Lu sur Daoudal Hebdo :
"On a fait du désormais bienheureux Jean- Paul II le pape de la défense de la vie, ce qui est très réducteur, mais en même temps incontestable. Or, dans les grands enseignements muets de ses derniers jours, Jean-Paul II a donné une importante leçon, en acte, sur ce que l’on doit comprendre du respect de la vie « jusqu’à la mort naturelle ». Car, dans ce domaine comme dans tous les autres, il y a des intégristes, et ces intégristes du « respect de la vie » repoussent très loin l’acharnement thérapeutique, dont ils font éventuellement quelque chose qui n’est jamais vraiment appliqué, et dont la condamnation reste donc théorique. Or Jean-Paul II a posé les limites de façon très claire. Et il l’a fait, non en paroles, mais par son témoignage, en acte, dans sa chair de mourant. Ce qui lui confère une portée bien plus grande qu’un discours. Le 1er février 2005, le pape est hospitalisé. On dit que c’est à cause d’une mauvaise grippe, et le 10 il est prétendument guéri et retourne au Vatican. Mais, le 12, il a du mal à dire l’Angélus, et le 24 il est de nouveau hospitalisé. Cette fois, on doit pratiquer une trachéotomie pour lui permettre de respirer. Le 10 mars il retourne au Vatican, où il mourra le 2 avril.
C’est lui qui décide de rentrer au Vatican. Pour mourir « chez lui », sans avoir à subir les assauts des médecins qui voudront prolonger sa vie. Il subira pourtant ces assauts, non seulement de médecins, mais de cardinaux. Et cela d’une part parce que l’époque est à l’acharnement thérapeutique […]. Déjà il regrettait d’avoir accepté la trachéotomie. Même si cette opération permettait simplement qu’il ne meure pas étouffé. Mais quand on voulut lui faire une gastrectomie, fin mars, il refusa tout net. Au Vatican il bénéficiait des soins de base, mais il n’était pas question qu’on lui fasse subir une nouvelle opération qui l’aurait prolongé de quelques jours. « Laissez-moi aller au Père », finira-t-il par murmurer. Telle est l’illustration concrète que Jean- Paul II a donnée du « terme naturel » de la vie et du refus de l’acharnement thérapeutique. Cela va très loin. Car la gastrectomie visait seulement à le nourrir. De façon forcée, parce que l’alimentation artificielle par sonde ne suffisait plus. Elle ne suffisait plus parce que le pape était mourant.
La charte des personnels de santé, publiée en 1995 par le Conseil pontifical des services de la santé, sous l’influence de Jean- Paul II, disait : « Le droit de vivre se précise chez le malade en phase terminale comme un “droit de mourir en toute sérénité, dans la dignité humaine et chrétienne”. Ceci ne veut pas dire le pouvoir de se donner ou de se faire donner la mort, mais de vivre humainement et chrétiennement sa mort et de ne pas la fuir “à tout prix”. Ce droit a fini par arriver à la conscience claire de l'homme d'aujourd'hui pour le protéger, au moment de la mort, contre “une technicité qui risque de devenir abusive”. » (Les citations sont d’un document de la Congrégation pour la doctrine de la foi sur l’euthanasie.) Et ce droit de mourir en toute dignité humaine et chrétienne « est un droit réel et légitime, que le professionnel de la santé est appelé à sauvegarder, en soignant le mourant et en acceptant la fin naturelle de la vie. Il existe une différence radicale entre “donner la mort” et “accepter la mort” ; le premier est un acte qui supprime la vie, le second est son acceptation jusqu'à la mort.»"
Addendum : un lecteur me signale qu'il s'agissait en fait d'une gastrostomie, ce qui consiste à faire un trou pour le nourrir directement dans l'estomac et non d'une gastrectomie, qui consiste à retirer une partie de l'estomac.