Victor Lefebvre et Michel Sandrin ont enquêté sur Wikipedia, pseudo-encyclopédie en ligne. Victor Lefebvre est interrogé dans le JDD :
Wikipédia est une révolution dans la mesure où elle renverse totalement notre approche du savoir. Une encyclopédie dite « classique » repose sur un comité scientifique et des rédacteurs professionnels. L’ensemble forme une structure d’individus organisés, hiérarchisés et le plus souvent rémunérés.
Sur Wikipédia, c’est tout l’inverse. N’importe qui peut s’improviser encyclopédiste, à condition d’accepter le principe du bénévolat. Cela va même plus loin : un utilisateur de Wikipédia n’a même pas besoin de créer un compte pour ajouter ou supprimer une information qui figure sur tel ou tel article de l’encyclopédie en ligne. Le contrôle se fait donc a posteriori, c’est-à-dire après la publication – une hérésie totale pour les encyclopédistes du XVIIIe siècle. Et pourtant, cela fonctionne. Wikipédia, au fond, c’est l’inverse du marxisme : cela marche en pratique, mais pas en théorie.
Dans quelle mesure est-elle fiable ? Son fonctionnement collaboratif permet-il de parvenir à un consensus scientifique ?
En 2007, Wikipédia conclut la première phase de son développement, qui s’est accéléré de manière brutale à partir de 2004. À titre personnel, cette période correspond à mes années de collège. À cette époque, mes professeurs expliquaient – je ne pense pas être seul dans ce cas – que Wikipédia n’était pas un outil fiable car n’importe qui pouvait modifier une page en deux clics. La même année, en 2007 donc, l’écrivain Pierre Assouline signe un texte très sévère sur Wikipédia, qu’il accuse d’amateurisme et de manque de rigueur intellectuelle. Il y a donc une défiance très forte vis-à-vis de Wikipédia dans ses premières années d’existence, notamment de la part du monde intellectuel et universitaire. Aujourd’hui, je dirais que cette critique est datée, pour ne pas dire totalement caduque.
En moyenne, une fausse information ou un acte de vandalisme commis sur Wikipédia reste en ligne moins d’une minute et trente secondes. Le fonctionnement collaboratif et l’utilisation massive de bots, ces robots automatisés qui détectent très rapidement les fausses informations et les tentatives de vandalisme, permettent donc d’atteindre une fiabilité relativement solide sur Wikipédia. Enfin, s’il n’y a jamais de consensus scientifique définitif sur Wikipédia, il peut y avoir un point d’équilibre, y compris sur des sujets très polémiques.
Vous expliquez néanmoins que les sources citées connaissent des biais idéologiques, comment se révèlent-ils ?
Si Wikipédia est très fiable sur les sujets purement scientifiques, c’est nettement moins vrai sur les pages liées à l’actualité récente. L’édifice de Wikipédia repose intégralement sur le principe des sources, plus précisément sur les sources dites « fiables ». Or, en matière de sources de presse, tout ne se vaut pas sur Wikipédia. Pour résumer, tout ce qui est à droite du Figaro est considéré comme une « source d’extrême droite », à laquelle il est déconseillé d’avoir recours. C’est écrit tel quel sur « L’Observatoire des sources », un index des sources censé servir de référence à n’importe quel contributeur de Wikipédia.
À l’autre bout du spectre, des sites militants et engagés à gauche (pour ne pas dire plus), tels que StreetPress, Acrimed ou encore Arrêt sur images sont quant à eux considérés comme des « sources secondaires fiables », sans que la communauté juge utile de souligner leur parti pris idéologique. Ma conclusion n’est pas de dire qu’il faudrait proscrire ces médias sur Wikipédia, mais il s’agit là d’un deux poids, deux mesures évident, qui remet en cause l’un des principes fondateurs de l’encyclopédie en ligne, à savoir la neutralité de point de vue.
Comment les groupes de pression agissent-ils au sein de l’encyclopédie ?
La création d’un groupe de pression revendiqué comme tel est théoriquement interdite sur Wikipédia. Mais dans les faits, les tentatives d’entrisme idéologique ou mercantile sont nombreuses.
Ces dernières années, il est arrivé que la légitimité de certains votes communautaires soit faussée par des pratiques dites de « rameutage » et de « faux nez ». Dans le premier cas, il s’agit pour un utilisateur de faire appel à son réseau (privé ou public) pour voter massivement dans un certain sens. Dans le second, il s’agit de multiplier les comptes pour créer autant d’avatars et gonfler artificiellement un vote.
Quel que soit le procédé, ces groupuscules tentent de transformer un projet fondamentalement universaliste en un outil de propagande au service de leur propre cause. J’ajoute que certains projets collaboratifs, qui sont à mon sens des groupes de pression en effet, sont généreusement subventionnés par Wikimédia France, le chapitre national de la Fondation Wikimédia, « maison-mère » de Wikipédia toutes versions confondues. Il y a un mélange des genres qui interroge. […]
La face cachée de Wikipédia: Enquête sur les dérives de l’encyclopédie libre
AFumey
Je serais plus nuancé.
L’intérêt de WKP est justement la possibilité d’une collaboration ‘ouverte’. Petit rappel: la première “Encyclopédie” de Diderot et consort s’est révélée une entreprise idéologique. Les suivantes (Larousse, Universalis et autres) sont sur le même modèle. Quelle est la part maçonnique effective dans les plus réputées?
A contrario j’ai trouvé sur wkp des éléments sur l’Histoire de France – et leurs rois – très éloignés du fatras indigeste imposé par nos très gauchistes artisans de l’Education Nationale et leurs relais chez les principaux éditeurs scolaires.
Si on ne fait pas l’effort de rédiger des articles sur les sujets qu’on maîtrise, on ne doit pas non plus s’insurger que d’autres, plus orientés, en fasse: “qui ne dit mot consent”.
Adalbert
Vous avez raison, mais Victor Lefebvre aussi. Je recours à Wikipedia pour les sujets à faible teneur idéologique ( sciences exactes, histoire ancienne etc. ) non sans bien sûr m’en contenter ( une recherche auprès d’autres sources, notamment livresques, est toujours indispensable). Reste que pour les questions actuelles et les personnalités contemporaines les articles sont orientés. Tout ce qui est plus conservateur que la doxa ” politiquement correcte” est systématiquement qualifié de ” controversé” ou ” d’extrême-droite “. Il serait bon en effet de conduire une contre-offensive sur cette application, mais ce sera difficile car elle est tenue par des groupes de pression activistes et bien organisés.
Gaudete
Déjà taxer tous ceux qui ne pensent pas comme ceux qui écrivent dans cet organisme d’extrême-droite prouve que ces gens sont un tantinet orientés. Déjà il faudrait peut-être expliquer qu’est-ce que c’est que l’extrême-droite, parce qu’à force d’en parler on ne comprend plus rien. Je pense que ceux qui traient les autres d’extrême-droite ne sont tout simplement que des fascistes qui ne tolèrent pas que les autres aient des opinions différentes des leurs