Partager cet article

L'Eglise : L'Eglise en France

Les confusions du rapport Sauvé

Les confusions du rapport Sauvé

D’un lecteur du Salon beige:

Le rapport Sauvé traite d’un sujet délicat et grave. Je porte les victimes, touchées à jamais dans leur chair, dans mes prières. Ce qu’ils ont vécu un scandale, je ne peux que constater avec effroi la gravité des crimes commis par les prêtres, religieux et laïcs dans l’Eglise.

Je suis également heureux que l’Eglise soit la seule institution à avoir réalisé un travail rigoureux de vérité. Il est à son honneur.

Cependant, la lecture de ce rapport fait naître un sentiment de malaise et d’inaboutissement. Il est louable d’effectuer un travail de vérité mais il est problématique que celui-ci soit entaché d’une série de confusions :

Première confusion : L’anachronisme

Le rapport indique que l’essentiel des 300 000 crimes (chiffre dit « plancher », mais absolument invérifiable et pour lequel sauf erreur la méthodologie retenue pour l’établir n’a pas été rendue publique, mais ce n’est pas le sujet ici) a eu lieu entre 1950 et 1990.  Il suffit de lire les titres de la grande presse pour voir qu’on traite comme un « sujet d’actualité » un problème qui appartient déjà à l’histoire. Et on extrapole ensuite une longue série de recommandations pour résoudre aujourd’hui un problème principalement situé dans le passé. Et, surtout, il faut rappeler que, depuis 20 ans, la hiérarchie de l’Eglise a été déjà très ferme sur le sujet, avec une prudence extrême (j’ai pu l’observer de près avec un prêtre de ma paroisse sur une affaire de mœurs – mais pas de pédophilie – montée en épingle et finalement totalement bénigne) qui a parfois conduit des prêtres au suicide sans qu’ils aient rien commis de grave. Il faut bien sûr rester extrêmement vigilant et ne pas baisser la garde, mais ceci est une question de discipline à généraliser et non de nouvelle gouvernance qui constitue l’essence des recommandations établies dans ce rapport.

Deuxième confusion : Le lien parfois douteux entre les constats et les solutions proposées

Le rapport établit la culture de la dissimulation dans les années 1950-1960, puis la gestion de la crise dans les années 1970-1980 comme raison ayant permis à ces crimes de perdurer.  Pour répondre à ce désastre, la grande majorité des solutions proposées sont des mesures de gouvernance et de contrôle interne de bon sens, cependant, elles laissent l’impression générale que tout ce que l’Eglise a fait pendant 2 000 ans n’a que peu d’intérêt. Parmi les solutions proposées, quelques-unes se distinguent, comme celle de supprimer le sacrement de confession ou une forte remise en cause du célibat des prêtres.  Quel rapport avec l’étude historique ? En fin de compte, les recommandations les plus discutables en disent plus sur l’orientation philosophique des auteurs du rapport que sur la réalité des moyens nécessaire pour lutter contre ces crimes.

Troisième confusion : le point de vue d’observation, laïc ou catholique ?

Les crimes commis au sein de l’Eglise sont particulièrement graves car les hommes d’Eglise, et en particulier les prêtres, devraient être exemplaires et ils ont gravement péché.  Cependant, ils sont ici jetés en pâture par des médias ignorant à peu près tout du christianisme à une société elle-même largement déchristianisée. Mais si l’on avait regardé les choses d’un point de vue laïc, on aurait dû établir un bilan global des pratiques pédophiles en France depuis 1950, dans tous les secteurs en lien avec la jeunesse (éducation national, clubs de sport…) et non seulement un focus sur l’Eglise. Et comment dans cette logique alors accuser les prêtres des années 1970-1980 qui évoluaient dans une société ou une certaine élite intellectuelle défendait ces pratiques ?

Quatrième confusion : Confusion (et même détournement) dans l’objet des recommandations demandées par la Conférence des évêques de France 

La lettre de mission de la CEF à Jean-Marc Sauvé demandait des recommandations sur les mesures prises depuis les années 2000 de prévention de pédophilie. La commission a totalement outrepassé ce cahier des charges, sans que personne y trouve rien à redire, en proposant 45 recommandations totalement génériques sur la manière dont elle voit la lutte contre la pédophilie dans l’Eglise.

Cinquième confusion : indépendance versus travail à charge

Il est louable que la commission soit indépendante. Tout travail d’audit indépendant nécessite une phase contradictoire avant la publication du rapport. Ici, c’est tout le contraire : le constat indépendant s’est mué en réquisitoire sans droit de réponse pour les accusés. En témoigne l’image symbolique de Jean-Marc Sauvé portant le rapport à Mgr de Moulin Beaufort le jour même où ses conclusions étaient portées à la connaissance du public. Et le fait que ce dernier ait dû courageusement réagir en urgence pour refuser la recommandation inadaptée concernant la suppression du secret de confession.

