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Franc-maçonnerie

Les vieux au Grand-Orient et les jeunes chez les tradis

Les vieux au Grand-Orient et les jeunes chez les tradis

Le sociologue et professeur émérite à la Sorbonne, Michel Maffesoli, publie un pamphlet contre Le Grand Orient. Les lumières sont éteintes. Membre du Grand Orient depuis 1972, il en a été exclu le 10 novembre 2022. Le Vatican a rappelé il y a quelques jours que l’appartenance à une loge maçonnique demeure interdite. Michel Maffesoli a été interrogé dans Entreprendre sur ce qu’il considère être la décadence de la franc-maçonnerie. Extraits :

J’ai été 50 ans au Grand Orient. J’ai d’abord démissionné, puis j’ai été exclu quelques jours après. Lorsque j’y suis rentré j’étais jeune. Pour quelle raison ? C’était l’époque où j’ai fait la connaissance de celui qui fut toute ma vie durant mon maître, Gilbert Durand, anthropologue, trop peu connu à mon goût, et avec lequel j’ai fait mes deux thèses. C’était un Franc-maçon. Il était l’équivalent de Claude Lévi-Strauss à son époque. J’avais été nommé assistant à Grenoble, et je l’avais rencontré là-bas. Il a également aiguillé tout mon travail, ma sociologie étant très influencée par sa pensée, et je le cite régulièrement.

Mais à côté de son œuvre majeure, Les Structures anthropologiques de l’imaginaire, et tous ses travaux sur le symbolique, il était maistrien. Il a écrit un ou deux livres très intéressants sur Joseph de Maistre. Et, la seconde raison – même si la vie est sans pourquoi, n’est-ce pas ? – : me préoccupaient, le symbolique et l’imaginaire, et il s’est trouvé que la maçonnerie avait cette spécificité-là. Aussi, dans le cadre des obédiences maçonniques, on en trouve certaines pour lesquelles, ce que je viens de dire est plus important, par contre le Grand Orient est plutôt orienté vers des questions plus rationalistes, voire de gauches. Mais il y avait des niches, et je me trouvais dans une de ces niches. Et puis, très lentement, durant les deux dernières décennies, j’ai réalisé que ces niches n’étaient plus tenables non plus. Particulièrement dans leur dimension sociétale.

À ce propos, vous proposez précisément dans votre livre, une critique de cette dimension sociétale, disant que cela a remplacé le spirituel.

Ma thèse est là en effet. Nul besoin de chercher midi à quatorze heures. Au fondement même de la franc-maçonnerie, lorsqu’elle se recrée en 1717, à Londres, on trouve les Constitutions d’Anderson de 1723. Or, la première règle est précisément que l’on ne parle pas de politique. Il s’est pourtant trouvé que, progressivement, la bureaucratie du Grand Orient est devenue sociétale, wokiste, politiste, et le dernier grand-maître, Trichard, est syndicaliste de profession. […]

[E]n 1972, la moyenne d’âge était de 42 ans. Aujourd’hui, elle est officiellement de 65 ans. Ce que j’appelle le « cinquante nuances de gris ». Mais à vrai dire, c’est cinquante nuances de blanc. Ce qui veut dire, que c’est un truc de vieux retraités. Je ne sais pas si vous connaissez mon livre La nostalgie du sacré, mais j’y montre que le sacré est une vraie préoccupation de la jeunesse.

On assiste dès lors au retour du sacré, mais aussi des religions.

Oui, je le vois ainsi. Mais pas le retour des religions instituées. C’est plutôt, à Paris, les églises traditionnelles. Ce n’est plus le catholicisme conciliaire, qui a abandonné le latin, la vraie liturgie, et qui a vidé les églises. Certes, ce que je dis est anecdotique, ce n’est pas scientifique, mais je vais régulièrement à Saint-Nicolas du Chardonnet, et je suis frappé de voir qu’une bonne moitié de l’église est pleine de jeunes. Donc, en effet, je crois qu’il y a un retour de tout cela, et que l’on peut observer à travers les 16 000 participants au pèlerinage de Chartres, ou à l’affluence incroyable au JMJ de Lisbonne en 2023. Au nombreuses retraites spirituelles également. Cela nous donne quelques petits indices. Voyez, index : ce qui pointe. […]

