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Médias : Désinformation

Le texte et la conclusion d’un article d’Isabelle de Gaulmyn font éprouver tristesse et dégoût

Le texte et la conclusion d’un article d’Isabelle de Gaulmyn font éprouver tristesse et dégoût

A Madame Isabelle de Gaulmyn, rédactrice en Chef de La Croix, suite à son réquisitoire du 17 février 2022, dans son journal :

Plaidoirie du Père Michel Viot, prêtre catholique

Madame, ce que vous avez écrit sur les huit membres de l’Académie catholique ne peut rester sans réponse, parce qu’au travers de vos propos vous desservez la noble cause de la défense des enfants contre les actes pédophiles, vous vous attaquez à des membres éminents de notre Église en n’hésitant pas à porter atteinte à leur honneur, et cela en profitant d’une polémique qui était inévitable compte tenu des méthodes employées par la CIASE.

Dès les premières lignes, vous dramatisez à l’extrême, et c’est bien joué pour attirer l’attention, avec des affirmations plus que contestables, destinées à conditionner votre lecteur. Vous lancez un débat en le plaçant sur des bases fausses, propres à amener celui qui vous lit à vos propres conclusions. C’est d’ailleurs généralement votre méthode. Mais là vous vous êtes surpassée ! Bravo pour la technique.

« Tristesse, dégoût comment ressentir autre chose à la vue de la polémique attisée par huit membres de l’Académie catholique… ». Et voilà le décor planté. Qui ne ressent pas ce dégoût et cette tristesse n’est pas un bon catholique, voire un homme normal. Vous me faites penser à certains orateurs de la Convention qui en appelaient au jugement de l’univers pour justifier leur pensée personnelle et envoyer à la guillotine, ceux qui n’étaient pas de leur avis ! De plus vous leur faites un procès d’intention « ils ont pris prétexte d’une méthode non comprise… ». Non Madame, vous ne pouvez pas utiliser un tel raccourci sous peine de mensonge.

En effet, ils n’ont pas pris prétexte….ils ont attaqué directement une méthode de sondages qu’ils comprenaient parfaitement, mais dont ils doutaient du bien-fondé compte tenu du sujet ! Et vous continuez à mentir en écrivant qu’ils remettraient « en cause tout un processus, démarré courageusement par l’Eglise de France. ». Ceci est complètement faux. Ils n’ont jamais remis en cause le principe même de l’enquête, ni le courage qu’a eu l’Eglise de la déclencher. Tout comme moi, qui me trouve dans le même esprit critique que celui des huit membres de l’Académie. Je l’ai dit très officiellement à Monsieur Jean Marc Sauvé devant les caméras du Club des hommes en noir le mercredi 16 février : je me suis réjoui à l’annonce de la création de cette commission en 2018. Il n’est pas honnête de laisser entendre que les critiques du rapport de la CIASE ne sont pas solidaires du courage de leur Église.

D’ailleurs vous le sentez bien, car vous quittez vite le terrain du raisonnement pour faire vibrer la fibre sentimentale de vos lecteurs à travers les chiffres énormes des abusés, et là d’ailleurs vous n’arrivez plus à raisonner, au point que, malgré votre grande intelligence, vous écrivez une énormité : derrière les trois cent trente mille victimes, « il y a des personnes, des visages et des noms. ». Seriez-vous capable de nous citer trois cent trente mille noms ? Beaucoup vous ont écrit, précisez vous. Combien ? Certainement pas trois cent trente mille. Et pour achever cette belle envolée lyrique, vous faites l’amalgame avec les polémiques sur la pandémie, le flou sur l’efficacité des vaccins, le nombre des malades ! Quel rapport s’il vous plaît ? Des morts d’un côté, des enfants « violés, des jeunesses massacrées, des vies à jamais alourdies… ». Tout cela est bien sûr extrêmement grave, mais ne justifie pas qu’on puisse en dire n’importe quoi ! Vous le sentez bien d’ailleurs, car après ce « détour. » qui n’était qu’une mise en condition, vous revenez au cœur du problème, à ce que les membres de l’Académie contestent, tout comme moi, ainsi que de nombreux catholiques, ne vous faites aucune illusion là dessus ! Signalons à ce sujet l’intéressant examen critique du rapport Sauvé par certains de ces catholiques : http://www.revueciase.fr/

Ce que vous appelez une méthode éprouvée en sciences humaines ne fait pas l’unanimité, même malgré les spécialistes en sondages. Il y a quelques années, à une émission d’Arte, Madame Bajos de l’INSERM, avait répondu à Monsieur Tugdual Derville qui lui citait des sondages sur l’avortement (obtenus par la même méthode) qu’il ne fallait pas s’y fier, compte tenu de la manière dont sont composés les panels.

Si vous aviez pris la peine de lire les experts derrière lesquels vous vous cachez, choisis par Monsieur Sauvé, à la suite de la polémique concernant son rapport, vous auriez vu qu’ils sont loin de partager votre enthousiasme naïf sur l’exactitude des chiffres obtenus ! Et j’en connais d’autres, et je ne suis pas le seul, qui concluent à l’impossibilité d’arriver à quoi que ce soit d’exact, à cause du sujet même du sondage à l’origine du chiffre des 330 000. En effet si l’on peut employer cette méthode pour une enquête, médicale ou économique sur un phénomène en cours, elle perd sa pertinence pour une enquête sur une période aussi large que 70 ans et pour un sujet aussi délicat que celui de se souvenir si l’on a été abusé avant l’âge de 18 ans.

