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Tribune libre

Les libéraux pro-UE au pouvoir en Pologne veulent interdire la grande marche patriotique annuelle de Varsovie

Les libéraux pro-UE au pouvoir en Pologne veulent interdire la grande marche patriotique annuelle de Varsovie

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La Marche pour l’Indépendance qui se déroule tous les ans à Varsovie et qui, depuis 2010, était devenu la plus grande marche patriotique d’Europe, a bien failli être interdite cette année par le maire libéral de Varsovie, Rafał Trzaskowski. Ce candidat malheureux du parti de Donald Tusk aux élections présidentielles de 2020 n’a jamais caché son aversion pour cette grande manifestation des patriotes polonais organisée à l’occasion du 11 novembre, Jour de l’Indépendance en Pologne (en mémoire du 11 novembre 1918, la Pologne ayant recouvré son indépendance à l’issue de la Première Guerre mondiale après plus d’un siècle d’occupation germano-russe). Cette manifestation attire aussi traditionnellement des patriotes venant de toute l’Europe.

Le 23 octobre, le bulletin d’information publique de Varsovie a finalement publié la déclaration de la Marche de l’Indépendance du 11 novembre. Cela signifie que la plus grande manifestation patriotique d’Europe se déroulera à nouveau dans les rues de Varsovie, comme c’est le cas depuis 14 ans, malgré une nouvelle tentative d’interdiction cette année. La pluie de critiques qui tombaient sur ce camp libéral particulièrement européiste et le succès d’une pétition en faveur de la Marche pour l’Indépendance semblent avoir eu raison de la volonté d’empêcher les patriotes d’exprimer à nouveau leur attachement à la souveraineté nationale.

Tant que la coalition Droite unie menée par le parti conservateur Droit et Justice (PiS) était au pouvoir, Trzaskowski n’avait pas réussi à l’interdire et la Marche pour l’Indépendance se déroulait chaque année sans incident majeur, malgré les efforts de petits groupes d’extrême gauche pour y semer le trouble. La situation était bien différente sous les premiers gouvernements de Donald Tusk, quand des violences avaient lieu régulièrement et que gouvernement et organisateurs s’en rejetaient la responsabilité.

En 2015, quand le parti libéral Plateforme civique (PO) de Donald Tusk gouvernait encore et que celui-ci venait d’abandonner sa fonction de premier ministre de la Pologne pour embrasser celle, plus tranquille et bien mieux payée, de Président du Conseil européen, l’hebdomadaire conservateur polonais Do Rzeczy avait publié l’enregistrement d’une conversation datant de juin 2014 entre le chef du bureau anticorruption (CBA) et la ministre des Infrastructures et du Développement Elzbieta Bieńkowska. On y apprenait, entre autres choses, que c’est le ministre de l’Intérieur Donald Tusk qui avait fait brûler une guérite devant l’ambassade de Russie, créant un incident diplomatique, lors de la Marche pour l’Indépendance du 11 novembre 2013. Le but était de compromettre les milieux nationalistes qui organisent cette marche et aussi le parti conservateur PiS qui organisait cette année-là sa propre marche le même jour à Cracovie justement de peur des provocations du gouvernement, car c’était une année d’élections.

En cette année 2024, il semblait bien que le but du premier ministre Donald Tusk et de ses amis était de rendre la manifestation illégale afin de pouvoir y exercer des répressions policières et y causer des incidents violents). La décision initiale du maire Trzaskowski de refuser cette Marche a en effet été précédée il y a quelques mois d’une décision du voïvode de Mazovie (l’équivalent d’un préfet de région) de refuser à cette manifestation manuelle la qualification d’événement cyclique, ce qui aurait rendu son interdiction plus difficile. Début septembre, les procureurs aux ordres du gouvernement ont en outre réactivé une vieille affaire datant de la Marche de l’Indépendance de 2018 où, parmi les quelques 200.000 patriotes présents pour célébrer le centenaire de l’Indépendance, un individu non identifié aurait proféré des menaces. Aussi absurde que cela puisse paraître, cela a servi il y a un mois et demi de justification à une fouille en règle des locaux de l’association organisatrice et des domiciles de ses dirigeants présents et passés.

