De Francis Bergeron dans Présent :
[…] Loin de provoquer un coup de fouet, une remobilisation, la révolte des Gilets jaunes semble créer des fêlures, des tensions, et même carrément des divisions, à l’intérieur du parti. Les portes claquent, les démissions s’enchaînent. LFI semble actuellement une poule sans tête. Ou plus exactement la tête – Mélenchon – n’est plus au bout du cou de ce poulet déplumé qui tourne en rond, avec des ailes battant en sens contraire.
Que s’est-il passé ? Mélenchon avait su faire coexister deux courants situés à gauche de la gauche au sein de LFI, mais qui ne se reconnaissaient ni l’un ni l’autre dans la social-démocratie du PS hollandais : un courant de type chevènementiste, souverainiste, laïcard, dans la tradition du PC, mais sans l’encombrante tutelle de l’Internationale communiste, de l’URSS et du KGB ; et un courant issu du gauchisme, et plus spécialement de la Ligue communiste d’où viennent Mélenchon et sa garde rapprochée, un courant antinational, sensible aux revendications dites anticolonialistes, de type islamiste, ou encore LGBT, théorie du genre, etc.
Ces Gilets jaunes, Français, enracinés, qui chantent La Marseillaise, qui brandissent le drapeau tricolore, sont peut-être compatibles avec les « souverainistes laïcards », mais les « internationalistes anticolonialistes » ne voient en eux que des franchouillards, pour ne pas parler d’une « peste brune ».
La spirale de l’échec
Avant le phénomène des Gilets jaunes, chaque camp coexistait à l’intérieur de LFI. Les Gilets jaunes ont révélé cette fracture, et, au fond, des stratégies de conquête de pouvoir antinomiques, l’une qui s’appuie sur l’immigration et les minorités sexuelles (qui ne font d’ailleurs pas bon ménage !), l’autre sur les « couches populaires ». Du même coup, la constitution de la liste des européennes, la rédaction des argumentaires de campagne, sont en panne. La guerre interne fait rage. Deux membres du bureau politique, Kuzmanovic et Cocq, viennent d’être exclus pour souverainisme, en quelque sorte. Tandis que les Obono, Clémentine Autain et autre Lienemann plaident pour une radicalisation gauchiste, pour ratisser tout ce qui est à gauche d’un PS désormais moribond.
Surgissent aussi des questions de gouvernance : c’est la spirale de l’échec, un climat de suspicion se développe, la parole n’est plus libre, les clans prospèrent, comme les rumeurs. Le chef de file des écolo-mélenchonistes, Corinne Morel Darleux, vient de démissionner. Charlotte Girard, coauteur du programme LFI, ne veut plus être tête de liste du parti, et est allée soutenir les Gilets jaunes, sur les Champs-Elysées.
Fédérer le peuple avec les Gilets jaunes ? Ou fédérer l’extrême gauche pour finir d’asphyxier le PS ? C’est un dilemme qui pourrait coûter cher à LFI.