[…] Je suis dans la filiation de saint Thomas d’Aquin. Lorsqu’Aristote pose la différence entre la philosophie et la doxa, il emploie une formule : kalos aporestai : poser bellement des questions. Aporie, qui veut dire des problèmes auxquels il n’y a pas forcément des réponses. Et lorsqu’on lit la Somme théologique de saint Tomas d’Aquin, on voit qu’il y a tel argument contre, puis je pose ceci, etc. : ce qui était la « disputatio » dans la fameuse Sorbonne. Ce qui avait une tendance dogmatique, c’est-à-dire une solution a priori, on pouvait lui opposer ce processus de la disputatio. Or, nous disons tous les deux la même chose : ce n’est plus le cas dans la société d’aujourd’hui. Et c’est le vrai problème actuel. Partout, il y a ces oppositions de dogmatismes. Mais on ne trouve plus d’endroit où c’est l’essence même d’avoir ces disputatio. Cela n’existe plus. […]

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14 commentaires

  1. Quel rapport entre les traditionnalistes et les JMJ ? J’ai lu suffisamment de commentaires de tradis qui tapaient sur les JMJ et jetaient à la figure des jmjistes leurs 16000 de Chartres (+ pour être juste, les 7000 lefebvristes qui le font à l’envers).
    Mais pour revenir au sujet, 50 ans d’aveuglement ? Il se décide à se convertir ? Car il a l’air de considérer St Nicolas du Chardonnet comme un spectacle folklorique maniant des symboles comme les maçons… Plutôt qu’un lieu où le Mystère se donne à l’homme. Pas sûr qu’il ait compris ce qu’est une messe

    • Assez d’accord avec vous, il donne l’impression d’un vieux monsieur mondain lassé de son Rotary club et qui va chercher ailleurs des sensations nouvelles. Résumer le vetus ordo missae à sa langue latine prouve qu’il n’a pas tout compris au sens de la sainte Messe. On est loin de la conversion d’un Abad-Gallardo dont la démarche est nettement plus mystique et apparemment moins naturaliste.

    • Montale, laisser le temps à Michel Maffesoli de se convertir totalement. Ce n’est pas en cinq minutes que Saul est devenu Paul, le fougueux chrétien qui convertit, à son tour, Athènes, Corinthe, Éphèse et la Thessalonique.
      Réjouissons-nous plutôt de voir se dessiller les yeux des aveugles, s’ouvrir les oreilles des sourds pour retrouver le Chemin de la Vérité.
      Croyez-vous que les Douze, rassemblés au tour de Jésus, aient compris quelque chose lorsque Celui-ci leur dit : “Ceci est Mon Corps, prenez et manger. Ceci est mon sang, prenez et buvez.” Il a fallut la Pentecôte avec Marie, pour ouvrir leur intelligence.
      Delà vient la sagesse de l’Église qui propose un cheminement catéchétique et une progression sacramentelle : baptême, communion, confirmation.
      Et puis, nous-même, comprenons-nous parfaitement le Saint Mystère de la Messe ?

      • Il semble quand même que la conversion de Saül en Paul ait été assez fulgurante, c’est le moins qu’on puisse dire : trois jours après sa vision et sa chute, il était baptisé et retrouvait la vue.

      • Et l’incompréhension des apôtres devant la Cène est naturelle quand on est les premiers témoins d’un évènement de cette ampleur, nous bénéficions aujourd’hui de vingt siècles de théologie pour en comprendre toute la portée.

    • Je ne conteste absolument pas votre avis mais l’honnêteté commande la précision suivante :
      Nous vivons près de Lisbonne et faisons partie d’une des rares paroisses tradis du Portugal (Missel romain 1962). Nous avons vu les JMJ et confirmons l’empreinte festive majoritaire, présentée dans les médias comme à 100% bergolienne ce qu’elle n’est pas !
      Exemple vécu : les Missionnaires de la Miséricorde sont venus avec l’Anneau de Jeanne d’Arc prêté par Le Puy du Fou. Il a été exposé à l’adoration à l’église Nossa Senhora das Mercês où se sont retrouvés des centaines de jeunes catholiques tradis. Nous sommes restés deux heures (prières et cantiques) et la file d’attente était toujours aussi fournie. Le soir, messe et église comble.
      Le lendemain, de nouveau messe de Saint Pie V à Conceiçao Velha (notre paroisse), dont les portes ont du être fermées une fois l’église remplie à ras bord (il n’y a pas de parvis, l’église donne sur la rue).
      Conclusion, oui, les JMJ sont modernes et l’on en vante le côté festif. Mais il y a des jeunes tradis qui veulent montrer qu’ils sont là. Ce n’est pas la majorité bien sûr mais la majorité, on s’en fiche un peu…

      • Tout à fait.
        On cherche à les exiler un peu, loin du centre de Lisbonne, comme une vieille tante qui perd un peu la boule car on en a un peu honte mais ils sont là et, malgré le peu de « pub », font salle comble si je puis dire!
        Certes, cela reste le petit nombre mais de plus en plus de jeunes découvrent la liturgie traditionnelle et l’aiment, même s’ils « varient les plaisirs » si je puis dire.

