Un ouvrage inédit, savant et souvent surprenant rompant en visière avec bien des mythes.
Avec la contribution de Sini Kangas, Olivier Hanne, Clément de Vasselot de Régé, Kristjan Toomaspoeg, Nicolas Drocourt, Amicie Pélissié du Rausas, Martin Alvira, Daniel Baloup, Thomas Deswarte, Florence Sampsonis, Florian Chamorel.
Les livres sur les croisades sont légion. Nul n’ignore désormais ce qui s’est passé à Clermont en 1095, que les croisés prirent Jérusalem en 1099 ou que Saint Louis mourut devant Tunis en 1270. Mais le terme, employé sans discernement pour qualifier les conflits et tensions de la fin du XXe siècle et du début du XXIe siècle, a fini par perdre en lisibilité : de George W. Bush en 2001 en passant par les djihadistes de Daesh jusqu’aux diverses ” croisades ” contre le cancer ou la Covid-19… Afin de conjurer l’histoire du passé, il est temps de rappeler ce que les historiens ont patiemment débusqué en analysant de près les documents d’époque, littéraires ou archéologiques.
Non contente de mettre à mal quelques idées reçues – non, les croisés n’étaient pas des anthropophages qui cherchaient à envahir le monde islamique… -, la formidable équipe d’historiens français et étrangers réunis par Martin Aurell et Sylvain Gouguenheim montre la complexité du phénomène en mettant en avant nombre d’aspects méconnus : sait-on ainsi que les croisades continuèrent bien après la mort de Saint Louis et l’officielle ” huitième croisade ” ? Que des croisés partirent en nombre en direction de la Baltique ? Qu’une guerre dite ” sainte ” n’est pas nécessairement une croisade et qu’une croisade n’est pas un ” djihad chrétien ” ? Que le monde arabo-musulman y fut largement indifférent en dehors des territoires directement concernés par les combats ? Que des chrétiens s’y opposèrent, tandis que d’autres firent souche sur place, donnant naissance à des sociétés originales, en Syrie ou en Morée ? Sait-on enfin que ce monde de guerriers fit leur place en nombre à des femmes, pour des rôles variés ?
La croisade est une « guerre sainte », mais elle est aussi un pèlerinage, et même le plus prestigieux de tous en raison de sa destination. La violence des croisades doit se comprendre dans le contexte de mentalités médiévales nourries de récits de massacres bibliques et profanes, et habituées à côtoyer la mort. Elle relève aussi d’une culture tactique et guerrière spécifique, qui vient se heurter à un ennemi religieux d’un nouveau genre : l’islam, qui n’hésitait pas à faire usage de la force. Sa raison d’être est la délivrance de Jérusalem et de la Terre du Christ. L’expédition est orchestrée et décidée par la papauté, accomplie à la suite d’un vœu solennel.
Pour appréhender le phénomène dans toute sa complexité, ces historiens venus d’horizons méthodologiques et de traditions nationales fort divers donnent une saveur particulière à ce travail. Les angles d’attaque, les questionnements et les perceptions des problèmes, par conséquent sont multiples. Le déroulé chronologique et événementiel est certes respecté dans la présentation de chacune des grandes croisades. De nombreux espaces ont été couverts : Terre Sainte, mais aussi Empire Byzantin, péninsule Ibérique, Languedoc ou rives de la Baltique. En raison de leur puissance décisionnelle, la papauté et la royauté font l’objet d’études particulières. Toutefois les véritables protagonistes de cet ouvrage sont les croisés eux-mêmes, dont le portrait est si souvent dressé : princes, barons, chevaliers, voire roturiers appelés « bergers » ou « enfants » sans oublier les femmes traitées dans un chapitre spécifique.
Parce que leurs expéditions sont loin de faire l’unanimité, les regards de leurs critiques occidentaux ou des Arabes sont également pris en compte. La croisade est ainsi perçue dans sa richesse et la multitude de ses facettes.
Un ouvrage majeur, un ouvrage de référence.
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Les croisades – Histoires et idées reçues. Sous la direction de Martin Aurell et Sylvain Gougueheim, 300 pages, Editions Perrin, 23.50 €
Brutalement disparu, le médiéviste Martin Aurell (1958-2025) restera comme l’un des grands historiens du Moyen Âge.Cet article est une tribune libre, non rédigée par la rédaction du Salon beige. Si vous souhaitez, vous aussi, publier une tribune libre, vous pouvez le faire en cliquant sur « Proposer un article » en haut de la page.