"Quelques heures après l’annonce du décès de Maurice Allais, l’Académie de Suède communiquait le nom des trois économistes qui se partagent le prix Nobel d’Economie 2010 : Peter Diamond, Dale Mortensen, tous deux universitaires américains et Christopher Pissarides, de la London School of Economics. Les membres du jury ont justifié ainsi leur choix : "Pourquoi y a-t-il autant de gens sans travail alors qu'au même moment il y a de nombreuses offres d'emploi ? Comment la politique économique influence-t-elle le chômage ? Les lauréats de cette année ont développé une théorie qui peut être utilisée pour répondre à ces questions». […]
Certaines phrases sont d’un politiquement incorrect à faire frémir nos leaders syndicaux et nos hommes d’Etat : "plus les allocations chômage sont importantes, plus le taux de chômage est élevé et la durée de recherche est longue". Voilà des propos qui peuvent facilement passer pour ultra-libéraux en France. Les penseurs du Monde, d’Alternative Economique et Marianne s’en sont étouffés de colère […] Il n’en demeure pas moins qu’avec clarté et rigueur ces économistes ont établi que les interventions politiques sur le marché du travail sont catastrophiques, quelles que soient les formes qu’elles prennent : indemnités de chômage, salaires minimums, réglementations (notamment en ce qui concerne les conditions d’embauche et de licenciement).
L’explication est aussi simple que classique : il n’existe pas «un» marché du travail, mais autant de marchés du travail qu’il y a d’activités et d’entreprises. Ce qui est nécessaire c’est qu’il y ait rencontre, «appariement» entre employeurs et candidats à l’emploi. Cela suppose une adaptation, des qualifications multiples, et une grande flexibilité qui permet de passer d’un emploi à l’autre, puisque la vie économique elle-même est changement permanent. Il y a donc une double recherche de l’emploi, de la part de l’employeur et de celle du chômeur. […]
La politique suivie par les Allemands a été dans le bon sens en rendant au marché du travail toute sa souplesse. Les trois lois Hart votées sous le mandat du chancelier Schröder ont rendu au contrat de travail toute sa souplesse, permettant aux travailleurs de changer de travail, et aux entreprises de changer de travailleurs. Tout le monde y a trouvé son compte et les succès de l’Allemagne à l’exportation s’expliquent par la qualité d’une main d’œuvre correspondant exactement à ce qu’il faut pour attirer une clientèle étrangère. L’appariement a pu se faire. Ces exemples et ces démonstrations devraient recevoir l’adhésion de tous ceux qui veulent sincèrement réduire le chômage en revenant aux lois fondamentales de l’économie, c'est-à-dire du comportement humain. Mais hélas on est encore persuadé que la lutte contre le chômage est l’affaire du gouvernement !"
Les nouveaux prix Nobel d’économie, économiquement incorrects
9 commentaires
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Olivier Saumur
Quand on se retrouve au chômage, les allocations paraissent vite maigrelettes. En gros, dès que votre ancien salaire dépassait les 2.000 € nets par mois, vous vous retrouvez avec 50% de ressources (50% de l’ancien salaire – 11% de CSG-RDS).
50% de revenus en mois : il faut faire une croix très rapidement sur certaines habitudes de consommation (abonnements magazines, internet, vacances, voiture, habillement, alimentation, voire revente immobilière en urgence) pour ne pas se retrouver en quelques semaines avec un compte bancaire rouge écarlate. (Et comme vous êtes en difficultés, ne comptez plus sur votre banquier : les sourires qu’il vous adressait avant s’adressait à votre pognon, pas à vous. Et comme vous n’en avez plus….)
A côté de ça, chercher du travail prend du temps : souvent six mois, parfois plus, surtout quand on se fait virer en période de crise comme en 2009. (Et si vous dépasser 23 mois de recherche, finex les alloc : et là, ça vire au cauchemard intégral.)
On se retrouve donc souvent, même en cherchant réellement et efficacement un nouveau job, dans une situation économique près peu enviable, voire carrément catastrophique.
