D’Aurelio Porfiri, éditeur et écrivain catholique italien, pour le Salon beige:
Il y a quelque temps, la réponse du pape Léon XIV à une question concernant le traditionalisme catholique et plus précisément la liturgie a été partagée. La question était la suivante : «Concernant le groupe d’étude sur la liturgie, que se passe-t-il ? Dans quelle mesure la création de ce groupe était-elle liée aux divisions entourant la messe traditionnelle en latin, par exemple, ou à des questions telles que le nouveau rite amazonien ? » Je crois qu’il est important de reproduire la réponse intégrale du pape et de faire quelques commentaires :
« (1) Ma compréhension de ce qui a conduit à la création du groupe provient principalement de questions liées à l’inculturation de la liturgie. Comment poursuivre le processus de rendre la liturgie plus significative au sein d’une culture différente, au sein d’une culture particulière, dans un lieu donné à un moment donné ? Je pense que c’était la question principale.
(2) Il y a une autre question, également très délicate, sur laquelle j’ai déjà reçu de nombreuses requêtes et lettres : la question de la “messe en latin”. Eh bien, aujourd’hui il est possible de célébrer la messe en latin. S’il s’agit du rite du concile Vatican II, il n’y a aucun problème. Évidemment, entre la messe tridentine et la messe du concile Vatican II, la messe de Paul VI, je ne suis pas sûr de la façon dont cela va finir. C’est évidemment très compliqué.
(3) Je sais qu’une partie de cette question, malheureusement, est devenue — encore une fois — une composante d’un processus de polarisation : des personnes ont utilisé la liturgie comme prétexte pour promouvoir d’autres sujets. Elle est devenue un outil politique, et cela est très regrettable. Je pense que parfois l’abus de la liturgie que nous appelons la messe du concile Vatican II n’a pas aidé les personnes qui cherchaient une expérience plus profonde de prière, de contact avec le mystère de la foi, expérience qu’elles semblaient retrouver dans la célébration de la messe tridentine. Encore une fois, nous nous sommes polarisés, de sorte qu’au lieu de pouvoir dire : « Eh bien, si nous célébrons la liturgie du concile Vatican II correctement, trouvez-vous vraiment une si grande différence entre cette expérience et l’autre ? » je n’ai pas eu l’occasion de m’asseoir réellement avec un groupe de personnes qui soutiennent le rite tridentin. Bientôt il y aura une occasion et je suis certain qu’il y aura d’autres opportunités de le faire. Mais c’est un thème que, selon moi, peut-être à travers la synodalité, nous devons aborder et discuter. C’est devenu un thème tellement polarisé que souvent les gens ne sont plus disposés à s’écouter les uns les autres. J’ai entendu des évêques me dire à ce sujet : « Nous les avons invités à ceci et à cela, mais ils ne veulent même pas nous écouter. » Ils ne veulent même pas en parler. C’est un problème en soi. Cela signifie que désormais nous sommes entrés dans l’idéologie, nous ne sommes plus dans l’expérience de la communion ecclésiale. C’est l’un des thèmes à l’ordre du jour. »
Je trouve la réponse du Pape intéressante, et aussi un signe d’une compréhension (encore) incomplète du problème liturgique. Permettez-moi de formuler trois commentaires, un par paragraphe.
Dans le premier paragraphe, le Pape aborde le problème des groupes d’étude institués dans le cadre du chemin synodal, en se référant particulièrement à celui de la liturgie. Une fois de plus, le thème fondamental est celui de l’inculturation. Le commentaire du Saint-Père est très général, mais je crois qu’il faudrait plutôt se concentrer sur un point décisif : comment recentrer la liturgie sur Dieu et non sur une culture donnée ou un groupe particulier ? Il me semble que c’est là le véritable enjeu, le thème crucial. Les tentatives d’attirer les gens vers la liturgie (qui, en soi, sont sans doute louables) n’ont pas freiné l’exode des fidèles, jusqu’à conduire à la situation actuelle de crise profonde. De plus, la liturgie a été manipulée de telle manière qu’elle en a été défigurée.
Le second paragraphe, à mon avis, comporte quelques éléments de confusion et aussi un point intéressant. Le point intéressant est que le Pape affirme que, dans le Novus Ordo, il est possible de célébrer la messe en latin — ce que nous savions tous, mais qui, manifestement, échappe à nombre de prêtres ayant mené une croisade personnelle contre le latin. L’élément de confusion survient lorsqu’il dit qu’il ne sait pas comment se règlera la question des deux formes du rite romain: s’il ne le sait pas lui-même, combien moins nous! Mais cette observation nous montre seulement que le pape Léon XIV n’a pas encore abordé sérieusement cette question, et qu’il semble faire preuve de prudence à l’aborder, étant donné les enjeux.
Le troisième paragraphe, le plus étoffé, montre que le Saint-Père a une vision quelque peu unilatérale du traditionalisme catholique. En effet, l’idéologie se trouve aussi de l’autre côté, et elle n’est pas moins radicale que celle de certains traditionalistes. De plus, aux évêques qui se plaignent de ne pas être écoutés, il faut demander s’ils écoutent eux-mêmes, s’ils exercent la vigilance nécessaire sur la liturgie célébrée dans leurs paroisses. Je trouve curieuse la question que le Pape pose : « Si nous célébrons la liturgie du concile Vatican II correctement, trouvez-vous vraiment une si grande différence entre cette expérience et l’autre ? » Certes, d’autres peuvent répondre plus précisément sur le fond des deux expériences, mais la vraie question est : pourquoi, après des décennies et d’innombrables documents, la liturgie du concile Vatican II n’est-elle toujours pas célébrée correctement ? Si l’on ne se pose pas cette question, selon moi, on ne traite pas le cœur du problème.