De Thibaud Collin dans L’Homme Nouveau :
Voilà dix ans que le pape François a été élu à la Chaire de saint Pierre. Sans prétendre établir un bilan de cette décennie, il est possible de souligner quelques points saillants, caractéristiques du style du Pape qui contribuent à déterminer la situation ecclésiale actuelle.
Le pape François, comme tous les autres papes, est arrivé à Rome avec sa riche expérience humaine, spirituelle et ecclésiale antérieure. Ce qui signifie dans son cas que l’esprit actuel de la Compagnie de Jésus et la modalité sud-américaine de l’Église sont devenus des éléments du magistère et du gouvernement pontificaux. Cela se manifeste notamment par un souci du concret, un style direct et pratique, une attention aux situations singulières, une préoccupation pour les pauvres et les personnes fragiles.
Le style ignacien se retrouve dans la mise en œuvre du discernement, méthode appliquée dans les Exercices spirituels à la volonté de Dieu, mais qui peut aussi devenir plus généralement une manière d’interpréter les événements historiques pour mieux s’y engager. Tout cela a engendré un pontificat très politique et peu doctrinal.
Il faut entendre par là que le pape François est plus à l’aise quand il s’agit de décider concrètement que quand il s’agit d’exposer la foi et la morale chrétiennes ; d’où parfois une impression de confusion doctrinale, souvent soulignée, accompagnant une démarche qui se veut authentiquement pastorale. Les âpres débats suscités par les deux synodes sur la famille ont été l’acmé de cette caractéristique du « style François ». […]
Renaissance catholique évoque l’ouvrage de Jean-Pierre Moreau :
[…] Né en 1936, le pape François est, comme tout homme, le fruit d’une histoire incarnée dans une nation, en l’occurrence l’Argentine ; il a subi les influences intellectuelles des maîtres qui l’ont formé dans sa jeunesse et qui l’ont accompagné dans sa carrière dans la Compagnie de Jésus.
Spécialiste de l’Amérique latine, envoyé spécial du Figaro-Magazine sur ce continent à plusieurs reprises, Jean-Pierre Moreau a rencontré de nombreuses figures de la théologie de la libération qui ont marqué la pensée et la « praxis » du pape François.
Trois influences majeures se dessinent :
Tout d’abord la « théologie du peuple », variante argentine de la « théologie de la libération » qui promeut le « peuple de Dieu » comme « lieu théologique » et donc source de connaissance de la Révélation.
Puis le péronisme, mélange subtil de pragmatisme opportuniste et d’idéologie « populiste », le général Perón ayant joué un rôle majeur dans la vie politique argentine des années 1940 jusqu’à son décès en 1974.
Enfin les nouvelles orientations données à la Compagnie de Jésus par le P. Pedro Arrupe, le « pape noir », supérieur général de la Compagnie de 1965 à 1981. […]