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Religions : L'Islam

Les hérésies chrétiennes dans le Coran (2/3) – l’arianisme

Les hérésies chrétiennes dans le Coran (2/3) – l’arianisme

Suite de l’étude de La Petite Feuille Verte sur les hérésies chrétiennes du Coran :

Nous avons vu précédemment (cf. PFV n° 95) que l’islam – ou plutôt le « proto-islam » – est apparu comme l’un des premiers millénarismes de l’Histoire. Il s’agissait d’un mouvement (ou ensemble de mouvements) apocalyptique ancré initialement dans le substrat juif et chrétien de l’Orient du VIIème siècle, tout particulièrement fondé dans l’espérance de l’établissement d’un règne politique de Dieu sur terre par la venue physique et l’action guerrière de son Messie chargé d’éradiquer le mal. Le rôle ainsi prêté au Messie (Jésus, ou ceux qui ont prétendu l’être à sa place) diffère complètement de la vision d’un Jésus sauveur, prônant le dépassement du mal par la charité et le pardon, que la foi chrétienne avait enseignée durant des siècles.

On a certes pu voir dans l’histoire des chrétiens passer directement du Jésus de la foi des Apôtres aux espérances millénaristes – ce fut le cas, par exemple, du mouvement anabaptiste dans l’Allemagne du XVIème siècle. Il a dû en être également ainsi au VIIème siècle. Mais on peut aussi considérer que le pullulement des doctrines chrétiennes hétérodoxes au Proche-Orient a pu préparer le chemin, en prêchant des visions déformées du Jésus des Évangiles – le Sauveur – au profit de « pseudo-Jésus » n’étant plus sauveurs par eux-mêmes, au profit de systèmes proposant une autre forme de salut. C’est particulièrement le cas de l’arianisme, objet de la présente Petite Feuille Verte.

L’ARIANISME

Le nom de cette hérésie, apparue au IVème siècle, se rattache à son auteur, Arius (256-336). Né en Cyrénaïque, ce dernier fut ordonné prêtre à Alexandrie. À partir de 315, il répandit une théorie hétérodoxe auprès de ses paroissiens, auxquels il enseignait que Dieu, unique et inengendré, ne pouvait communiquer sa substance, y compris au Verbe [Jésus], celui-ci étant créé par sa volonté. Il contestait ainsi publiquement l’enseignement de son évêque, saint Alexandre (296-326), primat d’Égypte et de Libye, pour qui, selon les Écritures, « le Fils a le même rang que le Père et qu’il a la même essence que le Dieu qui l’a engendré ». Alexandre prêchait donc sur l’unité essentielle dans la Trinité.

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Aux sources de l’hérésie

Il importe d’avoir présent à l’esprit que, dans l’intelligence de la foi chrétienne, la révélation de la divinité de Jésus découle directement de ce qu’il est reconnu comme sauveur : il est la vie, en lui-même, par lui-même ; il donne cette vie, il « vivifie » (en araméen, ce sont les mots « vie » et « vivifier » qui sont employés pour signifier « salut » et « sauver »). Il délivre de l’emprise du mal, jusqu’à celle de la mort elle-même, par le don de cette vie nouvelle (d’où les notions de salut au sens de « secours », de délivrance de cette emprise, de rédemption). Ce que seul Dieu peut faire. D’où la conclusion des premiers chrétiens et de ceux qui font l’expérience de ce salut : Jésus est Dieu, la présence divine est en lui.

De ce point de vue, fondamental, l’hérésie arienne revenait donc à refuser que Jésus soit sauveur par lui-même, en lui-même. Elle faisait de Jésus un simple homme que Dieu aurait élevé au-dessus des autres en lui confiant certains pouvoirs divins, l’établissant comme un intermédiaire. S’identifier alors à Jésus revenait ainsi à s’extraire de la condition humaine commune pour devenir soi-même un surhomme, à l’image, par exemple, de l’empereur romain (nous verrons ci-après que c’est d’ailleurs à une version « arianisée » de la foi chrétienne que s’est converti l’empereur Constantin 1er).

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Arianisme et islam

On voit combien la pensée arienne a ainsi pu préparer les consciences à l’acceptation de l’islam, en particulier dans son regard sur le christianisme, qu’il considère comme « une forme d’associationnisme et une altération de l’unicité divine ». C’est ainsi que « pour préserver l’absolue transcendance de Dieu, la doctrine islamique nie toute idée d’incarnation » (Michel Younès, Les approches chrétiennes de l’islam, Cerf, 2020, p. 37).

L’islam a par ailleurs particulièrement développé l’idée que Dieu aurait élu certains hommes pour jouer le rôle d’intermédiaires entre Lui et le reste de l’humanité. À commencer par Jésus, comme nous l’avons vu, et aussi, tout particulièrement, la figure traditionnelle du prophète de l’islam. Mais cela concerne aussi des chefs musulmans : la tradition islamique donne à Omar Ibn el-Kattab, présenté comme le second calife, le titre d’al-faruq, « séparateur » [du bien et du mal], et donc « rédempteur », titre messianique en usage dans la chrétienté syriaque (cf. Patricia Crone, Hagarism, Cambridge University Press, 1977, p. 5). Ses successeurs porteront les titres conjoints de « serviteur de Dieu » et « commandeur des croyants », c’est-à-dire d’intermédiaires entre Dieu et les hommes. Et jusqu’au titre de calife, porté initialement sous la forme de khalifat Allah, c’est-à-dire « calife de Dieu », « lieutenant de Dieu » sur terre, qui marque ô combien ce rôle d’intermédiaire qu’étaient supposés jouer les chefs de l’islam – et par extension leurs affidés, les musulmans (cf. Patricia Crone, God’s Caliph [Le calife de Dieu], Cambridge University Press, 1986).

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