Et pourquoi taire le fond d’une des principales critiques formulées par les 8 de l’Académie Catholique, à savoir que le rapport Sauvé propose plusieurs évaluation du nombre des victimes d’abus, l’une par méthode de sondage aboutissant au chiffre de 330 000 que vous agitez comme un fétiche, et l’autre par l’analyse des archives diocésaines et judiciaires, aboutissant à une évaluation du nombre des victimes environ 10 fois inférieure. Une telle contradiction dans un même rapport attire immédiatement l’attention de l’honnête homme, et aurait du attirer celle de l’honnête femme en vous. Vous occultez alors allègrement la difficulté, taisez la juste critique, pour mieux brandir ce seul chiffre des 330 000 comme une quasi-vérité révélée, et défendre l’impeccabilité de la sainte méthode du sondage, comme s’il s’agissait de la parole du prophète ou de celle de l’Ange de Dieu !

C’est bien ainsi qu’il faut le comprendre lorsque vous reconnaissez, d’une manière sournoise, et là encore c’est du grand art, que si l’Eglise catholique n’acceptait pas cette méthode, elle serait comme « une institution hors sol, échappant à la statistique ». Eh bien malgré votre oukase, l’Eglise catholique ne peut pas être entièrement soumise à des statistiques. Ne vous en déplaise, mais peut- être n’y croyez vous pas, l’Eglise possède aussi une réalité invisible. Envisageriez-vous alors des statistiques sur le nombre d’âmes au purgatoire, ou sur ceux qui sont admis au rang des bienheureux ? Cela dit pour ce qui est des statistiques concernant l’Eglise visible, concernant le nombre d’enfants abusés sexuellement, je ne connais personne qui refuserait de voir appliquer celles-ci à l’Eglise. Mais cela à partir d’enquêtes sur dossiers et non d’extrapolations et d’études contradictoires et contestées par les professionnels.

Vous ne manquez pas d’aplomb non plus quand vous évoquez la polémique actuelle dont certains profiteraient. « pour rallumer cette guerre idéologique des deux Églises dont nous avons souffert depuis cinquante ans ». A qui la faute sinon, entre autre, à un journal comme le vôtre qui a constamment jeté de l’huile sur le feu et s’est acharné à saboter tout le pontificat de Benoît XVI ? Ah ça, pour avoir fait souffrir des gens et contribué à avoir vidé les églises, vous avez réussi, et vous parlez aujourd’hui d’une opposition fantasmée, alors que la forme extraordinaire du rite romain est de nouveau sur la sellette ! Ce n’est quand même pas du fantasme ! Et je ne poursuis pas sur ce sujet particulier, car ce n’est pas le lieu ici, je réserve cela pour une autre occasion.

Je reviens à votre texte et à sa conclusion qui me font aussi éprouver tristesse et dégoût. Car, effectivement, si tous les catholiques de France souhaitent comme vous l’écrivez « que leurs enfants puissent se rendre sans crainte à l’église », tous ne mettent pas en cause l’organisation ecclésiale, mais ceux qui n’ont pas été à la hauteur des exigences de cette organisation. Certes, vous avez laissé tomber les accusations teintées « d’institutionnel » et de « systémique. », le dévoiement doctrinal en était trop criant. Mais vous n’en n’avez pas pour autant abandonné l’esprit. Vous voulez toujours, comme le suggère le rapport changer la nature du ministère sacerdotal, et vous n’êtes évidemment pas la seule. C’est cet état d’esprit vis-à-vis d’éléments essentiels au catholicisme qui fait dire à Monsieur Pierre Manent que l’Eglise catholique est fragile. Vous déformez le sens de ses propos en laissant entendre qu’il aurait voulu qu’on empêchât la révélation des abus. Il voulait et veut toujours, comme moi-même la vérité. Mais celle-ci n’est pas dans vos trois cent trente mille victimes ! Nous ne voulons pas éviter la Croix du repentir. Vingt mille victimes auraient été vingt mille de trop ! Et appelleraient avec tout autant d’urgence au repentir. Si vous pensez aller de l’avant en semant la panique avec vos chiffres effarants, alors continuez à avancer. Vous obtiendrez peut-être le « nouveau sacerdoce. » dont vous rêvez, mais vous aurez sur la conscience nombre d’abus à venir, parce qu’aveuglée par votre idéologie moderniste vous aurez empêché d’en traiter les causes réelles. Vous aurez aussi contribué à transformer le statut de victime en moyen d’être indemnisé, et vous aurez mis en pièce le ministère du prêtre en le désacralisant, aboutissant à une Église sans prêtres, ou si vous préférez avec des prêtres qui ne représenteront plus rien ! Et là vous avancerez sûrement, mais je ne sais vers quoi !

Père Michel Viot

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