Cette « distraction » de certains jeunes enfants, et même adolescents, avait cours dans les années 2000. Il s’agissait ni plus ni moins que de frôler la mort par asphyxie, en s’étranglant, voire en s’étouffant avec l’aide d’un foulard serré autour du cou. On avait paraît-il des visions, on se défiait les uns les autres, on jouait à se faire peur en s’approchant le plus près possible de la mort. Mais voilà, la mort aime être prise au sérieux, elle ne se laisse pas approcher comme une bête sauvage enfermée dans une cage. La porte peut brusquement s’ouvrir et aspirer l’impertinent curieux !
En 2009, ce jeu fit officiellement 12 morts. Aussi le député Philippe Goujon put-il faire voter à l’unanimité par l’Assemblée nationale une loi punissant de trois ans de prison et de 75 000 € d’amendes les sites Internet ou autres organismes faisant la promotion de ce jeu (voir le journal Le Parisien du 12/02/2010). À ma connaissance, ce fut dissuasif.
Mais voici qu’un autre foulard a réapparu depuis, associé à d’autres symboles, liés à un mouvement global, composé d’une association terroriste internationale qu’on appelle l’État Islamique, le califat ou encore DAESH, et de ceux qui s’y affilient ou lui font allégeance. Ils tuent des soldats français, ils commettent des attentats visant des civils sur notre sol et dans d’autres pays d’Europe qui ont provoqué de nombreuses morts ainsi que de graves blessures. Ceux et celles qui portent et revendiquent les mêmes symboles que ceux de ce mouvement ne peuvent donc apparaître que comme suspects dans un pays qu’il attaque régulièrement.
Ce point de vue que je défends est celui de nombreux Français, y compris de confession musulmane. Ces derniers, tiennent à vivre en paix, à leur manière, dans leur pays sans être confondus avec des terroristes. La grande majorité se tait pour les raisons que l’on imagine et compte sur les pouvoirs publics , et même parfois sur les différentes Églises chrétiennes pour sonner l’alarme.
Le lundi 28 octobre dernier, le chef de l’État recevait les responsables français du culte musulman pour qu’ils confirment ce qui avait été dit par leur prédécesseurs quelques années auparavant – certains de ces prédécesseurs étant même d’ailleurs toujours en poste, directement ou indirectement. Oui ou non le foulard fait-il partie des signes et accoutrements religieux commandés par la religion musulmane ?
À la place du « non » qui avait été la réponse de ces édiles jusqu’à présent, le Président s’entendit dire que
« le port du voile est une prescription religieuse mais celles qui ont décidé de s’en affranchir ne sont pas moins musulmanes et restent dans la communauté des croyants ».
Je trouve cette réponse parfaitement irrecevable dans la France de 2019. Je ne m’aventurerai pas sur le terrain religieux pour polémiquer sur la question parce que je suis prêtre catholique et qu’il ne m’appartient pas de dire ce qui est religieux ou non dans l’islam. Et la République française ainsi que ses représentants en sont réduits à la même position que la mienne à cause de leur laïcité de principe, inscrite dans le préambule de la constitution de 1958.
Ne touchons pas à la loi de 1905 pour autant : bien que ne l’aimant pas, pour les mêmes raisons que les Papes Pie X et Pie XI, il serait extrêmement dangereux à mon sens d’en modifier quoi que ce soit en ce moment, et ce d’autant plus si la raison particulière devait en être la question de l’organisation de l’islam en France. La loi de 1905, avec son aménagement pour les catholiques de 1924, ne saurait être retouchée. Elle ne saurait pour autant être appliquée aux communautés musulmanes, sans graves dommages pour l’ordre public. La raison majeure est la suivante : les religions dont l’Etat s’est séparé en 1905 reconnaissent toutes à leur manière la distinction du religieux et du politique, et possèdent de plus une forme de magistère. Ce n’est pas le cas de l’islam. C’est ainsi manifester une ignorance coupable, ou mentir effrontément que de parler d’islam politique pour le distinguer d’un islam qui ne serait que religieux. L’islam forme un tout : une religion guidant une politique, une politique qui est religieuse par essence. Dîn wa dawla wa dunya, religion, justice, loi, État et vie profane, selon l’expression musulmane. La religion musulmane nécessite donc un traitement législatif particulier. Dans un sens, c’est ce que la France de la laïcité de 1905 avait déjà compris puisqu’il fut décidé en 1907 qu’un régime dérogatoire à la loi éponyme s’appliquerait en Algérie, c’est-à-dire à l’islam. La religion musulmane ne fut donc pas traitée comme le furent les religions métropolitaines mais selon un régime adapté à ses spécificités.
Le sinistre jeu du foulard ressuscité appelle à la résurrection de ce traitement spécifique. Voilà en effet que cet accoutrement féminin préconisé sous peine de terribles châtiments par les mollahs d’Iran et les cheikhs de Daesh, c’est-à-dire par l’islam que nos politiciens qualifient de « dévoyé et fanatique » (pour parler leur langage), devient aujourd’hui chez nous « une prescription religieuse » des plus officielles. Certes, elle est encore facultative, mais le constat de son « évolution », de sa « promotion » n’échappe ainsi à personne, sauf à ceux qui le veulent bien, pour des raisons aussi inavouables qu’obscures. Qu’en sera-t-il demain, quand la population musulmane aura encore augmenté et que les meneurs constateront que l’immobilisme des autorités permet d’aller encore plus loin ?
Il est plus que jamais nécessaire de siffler la fin de partie de ce jeu mortifère du foulard par voie législative et par règlement de police, avec des suites judiciaires appropriées. En 2010, le député Jean Goujon cherchait à éviter des morts supplémentaires. N’y en a-t-il pas déjà eu suffisamment en 2019 et ces dernières années pour légiférer à nouveau ? À moins que certains n’estiment qu’il en faudrait davantage.