Voici la suite de l’épître qui sera publiée en plusieurs parties sur le Salon Beige. Commencée pour l’Ascension, la lettre à un frère (prêtre) orthodoxe s’est achevée le jour de la Fête-Dieu. Le moine précise :
« J’ai laissé jaillir, tout en suivant quelques documents anciens. C’est une contemplation de l’œuvre de Dieu, que les divisions venant des hommes ne peuvent atteindre en elle-même ni ne doivent faire oublier… »
Le Père
Frère très cher, tous nous avons reçu la grâce du Christ, mesurée à notre capacité, à notre place dans le Corps du Christ, mais en Lui nous sommes un. En Lui nous avons un Père auquel Paul a fait cette prière : « C’est pourquoi je fléchis les genoux devant le Père de qui toute fraternité, au Ciel et sur terre, tire son nom, afin qu’il nous donne selon la richesse de sa gloire d’être fortifiés de façon dynamique par son Esprit en l’homme intérieur, que la Christ habite par la foi en vos cœurs… (Eph 3, 14-16) En cet homme intérieur qui grandit en nos cœurs nous sommes unifiés dans le Père, en son Fils et en son Esprit. L’unité descend de la Sainte Trinité à l’instant du baptême. Cette unité vient de l’Esprit qui nous fait prier : « Abba, Père » (Rm, 8, 16) et prier : « Notre Père qui es aux cieux » (Mt 6,9), et confesser avec Pierre : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant. » (Mt 16,16)
Pierre
La réponse de Jésus confirme la parole de Pierre en précisant :
D’abord sa source : « Bienheureux es-tu, Simon fils de Jona car ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela mais mon Père qui est aux cieux. » (Mt 16, 17). Pierre a été le porte-parole du Père.
Ensuite son effet : « Et moi je te dis que tu es Pierre et sur cette pierre je construirai mon Eglise. » (Mt 16, 18) La foi de Pierre est la pierre de fondation de l’Eglise du Christ.
Pierre disciple
Satan a tenté Pierre, mais la prière du Christ a garanti la solidité de sa foi (Lc 22, 31-32) et il a reçu une mission : « Affermis tes frères ». Pourtant Pierre reste présomptueux (Lc 22, 33), il renie trois fois son maître (Lc 22, 34). Pierre pleure amèrement dès que le Christ s’étant retourné le regarde (Lc 22, 61-62). Cette maison c’est l’Eglise contre laquelle « les portes de l’enfer », les puissances sataniques ne prévaudront jamais (Mt 16,18). Pierre a reçu « les clés du Royaume des cieux », le pouvoir de remettre les péchés (Mt 16, 19).
Jean
La Tradition orientale a beaucoup scruté les écrits de Jean, exilé à Patmos où il a écrit l’Apocalypse (Ap 1, 9) avec les lettres aux sept Eglises qui sont en Asie (Ap 1, 4). L’Evangéliste, témoin privilégié du Christ ressuscité, rapporte d’une part comment le Christ dès le soir de Pâques apparaît aux Apôtres et leur dit : « La Paix soit avec vous. Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie ». Et disant cela, il souffla et leur dit : recevez l’Esprit-Saint, à qui vous remettrez les péchés ils leurs seront remis, à qui vous les retiendrez ils leurs seront retenus » (Jn 20, 21-23). Mais à Pierre seul, au bord du lac de Tibériade, un peu plus tard, lors de sa troisième apparition, il pose trois fois la question : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? » Sur sa réponse affirmative et humble, le Christ lui donne un ordre, une mission personnelle : « Pais mes agneaux… pais mes brebis » (Jn 21, 15-17).
Pierre dans l’Eglise
Les Actes des Apôtres (chapitre 1 à 12) sont surtout les « actes de Pierre », car c’est lui qui a l’initiative :
- Pour l’élection de Matthias (Ac 1, 15-26)
- Pour la prédication après la venue de l’Esprit Saint (Ac 2, 14-37)
- Pour guérir un impotent (Ac 3, 1-10)
- Pour prêcher après ce miracle (Ac 3, 11-26)
- Pour témoigner devant le Sanhédrin (Ac 4, 1-23 ; Ac 5, 21-32)
- Pour reprendre Ananie et Saphyre (Ac 5, 1-11)
- Pour reprendre Simon le Magicien (Ac 8, 14-24)
- Pour prêcher aux païens (Ac 9, 32-47)
- Pour justifier la conversion des païens (Ac 11, 1-18)
Pierre, dans les Evangiles, est un homme faible que Jésus appelle, éduque, corrige et met ou remet à sa place, derrière Lui (Mt 16, 23). Dans les Actes au contraire, Pierre est conduit par l’Esprit Saint qui le fait parler, juger, guérit, témoigner (Ac 4,8). A Jérusalem « On allait jusqu’à transporter les malades dans les rues et les déposer là sur des lits et des grabats, afin que tout au moins l’ombre de Pierre, à son passage, couvrit l’un d’eux » (Ac 5, 15). Cette ombre est symbolique, elle évoque la puissance de l’Esprit Saint qui a couvert Marie de son ombre au jour de l’Annonciation (Lc 1, 35).
Pierre et Jean
Pierre tient sa place mais jamais seul. Il fait corps avec les Apôtres (Ac 1, 12 ; 2, 14 ; 2, 37-42). Souvent Jean lui est associé comme témoin silencieux de l’Esprit qui inspire Pierre (Ac 3, 1-11 ; 4, 13-19). Les deux sont envoyés en mission à Samarie : « Apprenant que la Samarie avait accueilli la Parole de Dieu, les apôtres qui étaient à Jérusalem y envoyèrent Pierre et Jean » (Ac 8, 14). « Alors Pierre et Jean se mirent à leur imposer les mains, et ils recevaient l’Esprit Saint » (Ac 8, 17). Pierre et Jean semblent inséparables dans la mission en milieu juif, au moins dans les débuts. Pierre est seul quand l’Esprit le conduit à évangéliser Corneille et les païens (Ac 10 et 11).
Mystère de Pierre dans l’Eglise
Pierre est arrêté seul et mis en prison après la mort de Jacques (Ac 12, 1-4). « Tandis que Pierre était ainsi gardé en prison, la prière de l’Eglise s’élevait pour lui vers Dieu sans relâche » (Ac 12, 5). La place de Pierre dans la première communauté apostolique de Jérusalem est éminente puisque, d’une part, c’est lui qu’Hérode fait arrêter et emprisonner pour plaire aux Juifs (Ac 12, 3) et que d’autre part, l’Eglise concentre sa prière commune sur lui. Sa libération, décrite avec soin, souligne d’abord l’efficacité de la prière de l’Eglise pour Pierre et la surprise ensuite que provoque son arrivée dans l’assemblée réunie pour prier dans la maison de Marie. La scène pleine d’humour et de fraîcheur achève « les actes de Pierre ». Pierre s’efface pour ainsi dire : « il sortit et s’en alla dans un autre endroit » (Ac 12, 17). Aussitôt commencent les « Actes de Paul ».