Voici la suite de l’épître publiée en plusieurs parties sur le Salon Beige. Commencée pour l’Ascension, la lettre à un frère (prêtre) orthodoxe s’est achevée le jour de la Fête-Dieu. Le moine précise :
« J’ai laissé jaillir, tout en suivant quelques documents anciens. C’est une contemplation de l’œuvre de Dieu, que les divisions venant des hommes ne peuvent atteindre en elle-même ni ne doivent faire oublier… »
Suite de l’épître:
Héritiers
Pierre et Jean témoignent ensemble de la splendeur des enfants de l’Eglise, Epouse et Mère ; Paul s’en fait l’écho. Comment ne pas nous émerveiller devant cette nouvelle naissance au nom de la Sainte Trinité offerte à tous ceux qui croient pour être sauvés (Mt 28, 19). Nous émerveiller ensemble, rendre grâces ensemble, nous sommes fils et filles du Père en Jésus-Christ par son Esprit ; nous sommes frères et sœurs. Nous avons un même héritage spirituel. Nous savons que les héritages matériels créent des divisions à cause de l’attachement aux richesses d’ici-bas (Lc 12, 13-21). Les héritages spirituels au contraire grandissent d’autant plus qu’ils sont partagés : le bien spirituel de l’un devient le bien de tous selon le principe évangélique « Tout ce qui est à moi est à toi » (Lc 15, 31). Il nous est bon de reconnaître que les Ecritures nous sont un bien spirituel commun. Leur lecture, leur interprétation, leur lettre et leur esprit imprègnent nos Traditions et les sous-tend comme la trame d’une tapisserie sous-tend tous ses motifs. « La Parole de Dieu est vivante » (He 4,13). C’est dans sa lumière que nous nous retrouvons en vérité sous le regard de Dieu. Le fondement de notre unité est là. La liturgie nous rassemble chaque jour pour l’écouter. L’office des Lectures de la liturgie Romaine et Monastique emprunte souvent aux Pères Grecs ou Orientaux des morceaux choisis de leurs commentaires : nous sommes en pleine communion spirituelle. Mais vous avez souvent un avantage, celui de pouvoir lire les Pères dans la langue où ils ont écrit. Il en est de même pour nos frères de langue grecque qui ont plus de facilité pour lire le Nouveau Testament dans la langue où il a été écrit. A ce propos, permettez-moi une confidence personnelle.
La grâce du grec
Quand je suis venu frapper à la porte du monastère à l’âge de 19 ans, le Père Maître m’a dit : « Vous êtes trop maigre ! Mangez, faites de la gymnastique, fortifiez-vous et, pour occuper utilement votre temps, perfectionnez votre connaissance du grec car vous lirez ainsi plus facilement le Nouveau Testament dans la langue où il a été écrit. Je bénis celui qui m’a ainsi conseillé. Sur ma table de travail, j’ai, toujours ouvert, le Nouveau Testament Grec-Latin : le latin m’instruit, le grec me nourrit. La langue qui me nourrit comme une manne tombée du ciel, me rend proche et du Nouveau Testament et de l’Orient où il est né, où il s’est levé comme le soleil, où il continue de donner sa lumière. Le cantique Benedictus nous fait chanter chaque matin aux laudes cet « Orient qui se lève d’en haut pour éclairer ceuix qui sont dans les ténèbres… » (Lc 1, 78) Oui, par vous nous recevons la lumière « qui dirige nos pas sur le chemin de la paix » (Lc 1,79).
Vérité et charité
A la Pentecôte, la diversité des langues naturelles met en lumière l’unité de l’Eglise naissante, « unité dans l’Esprit Saint », unité divine qui vient d’en haut comme la lumière du soleil. C’est une unité visible autour des Apôtres et de Pierre. C’est une unité hiérarchique, chaque membre a sa place comme dans le corps humain (1 Co 12, 12). C’est une unité dans la charité. Paul célèbre l’heureux mariage entre charité et vérité : « La charité ne se réjouit pas de l’injustice, mais elle se réjouit en compagnie de la vérité » (1 Co 13,6). Ce sont comme deux rails parallèles sur lesquels nous avançons vers l’unité en Dieu !
Deuxième siècle
Sur le fondement des Ecritures qui nous font contempler l’Eglise au premier siècle, le siècle de Jésus-Christ, nous suivons dans le premier millénaire la croissance visible de l’Eglise. Son unité dans la foi s’affermit face aux hérésies dont l’Arianisme est la plus menaçante : l’Orient soutient la foi orthodoxe de l’Occident : un saint Hilaire, évêque de Poitiers, se réfugie en Orient… L’unité dans la charité apostolique s’affermit face aux schismes, par exemple celui de Donat en Afrique du Nord.
Ignace d’Antioche
Ignace d’Antioche, dans ses Lettres, est témoin par la parole écrite – avant de l’être par le sang – de la succession apostolique. Le ministère de l’évêque est centre d’unité pour les prêtres, les diacres et les fidèles de chaque Eglise : il est local, enraciné dans une ville, mystique fondé sur la succession apostolique. Mais Ignace intègre l’Eglise locale dans l’Eglise catholique : il est le premier à écrire ce nom avec foi et fierté : « Là où paraît l’évêque, que là soit la communauté, de même que là où est le Christ Jésus, là est l’Eglise Catholique » (Aux Smyrniotes VIII, 2).
Lettre aux Romains
La lettre aux Romains témoigne d’une prééminence de l’Eglise de Rome qui a reçu des ordres de Pierre et Paul (IV, 3) qui « préside à la charité » (salutation initiale). Plusieurs indices convergent pour manifester que l’Eglise de Rome est non seulement lieu désiré du martyre tant attendu d’Ignace, mais aussi « l’Eglise qui a reçu miséricorde par la magnificence du Père très haut et de Jésus-Christ son Fils unique, l’Eglise bien-aimée et illuminée par la volonté de celui qui a voulu tout ce qui existe, selon la foi et l’amour pour Jésus-Christ notre Dieu ; l’Eglise qui préside à la charité, qui porte la loi du Christ, qui porte le nom de Dieu ; je la salue au nom de Jésus-Christ le Fils de Dieu… »