Gaël Brustier, l'auteur de Le Mai 68 conservateur – Que restera-t-il de la Manif pour tous? (éditions du Cerf, 2014), analyse dans Le Figaro le refus wallon de signer le CETA, traité de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne, qui devait être signé le 27 octobre :
"[…] Signé ou non ultérieurement, ce refus du dirigeant socialiste wallon Paul Magnette à l'encontre du CETA revêt une dimension politique forte, dans une période où l'on pense la gauche européenne éteinte et inéluctablement soumise à une acceptation béate de la mondialisation. Jusque-là, le CETA, négocié entre l'Union européenne et le Canada, n'était en effet pas au centre du débat public. Négocié entre l'UE et un pays dont l'économie certes importante mais sans commune mesure avec ce que représentent de puissance les États-Unis d'Amérique, il avait été éclipsé par l'enjeu colossal du TAFTA-TTIP. C'est en en effet cet autre traité, dont les négociations «n'engagent plus la France» après que notre pays, par la voix de son secrétaire d'État au Commerce extérieur, un autre socialiste aux convictions européennes, Matthias Fekl, en a demandé la «fin» courant septembre, qui a focalisé attention et critiques.
Cette fois, c'est de Wallonie qu'un coup potentiellement mortel a été porté à ce traité. Paul Magnette, ministre-président de cette région fédérée du Royaume de Belgique affirme avoir simplement demandé «un peu de temps» en refusant une nouvelle fois de déléguer sa signature au gouvernement fédéral belge. Ce délai demandé par la région wallonne a en fait provoqué une crise majeure au sein de l'Union européenne.
Paul Magnette et le refus du CETA sont de nouveaux révélateurs de l'ampleur d'une crise qui atteint l'Union européenne, le cœur de ses politiques et permet d'entrevoir ce que sera le cœur du discours qui succédera à celui de la gauche depuis les années 1980.
Paul Magnette, né en 1971, est aujourd'hui ministre-président de la Région wallonne. Avant de devenir responsable politique, Paul Magnette a d'abord eu une carrière universitaire de premier plan. Professeur de science politique, Magnette a acquis très jeune un prestige et une réelle aura dans la science politique européenne, en développant en quelques années une véritable œuvre universitaire consacrée à l'intelligence du processus d'intégration européenne de ses origines (Conférence de Messine, 1955) au traité de Lisbonne. Son impressionnante bibliographie recèle des réflexions d'une rare intensité et en fait un des rares responsables politiques qui associe à sa pratique des institutions européennes une dimension intellectuelle et théorique sophistiquée. […]
Parfait connaisseur de l'Union européenne, très attentif et actif acteur de ses institutions, Paul Magnette peut-il n'avoir pas mesuré les conséquences de son geste politique? Assurément pas. Le tollé provoqué par sa décision était probablement un des objectifs (sans doute secondaire) définis par le ministre-président de Wallonie. Paul Magnette partage avec son collègue espagnol Pablo Iglesias ce rare talent faisant de lui à la fois un excellent politiste et un fin politique, trop conscient de la fragilité actuelle des régimes politiques nationaux et de celui de l'Union européenne pour ne pas avoir su très tôt que sa décision ne heurterait pas seulement le gouvernement fédéral belge mais pourrait embraser la vie politique de l'UE. […]"