Lu sur le blog de Jeanne Smits :
"5.000 euros pour le dommage moral produit par des mauvais traitements
policiers lors d’une manifestation illégale, et la reconnaissance de la
violation de la Convention européenne des droits de l’homme : c’est ce
que la Cour européenne des droits de l’homme vient d’accorder à une
femme qui avait été malmenée par les forces de l’ordre lors d’un
rassemblement le 16 mars 2004. Plusieurs motifs sont invoqués : le
devoir pour les Etats parties à la Convention de respecter la liberté
d’expression et le droit de rassemblement des citoyens, le fait qu’une
nombreuse présence policière est de soi de nature à préserver l’ordre
public dans ce cas, et même le devoir de l’Etat d’assurer positivement
la possibilité pour les citoyens de manifester ainsi leur opinion.
Autant de considérations que Manuel Valls pourrait très utilement
méditer par les temps qui courent, où les gardes à vues, les contrôles
d’identité abusifs ou abusivement mises en œuvre et autres vexations et
interdits tombent quotidiennement ceux qui expriment leur désaccord avec
la loi Taubira.Mais – au moment même où la grande presse apporte son évident soutien
aux manifestations turques contre le pouvoir « islamo-conservateur »,
comme ils disent, et découvre à Istanbul des matraques qu’il perçoit à
peine à Paris – il se trouve que cet arrêt de la CEDH vise la Turquie. Pour la France, il faudra attendre. […]
Extrait de la décision :
"En l’espèce, il ressort des documents produits par les parties
que les manifestants, qui s’étaient réunis pour attirer l’attention du
public sur une question d’actualité […] ne menaçaient nullement l’ordre public mais
risquaient tout au plus de perturber la circulation. A cet égard, la
Cour rappelle sa jurisprudence selon laquelle toute manifestation dans
un lieu public est susceptible de causer un certain désordre dans le
déroulement de la vie quotidienne et de susciter des réactions hostiles,
situation qui ne justifie pas en soi une atteinte à la liberté de
réunion (Berladir et autres c. Russie, no 34202/06, §§ 38-43, 10 juillet
2012). Dans ces conditions, la Cour n’est pas convaincue par l’argument
du gouvernement défendeur selon lequel l’ingérence litigieuse visait à
garantir la circulation dans une artère principale très fréquentée. Elle
relève en particulier que les autorités nationales se sont empressées
de mettre fin à la manifestation en plaçant en garde à vue ceux qui y
participaient ou en les rouant de coups, pratique dont la requérante a
été victime".