Mgr Schneider, évêque auxiliaire au Kazakhstan, est interrogé par Présent. Extraits :
Monseigneur, on entend souvent, pour justifier la communion dans la main, l’argument du retour aux sources. Cet argument est-il fondé ?
Cet argument est un mythe, ou peut-être une tromperie intentionnelle, parce que la réalité est assez différente. En vérité, le rite de la communion dans la main pratiqué de nos jours nous vient des communautés calvinistes et n’a rien à voir avec la coutume des premiers siècles. Les documents littéraires et iconographiques nous révèlent que, pendant les premiers siècles, dans certains endroits, la sainte communion était déposée dans la paume de la main droite, et non dans la main gauche comme on le fait aujourd’hui. Ensuite, le fidèle inclinait profondément la tête jusqu’à la paume de la main et prenait la sainte hostie directement avec ses lèvres puis, éventuellement, avec la langue, les parcelles eucharistiques qui avaient pu rester dans la paume. Les hommes se lavaient les mains avant la communion. La paume des femmes devait être recouverte d’un linge blanc et ce linge était purifié après la communion.
[…] Enfin, reste cet important aspect théologique qui dit : la liturgie connaît par nature une croissance organique tendant à la profondeur et à une plus grande perfection, parallèle à la croissance de la foi. Le retour aux expressions de la liturgie ou de la foi dans leur état embryonnaire est une erreur théologique, c’était d’ailleurs une prétention typique des hérétiques. Dans son encyclique classique sur la liturgie Mediator Dei, le pape Pie XII a condamné une telle attitude, l’appelant « archéologisme liturgique ».
[…] La cause médiate, à mon avis, réside dans la réforme liturgique en général, qui a réduit les gestes et les paroles claires de la sacralité à un minimum, et en particuler dans le style de la liturgie de la messe, devenu imprécis, laissant place à la créativité ou à la subjectivité du célébrant et des autres participants. La cause immédiate du manque de respect est sans aucun doute le rite moderne de la communion dans la main lui-même, un rite du point de vue objectif et phénoménologique assez banal et de caractère profane, inventé par les calvinistes pour lesquels l’Eucharistie est un pur symbole.
Comme cause général du manque de respect, on peut indiquer une catéchèse et une prédication doctrinalement très défectueuses, et même quelquefois purement protestantes. Il faut effectuer des gestes liturgiques comme on croit sinon, tôt ou tard, on finit par croire selon les gestes que l’on a accomplis. […]
Vous assurez que revenir à la communion à genoux et dans la bouche vaudra un grand nombre de grâces à l’Eglise militante. Mais que préconisez-vous pour généraliser ce retour : la suppression de l’indult, déjà ancien (1969), autorisant la communion dans la main ? Qu’entendez-vous par « norme liturgique à instaurer aboutissant à la disparition de la communion dans la main » ?
Il faut, bien sûr, procéder par étapes. Parmi les fidèles qui reçoivent la sainte communion dans la main, la plupart le font avec une totale bonne foi. Les uns agissent par docilité, par obéissance, parce que le curé ou même l’évêque l’ont conseillé ou imposé. Il existe cependant probablement aussi des personnes qui communient ainsi parce qu’elles ne croient pas en la présence réelle. Notons enfin que certaines personnes communient dans la main avec une foi et une dévotion profondes et sont motivées par des préférences subjectives, oubliant malheureusement les conséquences objectives nocives de cette pratique liturgique.
Il faudrait tout d’abord, fréquemment, donner aux enfants et aux adultes une catéchèse et une prédication intégrales et précises sur l’Eucharistie, et spécialement sur la grandeur et la sublimité de la sainte communion. Ensuite, il faudrait expliquer concrètement les dangers réels et fréquents de la perte et du vol des parcelles eucharistiques, mettant en évidence surtout le fait horrible que Notre-Seigneur présent dans la sainte Eucharistie, en d’innombrables églises, est piétiné par les fidèles. Puis il faut informer les fidèles que la communion dans la main est une exception à la loi liturgique, dite indult, insistant en même temps sur le fait que la communion sur la langue et à genoux est la règle. Ceci exige logiquement de mettre un prie-Dieu, un banc de communion ou, mieux encore, une balustrade à disposition des fidèles, afin de ne pas discriminer ceux qui ont le droit de recevoir la sainte communion sur la langue et à genoux.
Une autre mesure utile serait que l’évêque diocésain publie une lettre pastorale spécifique sur l’Eucharistie et la sainte communion, invitant instamment et de manière argumentée les fidèles à recevoir le Seigneur Eucharistique sur la langue et à genoux. Le Saint-Siège devrait faire la même chose vis-à-vis de tous les évêques et de tous les diocèses du monde. Le dernier pas dans un tel processus serait la prohibition formelle de la pratique de la communion dans la main. […]"