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Les vitraux de Notre-Dame: une lettre de Serge Nouailhat

Les vitraux de Notre-Dame: une lettre de Serge Nouailhat

Serge Nouailhat, maître verrier normand dont nous avions publié une tribune cet été, vient d’adresser une lettre à Mgr Ulrich (qu’il nous autorise à reproduire) à propos du choix des artistes pour les nouveaux vitraux:

 

Monseigneur, 

C’est avec les célèbres Ateliers Loire de Chartres que j’avais postulé pour la création des nouveaux vitraux destinés à l’Allée de Pentecôte, et, je m’y attendais, j’ai reçu il y a quelques jours l’avis de refus de mon dossier. Je me doutais bien, lors du lancement du concours, d’un parti pris possible, imaginant l’approche qui serait celle du ministère de la culture aiguillée par l’actuel Président de la République. J’ai tout de même postulé avec un sincère désir de témoigner mon enthousiasme: des artistes chrétiens, oui, ça existe en 2024 comme l’atteste mon travail de peintre-verrier présent sur la plupart des continents maintenant. J’imaginais en effet, car l’Espérance chrétienne est de croire malgré les apparences, que peut-être il y aurait un « miracle Notre Dame », et qu’un choix à la hauteur de son histoire et de l’enjeu spirituel d’une telle création aurait lieu. Que nenni ! Pourtant, cette idée d’une Allée de Pentecôte m’avait spontanément réjoui. Travailler sur ce thème, quelle formidable opportunité pour manifester la beauté de notre foi. Oui, nous avions, artistes cherchant Dieu dans notre art, priant qu’Il nous inspire, une formidable opportunité, celle de poser un acte d’Espérance et de Foi adressé aux visiteurs, croyants, chrétiens ou non. Il eut été d’ailleurs fort intéressant de connaître mes collègues artistes également en lice et maintenant refusés, et qui resterons donc « sans noms », des sans grades qui pourtant ont répondu à cette exceptionnelle initiative. Mais, je découvre les 8 noms des artistes présélectionnés, d’ailleurs déjà cités au début de l’été afin, sans doute, de préparer le terrain. La plupart n’ont rien à faire selon moi dans ce concours, ce choix révélé par les médias est significatif d’un véritable parti pris, et s’il ne m’a pas vraiment surpris, il est cependant indigne dans un tel contexte ! 

Alors, je dois vous le confier, je ne cesse de penser à Notre-Dame de Paris : impossible pour moi de faire comme si c’était “plié”. Je ne parviens pas à croire que l’on va abandonner ce lieu saint aux serviteurs désignés et autoproclamés de l’AC (l’Art Contemporain officiel) : artistes, conservateurs et critiques, tous plus ou moins en connivence avec les milieux culturels et politiques. Et ce serait avec le consentement de l’Eglise ? Après tout ce que cet édifice a traver-sé, et encore récemment, trahir tant d’artistes et d’artisans bâtisseurs au service de la Foi qui en ont été les serviteurs passionnés depuis des siècles, comment est-ce possible ? 

Je ne saurais juger des motivations profondes de ces « grands noms » de l’art contemporain*, mais cette sélection réalisée dans un évident manque de transparence, voilà qui oscille entre le coup de com, la provocation et le manque total de respect envers ce monument emblématique de la foi chrétienne. Permettez moi de me demander ce que viennent faire ces personnalités, (qui ont déjà oeuvré dans d’autres lieux prestigieux, et si ce ne sont eux, ce sont leurs semblables re-connus artistes par la doxa médiatique et culturelle en place). Car ils ignorent tout simplement pour la plupart ce qu’est un vitrail, son histoire, et surtout ce que cet art apporte à la liturgie, lui étant intimement lié, par sa lumière et ses enseignements. Est-ce qu’on demande à un metteur en scène de théâtre de revisiter et transformer la liturgie de la messe ? 

Mon ami peintre verrier Henri Guérin parlait du vitrail comme d’une paraliturgie, d’un art serviteur dans un espace où tout doit concourir à accompagner et orienter le fidèle vers le lieu eucharistique, l’autel, où est célébré le sacrifice du Christ, et donc nous introduire dans le Mystère de la Présence. À l’heure de la culture « bling bling internationale », dans un contexte de manque manifeste de références et de racines culturelles chrétiennes, je crains donc le pire… Et d’ailleurs, signe des temps, pourquoi systématiquement exclure, comme par principe, les artistes chrétiens des commandes d’envergure les cathédrales, fussent-elles sous financement publiques. Les chrétiens de France ne paient-ils pas aussi des impôts ? Et si cet argent ne va pas toujours là où ils le souhaitent, n’était-ce pas une belle occasion de les reconnaître et non de les mépriser. 

Monseigneur, J’espère que cette lettre vous parviendra, si elle n’a pas été mise de côté avant. Monseigneur, j’espère que le diocèse de Paris prendra ses responsabilités afin de ne pas céder au vent de l’art contemporain sonnant et trébuchant en vogue, comme si c’était une religion, et qu’il fallait l’adopter pour se faire bien voir. Oui, j’espère que le courage l’emportera. 

Enfin, je prie la Vierge Marie, Notre-Dame de Paris, Notre-Dame de France pour qu’une oeuvre digne de cette cathédrale exceptionnelle puisse témoigner de la vie de l’Eglise et non de ses compromissions. Puisse vraiment l’Esprit-Saint inspirer ceux, celui ou celle qui sera choisi… 

Je vous prie de croire à ma prière pour vous et votre charge, que j’imagine pas simple ! 

Serge NOUAILHAT 

*Que l’on me comprenne bien, je ne juge pas de l’oeuvre de ces artistes, que j’apprécie par ailleurs pour certains d’entre eux, mais de l’opportunité de les faire intervenir dans un espace sacré ; ils ont les leurs, les galeries, les musées d’art contemporain qui leur sont dédiés et qui les font vivre grâce aux collectionneurs éclairés et les « sachant » des institutions et du monde politico-culturel. Dans les lieux de culte chrétien, je suis tout simplement partisan d’un art résolument actuel, mais accessible à tous, porteur d’espérance et irrigué par l’exigence spirituelle et artistique de ceux qui nous ont précédés dans les lieux saints, d’un art explicitement chrétien, et si possible habité par l’Esprit Saint. 

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