  2. On peut se réjouir de voir des jeunes à Chartres ou aux JMJ, mais cela ne concerne qu’une minorité de nos jeunes, dont beaucoup de sont pas baptisés et la plupart complètement déchristianisés. certes il y a des jeunes dans les messes tradi, mais c’est l’arbre qui cache la forêt. Dans les paroisses rurale, lorsqu’il y a encore la messe, la moyenne d’âge doit être de 80 ans, et les fidèles de 50 ans ont l’air jeune, les enfants et jeunes adultes ont complètement disparu.

    • Votre observation initiale est parfaitement juste, petit troupeau, minoritaire et pas toujours formé.
      Mais l’Histoire montre que les mouvements de fond sont lancés, non par la multitude, mais par quelques centaines de meneurs qui emportent tout sur leur passage. D’ailleurs la tradition d’aujourd’hui est le fruit des efforts de quelques résistants, Monseigneur Lefebvre, de Castro-Mayer, et quelques autres seulement, suivis par Dom Gérard, les Abbés Bisig, Coiffet, Laguérie, Aulagnier, Avril, de Nantes, Argouac’h, un millier pas davantage.
      Deuxièmement, le constat que vous rapportez dans les paroisses rurales, qui célèbrent -je suppose- selon le nouveau rite, corrobore l’observation générale : ce sont dans les églises où l’on célèbre selon la forme extraordinaire du rite romain que l’on voit le plus grand nombre de familles avec enfants, des enfants de choeur et des jeunes de 20 ans. La schola chante en latin et les 0-3 ans braillent à tue-tête ! Alleluia !

  3. Il faut se méfier, chers lecteurs, même un grand-père franc-maçon garde l’habitude de dissimuler en “oubliant” les mensonges et la violence de la franmaçonnerie. Probablement une taup.
    Les fils de la veuve ont re-écrit l’histoire dans le 19ème siècle, pour enterrer leurs crimes pendant la Révolution 1789. A partir de 1850 ils sont à l’origine de toutes les guerres et révolutions en Europe. La franc-maçonnerie est une dépendance de la Synagogue de Satan (Ap. 2 : 9, 3 :9)
    1914 a été le complot du gouvernement maçonnique Anglais, (les juifs Churchill et Lloyd George, assisté par lord Grey, ministre des Affaires Etrangères) !! Le gouvernement maçonnique Français et l’Armée étaient complices. N’oubliez pas non plus l’affaire de fiches.

    • Oui, c’est vrai, mais tous ne sont pas conscients de servir Satan.
      En fait, seule une minorité des instances dirigeantes le fait consciemment.

  4. Il faut attendre, patiemment, que toute une génération passe, celle née dans les années 40 et 50… la suivante commence à ouvrir les yeux… celle d’après aimerait bien changer les choses, et enfin la jeunesse actuelle fait bouger les choses ! C’est un peu chaotique, parfois bruyant chez nos jeunes, mais il y a une vraie soif de vérité et de vouloir s’élever…

  5. L’Esprit Saint souffle où il veut. Regardez Augustin d’Hippone et Charles de Foucault. Dieu est allé les chercher au fond de leurs vies dissolues. Voyez la conversion de Véronique Jeanne Lévy (sœur de BHL), juive de naissance, menant aussi une vie désordonnée. Et puis, admirez le virage pris par Serge Abad-Gallardo, (ancien franc-maçon) qui, d’anti-chrétien qu’il était, est un ardent défenseur de la Vérité et de la Vie.
    Nous, qui avons été biberonnés à la foi catholique dès notre plus jeune âge, avons besoin d’être secoués et revigorés par ces nouveaux convertis venus de toutes parts. Ils sont souvent de meilleurs défenseurs de la Vérité, de la foi catholique et de la Vie, que des chrétiens habitués et qui se laissent endormir par la morosité et tombent de ce fait dans le relativisme.

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