Le candidat soutenu dimanche dernier par toutes les droites pour le deuxième tour de l’élection présidentielle polonaise avait promis qu’il opposerait son veto à toute loi libéralisant un tant soit peu l’avortement. Il l’a emporté avec 50,89 % des voix contre le candidat gaucho-libéral qui, lui, avait promis de ratifier toute loi libéralisant l’avortement. C’est d’ailleurs le radicalisme progressiste du candidat de Tusk, le maire de Varsovie Rafał Trzaskowski, qui a permis, pour la première fois depuis la chute du communisme, une union de toutes les droites polonaises derrière le candidat conservateur resté en lice, avec le slogan « Tout sauf Trzaskowski ».
Le candidat pro-vie soutenu par le parti chrétien-démocrate Droit et Justice (PiS), Karol Nawrocki, était notamment soutenu pour le deuxième tour par Sławomir Mentzen, le candidat libertarien et conservateur de la Confédération (une alliance des libertariens conservateurs et des nationalistes chrétiens) ainsi que par Grzegorz Braun, le candidat royaliste. Mentzen et Braun sont comme Nawrocki des catholiques pratiquants ouvertement hostiles à une libéralisation de l’avortement. Au premier tour, Nawrocki avait obtenu plus de 29% des voix, talonnant ainsi le maire pro-avortement de Varsovie Rafał Trzaskowski (un peu plus de 31%), et se plaçant deuxième devant Mentzen (près de 15%) et Braun (plus de 6%).
Dès le premier tour, les candidats hostiles à une libéralisation de l’avortement en Pologne totalisaient plus de 50 % des voix. Et pour le deuxième tour, le candidat pro-vie Karol Nawrocki a fait ses meilleurs scores (aux alentours de 53-54 % des voix) dans les tranches d’âge de 18 à 29 ans et de 30 à 39 ans. Si les femmes ont moins voté pour lui que les hommes, elles ont quand même choisi le candidat pro-vie pour près de 46 % d’entre elles.
Une constitution et des lois protégeant ce droit fondamental qui conditionne tous les autres droits : le droit à la vie
La loi polonaise autorise l’avortement jusqu’à la 12e semaine de grossesse uniquement si la grossesse est le fruit d’un acte criminel (viol, inceste…) et jusqu’au 9e mois de grossesse en cas de risque lié à la grossesse pour la santé ou la vie de la femme enceinte. Si la loi ne précise pas s’il est question ici de santé physique ou mentale, la jurisprudence du Tribunal constitutionnel impose que le risque pour la santé soit réel et grave et les médecins ainsi que les tribunaux polonais ont toujours interprété ce paragraphe comme s’appliquant à la santé physique uniquement. En outre, si la grossesse est avancée et que le bébé peut être extrait du ventre de sa mère sans mettre ses jours en danger, la loi polonaise autorise en fait dans ce cas d’interrompre la grossesse, mais pas de tuer l’enfant.
Dans un jugement de 1997 invalidant un élargissement des causes autorisant un avortement aux difficultés socio-économique de la femme enceinte, le Tribunal constitutionnel polonais expliquait que le droit à la vie doit être garanti dès la conception puisqu’il n’existe aucun autre moment ultérieur dans la vie d’une personne qui pourrait être défini de manière scientifique et objective comme le début de la vie de cette personne. D’autres jugements de ce tribunal sont ensuite venus renforcer cette jurisprudence, parmi lesquels le jugement de 2020 qui a fait grand bruit lorsque le Tribunal constitutionnel polonais a interdit les avortements au motif d’un handicap ou d’une maladie grave et incurable de l’enfant au stade prénatal. C’est ainsi que l’extermination des enfants touchés par la trisomie 21, par exemple, est alors devenue illégale en Pologne. Auparavant, cette pratique eugénique y avait cours à la lumière de la loi polonaise de 1993 qui régule et restreint l’avortement.
En Pologne, l’avortement rappelle les heures les plus sombres de l’histoire
Historiquement, la première légalisation de l’avortement en Pologne a été le fait de l’Allemagne nazie pendant l’occupation et elle ne concernait que les femmes polonaises et juives. L’avortement est à nouveau devenu interdit après la guerre avant d’être rendu légal par la dictature communiste puis à nouveau interdit – ou en tout cas fortement restreint – à partir de 1993, soit trois ans après la chute du communisme.
L’Église catholique, très présente en Pologne, est toujours restée très engagée contre cette pratique et il en est souvent question dans les prêches, ce dont feraient bien de s’inspirer les prêtres et évêques français. Comme l’expliquait le président du Tribunal constitutionnel polonais très engagé du côté des libéraux en 2015-2016, lors du conflit entre libéraux et conservateurs qui a marqué le début des ingérences de Bruxelles sur les questions d’État de droit en Pologne, « on peut habiller la chose avec les mots que l’on voudra, mais l’avortement reste toujours un meurtre ».
C’est ainsi qu’il expliquait au journal gaucho-libéral et pro-avortement Gazeta Wyborcza la grande constance du Tribunal constitutionnel polonais en matière d’avortement depuis les années 1990.
