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Institutions internationales

L’empreinte de Soros à la Cour interaméricaine des droits de l’homme

L’empreinte de Soros à la Cour interaméricaine des droits de l’homme

De l’ECLJ :

L’audience de l’affaire Manuela y otros Vs. El Salvador (n° 13.069) aura lieu les 10 et 11 mars 2021 à San José au Costa Rica. Nous avions déjà fait le point sur le fond de cette affaire pendante à la Cour interaméricaine des droits de l’homme, dans laquelle l’ECLJ est intervenu en tant qu’amicus curiae (voir nos observations écrites).

La Cour interaméricaine se prononcera notamment sur les deux questions suivantes :

  • le droit à la vie privée implique-t-il la reconnaissance d’un « droit à l’avortement » ? 
  • les États ont-ils l’obligation de dépénaliser l’infanticide néonatal en cas de détresse sociale de la mère ?

Avant cette audience, l’ECLJ souhaite rendre publique une lettre que nous avons envoyée le 5 février 2021 à la Présidente de la Cour. Elle met en lumière de potentiels conflits d’intérêts à la Cour interaméricaine dans cette affaire et demande des éclaircissements sur cette situation.

Un contentieux stratégique d’extrême gauche

La principale ONG requérante, le Center for Reproductive Rights, instrumentalise l’histoire personnelle dramatique de « Manuela », afin de promouvoir son programme sociétal d’extrême gauche. Cette ONG, dont le siège social est à New York, cherche à imposer aux États du continent américain la légalisation de l’avortement, ainsi que la dépénalisation de l’infanticide néonatal, c’est-à-dire l’homicide d’un nouveau-né. Cette revendication, après avoir fait l’objet d’une campagne politique et médiatique au Salvador, est aujourd’hui devant l’institution judiciaire de l’Organisation des États américains (OEA).

L’ECLJ connaît bien ce procédé dit de « contentieux stratégique », par lequel des ONG progressistes multiplient les recours judiciaires comme moyens pour atteindre un objectif plus global de nature politique. Les arrêts et décisions rendus à l’issue de contentieux stratégiques sont en général les plus controversés idéologiquement. Ce sont aussi ceux qui posent des questions quant à l’impartialité de la justice. C’est par exemple le cas en Europe, à la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), comme nous l’avions montré dans le rapport « Les ONG et les juges de la CEDH 2009 – 2019 » (G. Puppinck, février 2020).

La Présidente de la Cour en situation de conflit d’intérêts 

La situation est pire outre-Atlantique, à la Cour interaméricaine. L’Open Society Foundations (OSF) est, plus encore qu’en Europe, au cœur du problème. Dans l’affaire Manuela contre le Salvador, plusieurs éléments font peser des soupçons sur l’impartialité de la Cour interaméricaine. C’est pourquoi, après avoir étayé ces soupçons, l’ECLJ a envoyé une lettre à la Présidente de la Cour interaméricaine afin de lui faire part de ses inquiétudes. Ce que nous avançons ci-dessous s’appuie sur des sources publiques et officielles, dont les liens sont indiqués dans la lettre.

La Présidente de la Cour interaméricaine, Mme Elizabeth Odio Benito, est actuellement membre de la Commission Internationale des Juristes (CIJ), après avoir fait partie de son Conseil d’administration. Cette ONG est financée par l’OSF (≈ $ 1 300 000 / an). L’Open Society Justice Initiative (OSJI), intégralement financée par l’OSF, a également remis un prix à Mme Benito, que cette dernière a reçu publiquement avec fierté.

Ces liens entre Mme Benito et le réseau de l’OSF sont problématiques pour les raisons suivantes :

  • L’OSF finance également le Center for Reproductive Rights (≈ $ 100 000 – $ 500 000 ou > $ 500 000 / an), ONG requérante de l’affaire Manuela.
  • L’OSF finance par ailleurs de nombreux amici curiae intervenus dans la procédure à la Cour au soutien des requérants : Philip G. Alston, Rapporteur spécial des Nations Unies sur l’extrême pauvreté et les droits de l’homme (= $ 200 000 / an par l’Université de New York), cinq universités américaines (≈ $ 1 300 000 / an) et l’ONG Women’s Link Worldwide (≈ $ 300 000 / an). Deux amici curiae individuels, Joanne Csete et Joanna Erdman, étaient ou sont toujours membres de certains programmes ou comités de l’OSF. Deux autres, Deena R. Hurwitz et Bert Lockwood, ont été conseillers officiels de la CIJ.

