De Jeanne Emmanuelle Hutin dans Ouest-France :
"Dans les jours à venir, les parlementaires aboliront-ils le délai de réflexion obligatoire de sept jours pour les femmes qui envisagent un avortement ?
Un amendement a été pris en ce sens. C'est tout à fait étonnant. Alors qu'un délai de réflexion est imposé en d'autres domaines, pourquoi cette obligation serait-elle supprimée pour un acte beaucoup plus important, au coeur de la vie des gens ? « Il est tout de même curieux que […] la loi impose un délai de réflexion minimum – sept jours pour se rétracter d'un compromis de vente – et que, pour le devenir humain, celui de la mère et de l'enfant, on veuille retirer cette prérogative », écrivent les Associations familiales catholiques. La société doit laisser place à l'écoute et à la réflexion. Car il n'est pas si simple de prendre une décision en ce domaine. Permettre aux personnes qui feront ce choix dans un sens ou un autre, de le faire lucidement est essentiel. Ce ne peut être fait à la va-vite, ni banalisé puisque chaque personne concernée en garde, quel que soit son choix, un souvenir souvent marquant.
Une jeune femme, maman de 18 ans, qui n'a pas été libre de sa décision d'avorter, témoigne : « Avant d'agir, il faut bien réfléchir, parce que donner la vie c'est la plus belle chose au monde et on ne le regrette pas. Avorter, c'est horrible ! Beaucoup de questions sans réponses, de culpabilité, de haine, de regrets ! Mais c'est trop tard, aucune possibilité de remonter le temps ! C'est pour cela qu'il faut réfléchir correctement. » Écouter, apprécier, juger, demande du temps et de la sérénité : « L'avortement n'est jamais un acte banal. Le délai de réflexion prévu par la loi Veil n'est pas superflu car il permet aux femmes et aux couples de digérer ce qui leur arrive », explique à La Croix Gilles Grangé, gynécologue-obstétricien. L'obligation du délai de réflexion protège. Sa suppression priverait les femmes de la sérénité indispensable pour choisir. Elle ouvrirait les portes à la précipitation qui obscurcit le jugement. Ce serait un bien mauvais tour joué à la liberté des femmes. Derrière cette mesure, y a-t-il des objectifs économiques ? S'agit-il de réduire les dépenses de Sécurité Sociale en diminuant le nombre de consultations médicales ? Si tel était le cas ce serait abuser de la détresse des femmes, sous couvert de servir leurs droits !Avant d'être un droit, l'avortement est un drame. La suppression de l'obligation du délai de réflexion serait un pas de plus vers sa banalisation qui « d'amendements en déclaration… devient une norme sinon un idéal. À ce jeu, encore une fois la mort triomphe… », explique le philosophe Matthieu Villemot. Cette suppression renforcerait l'idée, déjà très présente chez les jeunes, que l'avortement ne serait qu'une forme de contraception ! Alors même que Simone Veil soulignait « la gravité d'un acte qui doit rester exceptionnel »."