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Culture de mort : Euthanasie / France : Politique en France

Le RN s’engage contre la légalisation de l’euthanasie

Le RN s’engage contre la légalisation de l’euthanasie

Jordan Bardella, président du RN, publie cette tribune dans le JDD :

L’Assemblée nationale s’apprête à débattre d’un texte qui engage la conscience de notre nation. Ce projet, scindé en deux volets, aborde une question fondamentale entre toutes : la fin de vie.

Le premier volet, que je salue, vise à renforcer l’accès aux soins palliatifs. Le second, bien plus périlleux, entend légaliser ce que l’on nomme pudiquement « l’aide à mourir », soit le suicide assisté et l’euthanasie. En réalité, il s’agit d’un basculement historique de notre droit, d’un tournant anthropologique majeur. Je mesure pleinement les raisons qui poussent nombre de nos compatriotes à voir dans la mort provoquée une forme d’avancée. Face à des souffrances extrêmes, à la solitude, à la peur, la tentation d’abréger la vie peut sembler humaine. Certains y voient une ultime liberté, un dernier acte de souveraineté sur son propre corps. Je comprends cette douleur, je respecte ce désespoir, mais je refuse pour autant d’en faire un fondement juridique.

Je ne m’oppose pas à ce texte par dogmatisme. Je connais la réalité de cette France qui prend de l’âge, de ces familles épuisées par la maladie, de ces aidants qui portent au quotidien un fardeau immense. Mais c’est précisément parce que je connais cette réalité que je m’y oppose en conscience. Car une société ne se définit pas seulement par ce qu’elle autorise, mais d’abord par ce qu’elle protège. Et je crois profondément que notre devoir collectif est de protéger la vie, surtout quand elle devient fragile.

Depuis 2005, la loi Leonetti trace un chemin d’humanité : celui qui refuse l’obstination déraisonnable, sans jamais franchir le seuil ultime qui ferait de la mort une solution. Ce chemin est aujourd’hui compromis. Non parce qu’il aurait échoué, mais parce que l’État a failli. Actuellement, seuls 50 % des patients qui en auraient besoin accèdent à des soins palliatifs. Vingt départements n’ont toujours aucune unité dédiée. Ce n’est pas la loi qu’il faut changer, c’est la réalité qu’il faut affronter, avec des moyens à la hauteur de l’ambition que nous nous sommes donnée.

Et pourtant, plutôt que de corriger cette injustice, on nous propose de la contourner. Plutôt que de soigner, on nous suggère d’accélérer la fin. Cette proposition de loi n’est pas seulement une réponse inadaptée : elle est un aveu de renoncement. Une société qui n’a plus les moyens d’accompagner la vie jusqu’à son terme ne se grandit pas en légalisant la mort comme une solution par défaut.

À ceux qui affirment que des garde-fous seront posés, je réponds que l’histoire d’un tel projet de société sera celle d’une digue qui cède. Les débats récents ont montré le jusqu’au-boutisme de certains députés : un « délit d’entrave à l’aide à mourir » a été adopté – avec l’avis favorable du gouvernement ; la notion de « pronostic vital engagé à court ou moyen terme » a été supprimée. Peu à peu, l’exception devient norme. Le droit devient incitation. Et le regard porté sur les plus vulnérables s’altère insensiblement.

L’expérience étrangère doit nous alerter. Aux Pays-Bas, l’euthanasie a été légalisée pour des cas extrêmes. Elle concerne désormais des personnes âgées lassées de vivre, des patients déments ou dépressifs, des couples ou des proches qui demandent à mourir ensemble. En 2024, près de 10 000 euthanasies y ont été pratiquées, soit 5,4 % des décès. Même ceux qui furent à l’origine de cette dérive en dénoncent aujourd’hui les conséquences… Le professeur Theo Boer, ancien membre des commissions de contrôle néerlandaises, confie aujourd’hui son désarroi : « J’ai cru qu’un cadre rigoureux pouvait prévenir les dérives. Je n’en suis plus si sûr. »

La vérité est simple : une fois la porte ouverte, il devient impossible de la refermer. Et ce que nous normalisons aujourd’hui au nom de la liberté, nous le verrons demain se retourner contre les plus vulnérables.

On ne le dit pas assez : les soins palliatifs ne sont pas une médecine de l’abandon, mais une médecine du lien, de l’accompagnement, de la dignité. Grâce à des protocoles éprouvés, nous savons soulager la douleur, apaiser l’angoisse, accompagner les derniers instants sans souffrance, sans solitude, sans jamais attendre passivement la fin.

Ce que réclament les soignants, ce ne sont pas des textes pour donner la mort, mais des moyens pour prendre soin : des unités renforcées, des équipes formées, une reconnaissance à la hauteur de leur engagement.

Les soins palliatifs, comme le disait le professeur Jean Bernard, c’est « ajouter de la vie aux jours quand on ne peut plus ajouter de jours à la vie ». Le médecin est et doit rester celui qui protège.

Ce débat touche à l’intime, à ce que nous avons de plus humain. Il exige de la pudeur, du respect, de la hauteur de vue. La République ne se fonde pas sur des cas extrêmes : elle se fonde sur des principes. Et parmi ces principes, il y a celui-ci : une vie humaine, jusqu’à son terme, mérite d’être entourée, honorée, soutenue. Surtout lorsqu’elle devient fragile. Faisons des soins palliatifs une grande cause nationale. Car l’honneur d’un pays ne se mesure pas à sa capacité à écourter la vie, mais à la dignité avec laquelle il en accompagne la fin.

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