L’Institut Ordo Iuris, think tank juridique conservateur doté d’un département d’intervention judiciaire et dont les avocats défendent l’association organisatrice, a porté un recours devant la justice contre la décision du maire de Varsovie. Ce recours a été rejeté. Le juge a curieusement accepté les arguments de la ville selon lesquelles cette grande marche patriotique annuelle risquait de causer des troubles (alors qu’elle s’est déroulée dans le calme pendant les huit ans de gouvernements conservateurs, de 2015 à 2023). Inversement, vu que les présidents et vice-présidents de la plupart des tribunaux du pays ont déjà été remplacés par le ministre de la Justice de Tusk, sans toujours respecter la loi, il n’y a pas de quoi s’étonner, même si la purge en cours dans le système judiciaire polonais est soi-disant réalisée pour restaurer une indépendance judiciaire qui aurait été mise à mal sous les gouvernements du parti Droit et Justice (PiS). Il en va de même pour le parquet, avec le remplacement en janvier dernier du Procureur national sans l’aval du président de la République polonaise requis par la loi. Un remplacement qui a été suivi de bien d’autres aux échelons inférieurs.

Donald Tusk lui-même l’a reconnu lors d’une conférence au Sénat le 10 septembre dernier, quand il a déclaré qu’il ne disposait pas des instruments légaux suffisants « pour rétablir les fondements de la démocratie libérale » après huit ans de gouvernements conservateurs, et qu’il devait donc parfois violer la loi pour atteindre ses objectifs. La Pologne est aujourd’hui une « démocratie militante », a-t-il annoncé, se référant ainsi au concept développé aux Etats-Unis dans les années 1930 par Karl Loewenstein, d’origine juive allemande, en réaction à la prise du pouvoir par les nazis.

Avec le soutien affiché de Bruxelles et de l’administration Biden, la coalition gaucho-libérale de Donald Tusk, arrivée au pouvoir après les élections parlementaires du 15 octobre 2023 qui ont vu le PiS perdre sa majorité absolue (même s’il est arrivé en tête), multiplie ainsi les atteintes à la démocratie et à l’Etat de droit : refus d’appliquer les décisions du Tribunal constitutionnel et de la Cour suprême (nom donné en Pologne à la cour de cassation), violations répétées des immunités parlementaires et judiciaires, abus de la détention provisoire, notamment à l’encontre du père Olszewski, prêtre catholique qui dirigeait la fondation Profeto de la congrégation du Sacré-Cœur de Jésus, et de deux femmes fonctionnaires du ministère de la Justice (maintenus en prison sans procès pendant plus de sept mois, avec des traitements s’apparentant à de la torture au regard des conventions internationales, mais finalement libérés le 25 octobre sous caution sur ordre de la Cour d’Appel de Varsovie), etc.

Je citerai pour finir le commentaire d’un chroniqueur et essayiste polonais particulièrement populaire à droite, Rafał Ziemkiewicz, à propos de cette tentative d’interdiction de la Marche pour l’Indépendance cette année, avant qu’elle soit finalement autorisée : « Tout indique que ces voyous préparent une sorte de provocation grossière pour le 11 novembre. Ce sera leur incendie du Reichstag, qui servira de prétexte à d’autres actes de non-droit. »

Ou alors, sans aller aussi loin, ils veulent simplement finir par interdire cette marche patriotique qui a toujours déplu aux libéraux et à la gauche, à Varsovie comme à Bruxelles. Deux mois après avoir fait fouiller les locaux de l’association organisatrice et à quelques jours seulement de la Marche de l’Indépendance de cette année, le parquet a justement trouvé bon d’informer le maire de Varsovie de délits d’incitation à la haine qui auraient été commis au cours de cette marche en 2018, en lui rappelant qu’il pourrait en tirer les conséquences si de tels délits sont à nouveau commis cette année. Il suffira donc qu’un excité ou un agent des autorités en civil brandisse une pancarte sortant des clous pour que la question de l’interdiction définitive de la plus grande mache patriotique d’Europe revienne sur le tapis.

Olivier Bault
(Institut Ordo Iuris)

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