et des institutions religieuses. Il arrive aussi que des croyants –
et particulièrement des chrétiens – soient empêchés de contribuer au bien commun
par leurs institutions éducatives et d’assistance. Pour sauvegarder
effectivement l’exercice de la liberté religieuse, il est ensuite essentiel de
respecter le droit à l’objection de conscience. Cette “frontière” de la liberté
touche à des principes de grande importance, de caractère éthique et religieux,
enracinés dans la dignité même de la personne humaine. Ils sont comme “les murs
porteurs” de toute société qui se veut vraiment libre et démocratique. Par
conséquent, interdire l’objection de conscience individuelle et
institutionnelle, au nom de la liberté et du pluralisme, ouvrirait
paradoxalement au contraire les portes à l’intolérance et au nivellement forcé. […]"