Cet excès de mise en cause décomplexé de l’Institution conduit la commission à critiquer à plusieurs reprises Benoît XVI, alors même que c’est le pape qui a levé le lièvre et pris le sujet de la pédophilie à bras le corps. Cependant, celui-ci l’a fait avec équilibre, en restant dans la tradition de l’Eglise pour ce qu’elle a de bon et sans l’excès médiatique qui semble maintenant tenir lieu de ligne de conduite sur le sujet dans nombre d’instances ecclésiales. Cela ne semble pas convenir à la commission. Les § 1224 et 1225 du rapport méritent d’être cités particulièrement « Comme sur d’autres sujets, creuser un tant soit peu sous la surface des choses a suscité au sein de la commission des constats mitigés : à côté de la prise de conscience proclamée à la face du monde des excès de la verticalité, que Vatican II a entendu infléchir et que le pape François, plus que d’autres sans doute, continue d’atténuer, on trouve encore, y compris dans la période récente, des marques de réaffirmation qui peuvent étonner. Ainsi du texte, intitulé Directoire pour le ministère et la vie des prêtres et publié par la Congrégation pour le clergé en février 2013, quelques jours seulement avant l’annonce par Benoît XVI de sa démission. Ce document magistériel insiste sur la spécificité de l’organisation de l’Église et estime que le « démocratisme » serait une « très grave tentation », car il « pousse à ne pas reconnaître l’autorité et la grâce capitale du Christ et à dénaturer l’Église, comme si elle n’était qu’une société humaine. Cette conception touche à la constitution hiérarchique telle qu’elle a été voulue par son Divin Fondateur, telle que le Magistère l’a toujours clairement enseignée et telle que l’Église elle-même l’a vécue de manière ininterrompue. » […] Quoi qu’il en soit, cette affirmation doctrinale, récente, d’une organisation et d’une gouvernance marquées par la verticalité, fait écho aux témoignages de victimes et aux interrogations de nombreux experts entendus par la commission, qui considèrent que cette organisation institutionnelle, si elle n’est pas en elle-même la raison des violences sexuelles, participe à la création d’un environnement qui peut se révéler défavorable à la prévention et au traitement des abus. »

A contrario, la commission passe sous silence deux racines du mal que Benoit XVI avait visées dans son action : le manque de foi et les tendances homosexuelles non maîtrisées des candidats au sacerdoce. Pourtant, celle-ci constate – sans en tirer aucune conclusion dans ses recommandations – que les auteurs de ces violences ont eux-mêmes avoué leurs tendances homosexuelles et que 80% des victimes sont des garçons (majoritairement âgés de 10 à 12 ans).

La boucle est bouclée : les biais idéologiques forts – marqués par l’air du temps – de cette commission apparaissent aussi bien en creux (les omissions coupables) qu’en relief (les fausses solutions), biais qui sont cohérents avec la composition de cette commission.

Les victimes de ces actes méritaient mieux que ce traitement biaisé. Si on ne devait retenir qu’une raison, il a certainement manqué une phase de maturation importante avant la publication d’un tel rapport : un travail d’enrichissement réciproque entre la tradition de l’Eglise et les pratiques modernes de contrôle et gouvernance qui ont clairement pris le dessus.

Le but avoué, selon les mots même de la commission est de « sauver le soldat Eglise » (La Croix, le 4/10/2021), ce qui est paradoxal car c’est exactement ce qui est reproché – à raison – aux comportements des clercs dans les années 1950. Mais comme le Seigneur nous assure que « les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle » (Matthieu 16.18), vouloir la sauver en 2020 n’est pas plus louable qu’en 1950. Cela reste une manière pour l’homme de se mettre à la place de Dieu. Un péché d’orgueil…

Il est donc peu probable que cette démarche ne profite à l’Eglise, mais plutôt à ses ennemis qui ont pu avancer leurs pions au sein de la commission.

Les victimes méritaient mieux que cela.  On peut légitimement se demander si l’approche très horizontale développée ici leur sera pleinement profitable.  Espérons qu’un travail de maturation à l’aune de la Tradition et de la Foi viendra enrichir la suite du processus.

Partager cet article

3 commentaires

  1. Plus ça va, et plus ce rapport donne l’impression de se mêler de tout, sauf de la question posée…

  2. Le point de vue de l’observation est fondamental.
    Qu’il faille être ferme à l’intérieur de l’Église contre ces perversions est une évidence.
    Qu’il faille l’être au sein de la société l’est nettement moins. Qu’en est-il de l’Éducation Nationale (lire: instruction publique, voire parking à enfants)?
    Quand un professeur d’art détourne impunément un adolescent de 14 ans, et au contraire toute la société trouve ça très bien? Qui portera plainte dans ce cas pour détournement de mineur, aggravé par la responsabilité d’enseignant?
    L’enragé qui veut noyer son chien l’accuse de la rage, mais n’oublions pas que “quand tu montres quelqu’un du doigt, il y en a trois autres pointés vers toi”. Celui qui vous prête des sentiments ou des méfaits ne peut prêter que ce qui lui appartient, et il faut le lui rendre au plus vite pour ne pas être son débiteur.

  3. Le temps présent, où le diable se déchaîne, est tout de confusion : confusion des mots et du vocabulaire, confusion des priorités, confusion des idées, de la pensée, de l’ordre hiérarchique, de l’ordre naturel, jusqu’à ces « idées chrétiennes devenues folles ».
    Tout est bâti pour rendre l’Homme fou à lier.

Publier une réponse

Nous utilisons des cookies pour vous offrir la meilleure expérience en ligne. En acceptant, vous acceptez l'utilisation de cookies conformément à notre politique de confidentialité des cookies.

Paramètres de confidentialité sauvegardés !
Paramètres de confidentialité

Lorsque vous visitez un site Web, il peut stocker ou récupérer des informations sur votre navigateur, principalement sous la forme de cookies. Contrôlez vos services de cookies personnels ici.


Le Salon Beige a choisi de n'afficher uniquement de la publicité à des sites partenaires !

Refuser tous les services
Accepter tous les services