Mme Benito a de forts liens d’intérêts avec l’une des deux parties, ce qui ne lui permet pas de trancher en toute impartialité le litige entre les ONG progressistes et le Salvador. La Présidente de la Cour n’a à ce jour pas répondu à la lettre de l’ECLJ, mais il est permis d’espérer qu’elle se retire de cette affaire, dans un souci d’éthique judiciaire.

Des soupçons plus généraux relatifs à l’impartialité

D’autres questions plus générales d’impartialité se posent à la Cour interaméricaine, toujours en lien avec le réseau d’Open society. Elles sont plus graves, car systémiques. En particulier, l’OSJI s’est octroyée un rôle d’apparence quasi-officielle dans le processus de nomination des juges. En effet, cette ONG choisit et convoque un panel d’experts auditionnant les candidats à la fonction de juge à la Cour interaméricaine. Ce processus est soutenu par de nombreuses autres ONG, dont font partie les trois requérantes dans l’affaire Manuela contre le Salvador. À l’issue des auditions, l’OSJI évalue les candidats et fait des recommandations à l’Assemblée générale de l’Organisation des États américains (OEA), qui élit les juges.

Le processus mené par l’OSJI n’a absolument rien d’officiel : il n’est prévu ni par la Convention américaine des droits de l’homme, ni par le Règlement de la Cour interaméricaine. Pour autant, la plupart des candidats à la fonction de juge se soumet à ce processus d’audition et d’évaluation de l’Open society, en amont du processus officiel de l’Assemblée générale de l’OEA. Les candidats à la fonction de juge avalisent ainsi le rôle dont l’OSJI s’est auto-investie, en participant au processus qu’elle met en place. Ce qui est encore plus grave, dans l’affaire Manuela contre le Salvador, c’est que les trois ONG requérantes soutiennent officiellement ce processus d’audition – évaluation.

À titre d’illustration, le juge colombien Humberto Antonio Sierra Porto s’est soumis à l’évaluation du panel d’experts de l’Open society en 2018, en répondant à un interrogatoire. Sa candidature a été soutenue par ce panel d’experts, qui a publié cinq pages élogieuses sur son profil, concluant qu’il est « hautement qualifié pour être à nouveau élu juge à la Cour interaméricaine »[1]. Étant donné que ce processus est organisé par l’OSJI et soutenu par les trois ONG requérantes dans l’affaire Manuela, le juge Sierra Porto peut-il juger avec impartialité un litige entre ces trois ONG et un État ? Sur ce point également, l’ECLJ espère recevoir une réponse à sa lettre et considère que M. Sierra Porto ne devrait pas siéger dans l’affaire Manuela.

Le financement privé de l’Organisation des États américains

Il y a trois mois, l’ECLJ révélait le fait que le Conseil de l’Europe, dont dépend la CEDH, recevait des financements privés, notamment de l’Open society. L’Organisation des États américains (OEA), dont dépend la Cour interaméricaine, reçoit également de tels financements privés. L’OSF a ainsi versé plus de $ 410 000 à l’OEA entre 2017 et 2019[2]. Ce versement ne manque pas de questionner : d’une part il est étonnant que l’OEA soit ainsi perméable aux financements privés ; d’autre part le fait qu’une même ONG finance à la fois des requêtes devant une institution judiciaire et l’organisation dont dépend cette même institution judiciaire soulève une problématique supplémentaire.

L’influence politique de l’OSF, par sa puissance financière, mène à ce que Gaëtan Cliquennois appelle une « privatisation » du système des droits de l’homme. En l’absence d’explications de la Cour interaméricaine sur les questions d’éthique judiciaire soulevées ici, le futur jugement Manuela contre le Salvador sera dépourvu d’autorité.

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