(Souvent la solidarité familiale doit alors prendre le relais.)
Vu comme ça, je ne trouve pas que les allocations chômages soient trop élevées en France.
[Pour avoir été chômeur, je conteste vos chiffres : on gagne bien plus de 50% de son ancien salaire. MJ]
loupiot
bonjour,
peut-être vouliez-vous mettre dans le titre “politiquement” à la place d'”économiquement”?
[Non, ce n’est pas une coquille. MJ]
Olivier Saumur
Si je peux me permettre de répondre à votre remarque, en 2 temps :
– sur le fond : je ne sais pas si la période de chômage que vous avez connue est récente ou ancienne, mais je maintiens les chiffres, au moins pour mon cas qui date de 2005 (et il me semble que les montants dont je parle avaient été établis peut de temps avant). J’avais droit à 57% de mon ancien salaire, mais de ces 57% était déduit 11% de CSG-RDC, ce qui donne quasiment au final 50% du salaire.
– sur la forme : j’ai fait une erreur de frappe (dans la parenthèse il faut lire 57% de l’ancien salaire – 11% et non 50%-11%).
Ce taux (57%) a peut être évolué depuis, et est plus élevé quand on se rapproche du SMIC, ce qui est normal (50% du SMIC, ça nous amènerait sous le seuil de pauvreté).
Enfin, annecdote croustillante : la durée des indemnités est de 23 mois. Sauf si vous créez votre entreprise, là on vous sanctionne : vous n’avez plus droit qu’à 18 mois. Il faudrait pas qu’on favorise trop l’initiative, quand même dans ce pays !
[Mon cas date de 2007. Et j’étais plus proche des 70%. MJ]
Ivanovladimir
Plus l’économie est libre (flexibilité du/des marché(s), privatisations…) plus l’homme est asservit.
L’économie libre est un monstre destructeur des nations au profit des grandes multinationales et des organismes internationaux (avec notre ami Strauss-Khan…).
Le gauchisme n’est que l’instrument du capitalisme libéral destiné à faciliter les migrations et mélanges culturalo-ethniques, le communautarisme et les immoralités individualistes (dolce and gabana, euthanasies, avortements, mères porteuses, etc…).
L’ennemi qui tire les ficèles ce n’est pas le petit terroriste, ni les petits membres du PS, c’est les grandes institutions mondiales (FMI, Banque Mondiale…) et les gouvernements américain, saoudien et européen.
L’immigration, les délocalisations, la déchristianisation et l’islamo-américanisation de notre société sont les conséquences de l’économie privatisée (capitalisme).
Quand les catholiques patriotes et traditionalistes auront compris cela, la France pourra non-seulement se libérer de la misère sociale mais aussi de l’islamisation et du pourrissement de la société.
______________
Parole d’un patriote catholique pro-Benoit XVI qui veut la même chose que vous mais par d’autres moyens.
[Beaucoup de confusion dans ce commentaire. Il vous faut revenir aux réalités locales et notamment aux PME, car ce sont elles qui créent majoritairement de l’emploi. MJ]
Entrepreneur
Article parfait qui se passe de commentaires.
Le libéralisme permet un véritable épanouissement des hommes et des entreprises, donc des familles(je l’ai vécu en Suisse, qui est un pays très très libéral économiquement). Plus on réglémente le marché du travail, plus on créé de chômeurs et d’exclus, et plus ce sont les gens sans défenses, et que l’on prétendait défendre qui trinquent (les autres, jouent avec les règles qu’ils ont les moyens de maîtriser). Les allocations chômages représentent 57 % du brut, ce qui fait presque 80 % du net, surtout si on considère qu’aller travailler a toujours un coût (transport, habillement, etc…), et que les impôts diminuent fortement en France quand les revenus baissent. On les touche 23 mois ou 36 mois après 50 ans, ce qui est quand même considérable.
