A l'occasion de la sortie de son livre Les Loups sont de retour, du chaos vont émerger de nouvelles élites, aux Editions Terra Mare, Le Salon Beige a interrogé Thomas Flichy de La Neuville :
Pourquoi un livre sur le retour des loups?
Ce petit essai est tiré d’un cours sur les caractères de l’officier. L’étude des temps de transition entre la paix et la guerre montre en effet qu’un bouleversement de la hiérarchie se produit très souvent à ce moment précis. En août 1914 par exemple, des milliers d’officiers – qui ont été promus conformément aux règles du temps de paix – éprouvent des difficultés à commander. A l’inverse, des chefs nés émergent soudainement du néant. Il ne s’agit pas d’une inversion totale naturellement mais il ne fait aucun doute qu’au premier choc du feu, la hiérarchie interne à chaque groupe humain a été modifiée. Des dominants ont émergé.
Existe-t-il d’autres exemples de telles périodes de transition ?
Les exemples sont très nombreux. Celui de la révolution de 1789 par exemple. L’irruption des bêtes parmi les hommes a été admirablement peinte par Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord qui écrit dans ses mémoires : « Oublierai-je Maximilien Robespierre, chat-tigre, hyène parfumée, qui, la Convention venue n’aurait voulu boire le sang qu’il répandait que dans une coupe d’or (…) quelle différence entre le Robespierre de 1789 et celui de 1793 ? Il faut l’avoir vu pour s’en faire une idée. A la première de ces époques c’était un homme de bien, mais exalté ; à la seconde, ce fut un monstre ». En quatre ans, les manières presque courtoises de Maximilien de Robespierre se sont effacées pour laisser apparaître un carnassier.
La révolution des caractères se présente-t-elle comme un processus brutal?
Elle est progressive au contraire. Comme toute crise, la révolution agit à la manière d’un tamis sur les caractères : reléguant rapidement les personnalités sanguines des courtisans d’Ancien Régime, ou les personnalités apathiques comme celle de Louis XVI, le chaos propulse les colériques qui, comme Danton, manifestent une soif continuelle de changement. Ces colériques représentent le principe actif de la révolution. Face à eux, un sentimental comme Robespierre, paralysé par l’indécision, n’a aucune chance. Mais après la tourmente, ce sont finalement les personnalités passionnées qui se hissent au pouvoir. La recomposition humaine issue de la violence, a par conséquent favorisé les dominants. Emotifs, ils sont à même de sentir la foules et de l’électriser. Actifs, ils multiplient les initiatives afin de lutter contre la tentation physiologique du repli sur soi. Secondaires, ils s’abstiennent de décisions ne visant qu’un résultat immédiat. Ces dominants prennent rapidement la tête de petits groupes humains, sur le modèle des loups, organisés en meutes rivales. Si l’on examine la hiérarchie interne à chaque meute, il en ressort que le nouvel ordre a bouleversé celui qui régnait en temps de paix.
Nous situons nous dans un tel temps de transition ?
Il est difficile de le dire. En tous cas, nous nous situons dans une période d’accélération majeure et sans doute à un tournant. Il s’avère par conséquent précieux d’identifier les élites mortes qui seront paralysées par les troubles, les déstabilisateurs qui souhaiteront prospérer sur le désordre, et surtout les personnalités qui seront aptes à gouverner demain. Les élections ne sont elles pas un affrontement de personnalités davantage que d’idées ? Quant aux loups, ils sont aujourd’hui de retour mais peu ont vu poindre leurs oreilles. Nous sentirons leurs mâchoires demain.