Dans le nouveau numéro de l’Appel de Chartres, l’abbé Quentin Sauvonnet rend hommage à l’abbé Christian-Philippe Chanut, curé de Saulx-les-Chartreux, brillant historien et orateur, aumônier de la maison de Bourbon de 1979 à sa mort en 2013. Extrait :
[…] Certains s’étonnaient des libertés qu’il prenait avec le missel. Les initiés au chant grégorien se rendaient vite compte que ce qu’il chantait n’avait rien à voir avec la partition. Il était le premier à le reconnaître, admettant qu’il était incapable de déchiffrer la musique. Cependant, c’est avec une assurance déconcertante qu’il se lançait dans des mélopées à chaque fois originales. Il n’y a guère que les kyries les plus populaires et la messe des morts qu’il connaissait par cœur. Il confiait, l’air amusé, qu’on était venu le complimenter, après une messe à Saint-Denis où sa préface était, une fois de plus, une belle improvisation : « Monsieur l’abbé, ce ton carolingien était sublime ».
Mais c’est dans l’observance des rubriques, qu’il était le plus libre, surtout avec la célébration du missel de Paul VI. Cela allait toujours dans le sens d’un enrichissement ou d’une explicitation. Ainsi, très vite, il substitua l’offertoire du rit tridentin à l’offertoire prévu par le missel réformé. Il n’avait pas agi de la sorte pour des raisons d’esthétisme mais bien pour des raisons doctrinales. Il ne s’en cachait pas : à ses yeux, le nouvel offertoire était grandement déficient. D’ailleurs, il confiait s’être retrouvé, dans le début des années 80, membre d’un groupe de réflexion, réuni autour du cardinal Ratzinger à Rome, pour réfléchir à ce que pouvait être la fameuse « réforme de la réforme ». Il y avait là des personnes de tous horizons, religieux ou diocésains. Quand l’abbé Chanut avait fait part des aménagements effectués dans sa paroisse – à savoir, messe de Paul VI avec systématiquement le kyriale grégorien, le canon romain, le numéro 1, et l’offertoire tridentin – le cardinal lui avait répondu : « Voilà ce que sera la réforme de la réforme ». À force d’explications sur le sens des rites de la messe, l’abbé avait au début des années 90 « reconstruit » la liturgie à Saulx-les-Chartreux, l’autel face au peuple ayant même été enlevé.Cela paraît aujourd’hui d’une banalité consommée, mais dans le contexte des années 80 et surtout dans le diocèse d’Evry, cela avait des allures de révolution. Conscient de ses originalités, l’abbé Chanut appelait son produit fini le rit « pie-paul-cha : un peu de saint Pie V, un peu de Paul VI et beaucoup de Chanut ». […]