Les américains ont raison de dire “si vous payez les chômeurs, et si pour ce faire vous taxer les gens qui travaillent, ne vous étonnez pas que le nombre de chômeurs augmente, et que le nombre de travailleurs diminue !” Le bon sens paysan a parfois du bon.
ama
Si mes souvenirs sont bons (ils datent de 2004), le taux de 57% – CSG est effectivement exact, mais il est basé sur la rémunération brute.
Les allocations chômages sont donc plus près de 70% du net que 50%.
PK
Le calcul normal pour un cadre au chômage indique en fait un « salaire » au chômage de 66% de son ancien revenu (soit proche des 70% évoqués par MJ). Moins les charges afférentes habituelles (principalement, les transports) donc on se retrouve sans doute autours des 70% en réel.
C’est l’argument principal pour faire démissionner quelqu’un dans les SSII en arnaquant l’assurance chômage. Cette méthode n’a plus beaucoup cours désormais car ils ont officiellement maintenant le droit de mettre à la porte n’importe qui n’importe comment… grâce à Sarkozy…
Denis Merlin
Vraiment drôle (enfin, en un sens) de lire sur un blog écrit par des catholiques l’indécente prose libérale d’un libéral extrémiste.
Ces “prix Nobel” font l’impasse sur Laborem exercens, la notion d’employeur indirecte, ou bien plus généralement ce que dit Jean-Paul II
“Au contraire, c’est précisément la prise en considération des droits objectifs du travailleur, quel qu’en soit le type: travailleur manuel, intellectuel, industriel ou agricole, etc., qui doit constituer le critère adéquat et fondamental de la formation de toute l’économie, aussi bien à l’échelle de chaque société ou de chaque Etat qu’à celui de l’ensemble de la politique économique mondiale ainsi que des systèmes et des rapports internationaux qui en dérivent.”
http://www.vatican.va/holy_father/john_paul_ii/encyclicals/documents/hf_jp-ii_enc_14091981_laborem-exercens_fr.html
J’invite vos lecteurs à cesser de lire les prix Nobel et à lire plutôt la doctrine sociale dont “Laborem exercens”.
Il est bien évident que l’excès dans l’indemnisation du chômage peut avoir des effets pervers, mais cette donnée statistique ne doit pas amener à l’excès inverse, bien plus grave, qui est la violation des droits des travailleurs. Le manque de nuance de la pensée dénote une méconnaissance de la doctrine sociale de l’Eglise, même si les données scientifiques sont d’un autre ordre, mais conditionnées par l’éthique.
[Laborem exercens précise aussi :
“Ce souci global pèse en définitive sur l’Etat mais il ne peut signifier une centralisation opérée unilatéralement par les pouvoirs publics. Il s’agit au contraire d’une coordination juste et rationnelle dans le cadre de laquelle doit être garantie l’initiative des personnes, des groupes libres, des centres et des ensembles de travail locaux, en tenant compte de ce qui a déjà été dit ci-dessus au sujet du caractère subjectif du travail humain.”
Et dans Centesimus annus :
“On a assisté, récemment, à un important élargissement du cadre de ces interventions, ce qui a amené à constituer, en quelque sorte, un Etat de type nouveau, l’«Etat du bien-être». Ces développements ont eu lieu dans certains Etats pour mieux répondre à beaucoup de besoins, en remédiant à des formes de pauvreté et de privation indignes de la personne humaine. Cependant, au cours de ces dernières années en particulier, des excès ou des abus assez nombreux ont provoqué des critiques sévères de l’Etat du bien-être, que l’on a appelé l’« Etat de l’assistance ». Les dysfonctionnements et les défauts des soutiens publics proviennent d’une conception inappropriée des devoirs spécifiques de l’Etat. Dans ce cadre, il convient de respecter également le principe de subsidiarité: une société d’ordre supérieur ne doit pas intervenir dans la vie interne d’une société d’un ordre inférieur, en lui enlevant ses compétences, mais elle doit plutôt la soutenir en cas de nécessité et l’aider à coordonner son action avec celle des autres éléments qui composent la société, en vue du bien commun.