De ce fait, si le candidat de Donald Tusk avait été élu président dimanche et s’il avait signé une loi autorisant l’avortement jusqu’à la 12e semaine, cette loi aurait été inconstitutionnelle. Mais il est vrai que le gouvernement de Tusk ne publie plus et n’applique plus les décisions du Tribunal constitutionnel depuis plus d’un an, ce que les libéraux à Varsovie et leurs soutiens bruxellois appellent « la restauration de l’État de droit »…
Pas de majorité au parlement polonais en faveur de l’IVG
Rappelons toutefois que la Diète polonaise a voté en juillet 2024, et donc sous le gouvernement actuel, contre un projet de loi légalisant l’avortement jusqu’à la 12e semaine, et il n’est donc même pas sûr qu’avec Trzaskowski comme président, la coalition gaucho-libérale de Donald Tusk aurait trouvé une majorité au parlement pour voter une loi qui libéraliserait l’avortement en faisant fi du droit constitutionnel.
C’est pourquoi la ministre de la Santé de Donald Tusk a publié en septembre dernier une circulaire qui prétend interpréter la loi polonaise (un pouvoir d’interprétation que la ministre n’a pas) comme autorisant l’avortement au motif d’un risque pour la santé psychique de la femme enceinte. Parallèlement, le gouvernement de Donald Tusk exerce un chantage financier sur les hôpitaux et autres établissements médicaux en appliquant de lourdes pénalités financières à ceux qui refusent de pratiquer des avortements sur la base d’un simple diagnostic de psychiatre, que l’on peut même obtenir sur Internet sans jamais rencontrer un médecin. Le ministère de la Santé prétend en outre interdire aux médecins de remettre en cause un tel diagnostic par un deuxième examen médical, ce qui est totalement contraire aux lois polonaises concernant la pratique de la médecine ainsi qu’au code éthique des médecins.
Dans la Pologne de Donald Tusk, on avorte jusqu’au neuvième mois et le parquet couvre les criminels
Des médecins pro-avortements en profitent pour choquer la Pologne avec, malheureusement, des avortements pratiqués au neuvième mois de grossesse au prétexte d’un risque supposé pour la santé mentale de la femme enceinte que l’on obligerait à donner naissance à son bébé. Malgré les interventions, entre autres acteurs, de notre institut, l’Institut Ordo Iuris pour la Culture du droit, le parquet refuse d’intervenir comme il refuse d’intervenir contre un centre ouvert par le groupe féministe pro-avortement « Abortion Dream Team » presque en face de la Diète, où des pilules abortives sont distribuées aux femmes qui souhaiteraient se débarrasser de leur enfant. En janvier 2024, le ministre de la Justice de Donald Tusk a remplacé le procureur national sans l’aval du président Andrzej Duda pourtant requis par la loi. Depuis, le parquet est passé sous le contrôle de ce gouvernement soutenu par Bruxelles et qui revendique le droit de ne pas respecter la loi pour soi-disant « restaurer l’État de droit » après huit ans de gouvernements conservateurs.
L’élection de Karol Nawrocki dimanche vient toutefois contrecarrer les plans de Tusk et de ses soutiens bruxellois puisqu’il ne va pas être possible de voter des lois qui auraient donné un semblant de légalité aux actions illégales de ce gouvernement, y compris en matière d’avortement. D’où la panique dans le camp de Donald Tusk qui commence à réaliser qu’il va falloir un jour répondre de ces actes.
Les jeunes électeurs polonais choisissent très majoritairement les candidats pro-vie
Et en ce qui concerne la question du droit à la vie qui est gravement violé sous le régime gaucho-libéral de Donald Tusk, les électeurs polonais se sont prononcés majoritairement pour ce droit à deux reprises, au premier tour et au deuxième tour de l’élections présidentielles polonaise. Et les jeunes l’ont fait plus majoritairement encore que leurs aînés.
Dans la catégorie des 18-29 ans, Sławomir Mentzen a même obtenu près de 35 % des voix au premier tour, ce qui l’a placé en tête. Interrogé pendant la campagne présidentielle sur le droit d’avorter après un viol, voilà pourtant ce que répondait ce libertarien conservateur : « Je considère que c’est bestial. Les enfants innocents ne devraient pas être tués. Même si un tel enfant innocent cause un grand traumatisme à quelqu’un. » Et Grzegorz Braun, arrivé quatrième toutes catégories confondues, est encore plus ferme que Mentzen sur la question. Ce député au Parlement européen s’est notamment fait remarquer dans la campagne présidentielle en pratiquant devant les caméras une « arrestation citoyenne » de la gynécologue Gizela Jagielska qui s’était vantée publiquement juste avant Pâques d’avoir tué un enfant dans le ventre de sa mère, par une piqûre de poison dans le cœur. Mais au lieu d’obtenir les secours de la police et l’arrestation de la tueuse en série (Jagielska n’en est pas à son premier meurtre d’enfant en phase prénatale, et ses posts sur les réseaux sociaux ainsi que les commentaires d’anciennes patientes dévoilent une attitude véritablement psychopathique de la gynécologue), Braun doit maintenant faire face à des poursuites engagées par le parquet pour séquestration.
Quoi qu’il en soit, ces élections polonaises montrent quel décalage il peut y avoir aujourd’hui entre sociétés européennes sur la question des valeurs fondamentales. On n’imagine pas en France à quel point les images des députés et sénateurs en liesse après le vote de l’inscription de l’avortement dans la constitution française a pu choquer et même susciter des nausées dans nombre de pays étrangers, dont la Pologne.
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Janot
Les polonais déjà nés et encore plus ceux à naître ont bien de la chance, à défaut d’avoir Macron.