L’analyse de Jean-François Kahn est confirmée par Patrice de Plunkett :
"J’ai vécu en direct ce processus lorsque je dirigeais la rédaction du Figaro Magazine (1990-1997). Les commerciaux maison ne cessaient de faire pression sur la direction générale, pour supprimer le caractère propre du magazine et lui imposer les codes mentaux de ses concurrents [En 1995, une chef de pub de la Socpresse disait en réunion (verbatim) : "Faut plus de sujets religieux, le pape y m’fout les boules".]. Cela en dépit des mises en garde, non seulement des journalistes (dont la voix était de moins en moins écoutée dans les entreprises de presse), mais des centrales d’achat publicitaires elles-mêmes, dont les dirigeants nous disaient : «Surtout gardez à votre magazine son identité, c’est ce qui fait son intérêt spécifique sur le marché…» Mais les commerciaux des journaux ne raisonnaient pas ainsi. Membres d’une profession où le turn-over était intense, ils n’avaient aucun patriotisme d’entreprise. Etant au journal X en espérant passer ensuite au journal Y ou au journal Z, leur réflexe était de faire perdre au journal X tout ce qui pouvait le différencier de ses concurrents ; surtout si cette différence l’éloignait du tonus idéologique moyen des dîners en ville.
Ce qui se passait au FigMag se passait, à divers degrés selon les cas, dans la plupart des autres groupes. C’est ainsi que la presse papier parisienne est tombée dans une grisaille qui a mis ses lecteurs en fuite. Les « commerciaux » avaient asphyxié le commerce. Ce suicide corporatif eut lieu (fatalité) au moment où naissait le Web, qui allait se substituer à la presse et à la télé dans les pratiques quotidiennes des Français de moins de 80 ans. A en croire Jean-François Kahn, les médias classiques agonisent. Si ce constat est avéré, cette agonie est de la faute de la bêtise des commerciaux de la décennie 1990. Laissons les morts enterrer les morts. L’avenir est ouvert, à tout autre chose."