En intervenant directement et en privant la société de ses responsabilités, l’Etat de l’assistance provoque la déperdition des forces humaines, l’hypertrophie des appareils publics, animés par une logique bureaucratique plus que par la préoccupation d’être au service des usagers, avec une croissance énorme des dépenses. En effet, il semble que les besoins soient mieux connus par ceux qui en sont plus proches ou qui savent s’en rapprocher, et que ceux-ci soient plus à même d’y répondre. On ajoutera que souvent certains types de besoins appellent une réponse qui ne soit pas seulement d’ordre matériel mais qui sache percevoir la requête humaine plus profonde. Que l’on pense aussi aux conditions que connaissent les réfugiés, les immigrés, les personnes âgées ou malades, et aux diverses conditions qui requièrent une assistance, comme dans le cas des toxicomanes, toutes personnes qui ne peuvent être efficacement aidées que par ceux qui leur apportent non seulement les soins nécessaires, mais aussi un soutien sincèrement fraternel.”
MJ]
Denis Merlin
Certes, l’Etat ne doit pas intervenir partout et toujours, puisque si la justice est préservée spontanément dans des relations sociales, il n’a rien à dire.
Mais il doit veiller à la justice sociale, donc à l’équilibre des prestations, car le travailleur a droit (justice) à la sécurité. Il a donc le devoir de veiller à l’équilibre des prestations, y compris des prestations d’assurance chômage.
Certes, si le salaire minimum est trop élevé, si les indemnités de chômage sont trop élevées, si le contrat de travail devient trop onéreux pour l’employeur, cela va avoir des effets pervers. Mais cela n’entraîne nullement que l’Etat doive se désintéresser de l’équilibre des prestations, au contraire pourrait-on dire. D’ailleurs aujourd’hui, comme vous le savez la question sociale est mondiale, il est donc nécessaire que les problèmes internationaux soient réglés internationalement.
Votre auteur a une vision matérialiste, du moins je le crains, de la valeur du travail. [J’aurai plutôt tendance à pense qu’il a une conception “responsabilisante” du travail, tant du côté de l’employeur que de l’employé, alors qu’aujourd’hui, il y a peu de marge de liberté de chaque côté. MJ]
Il y a naturellement du vrai dans ce qu’il dit, mais faire découler la “qualité de la main d’oeuvre” de la mise en oeuvre des principes libéraux fait sourire, la qualité de la main d’oeuvre est avant tout dans la culture, dans l’éducation technique certes, mais aussi morale. La qualité de la main d’oeuvre n’est pas fruit d’une fausse liberté dans les relations de travail, au contraire pourrait-on dire. C’est une évidence.
Cela les équilibres entre les possibilités de l’entreprise et les besoins familiaux, emploi des handicapés, emploi des personnels très peu qualifiés etc.) posent des questions qui ne se résoudront pas par le libéralisme et ses principes matérialistes. C’est ce que j’ai voulu dire, mais nous ne pouvons dans le cadre de ce blog traiter de tout, bien sûr.
On pourrait dire pour conclure que l’excès dans la fixation du salaire minimum, l’excès dans les prestations d’assurance chômage, l’excès dans la sécurité du contrat de travail sont certes à éviter et ont des effets pervers, mais qu’il n’en faut pas pour autant condamner le principe du salaire minimum, de l’assurance chômage, de la sécurité du travailleur dans le contrat de travail. L’abus de la nourriture est dangereux pour la santé, mais jeûner absolument est destructeur de la santé. Trop n’en faut, trop peu n’en faut, c’est la justice sociale qui assure l’équilibre.
A la base des raisonnements libéraux, il y a l’idée que “la nature”, négatrice de la culture, suffirait à assurer la justice par une sorte de magie (lire à ce propos “Vérité et liberté” de l’à l’époque cardinal Ratzinger), or cela est faux comme l’expérience historique l’a prouvé.