De Roland Hureaux, haut fonctionnaire et essayiste:
Le débat sur la proposition de loi sur l’euthanasie (qu’on l’appelle suicide assisté ou autrement pour en atténuer l’horreur) dépasse largement la morale entendue au sens étroit. Sa légalisation représenterait une révolution anthropologique de première grandeur, un changement de notre rapport à la mort. Elle s’inscrirait dans cette vaste pulsion suicidaire qui touche particulièrement l’Europe occidentale, voire tout l’Occident et le reste du monde.
Elle n’est ainsi pas sans lien avec le déclin de la fécondité à l’œuvre en Europe . La France qui semblait épargnée ne l’est plus : depuis le covid, elle a vu son taux de fécondité tomber aussi bas que celui de ses voisins : 1,62 enfants par femme et même, si on ne compte que les indigènes, environ 1,4.
Personne n’ose y penser tant la chose est énorme : au niveau actuel de la fécondité, la population française tombera de 99 % en 300 ans ! La situation n’est pas meilleure chez nos voisins. Le phénomène s’étend au reste du monde, avec seulement un temps retard pour l’Afrique. Ce serait la fin acceptée à terme relativement rapproché de notre héritage. Aux optimistes qui pensent que la tendance peut se renverser, on rappellera qu’aucun pays tombé au-dessous du seuil de remplacement des générations n’y est remonté.
Qu’a-t-on fait chez nous pour inverser la tendance ? Les classes moyennes ont été privées de prestations familiales en 2014, le « droit » à l’avortement été inscrit dans la constitution en 2024. De nouvelles mesures tendant à le faciliter sont en préparation.
Autre forme de suicide : l’écologie dure. Partant du souci légitime de préserver la nature, elle est devenue une doctrine sectaire qui s’en prend à toutes les activités humaines. L’Union européenne, relais du GIEC ou du Forum de Davos, a fixé l’objectif d’une neutralité carbone en 2050. A ceux qui applaudissent à cet objectif, on rappellera que sa réalisation passe par la suppression progressive des élevages en plein air, la disparition des véhicules à essence et donc la disparition de la plus belle part de l’agriculture et de l’industrie automobile, avec des effets induits désastreux sur les autres secteurs. L’écologie bureaucratique génère des milliers de règlements qui étouffent peu à peu les activités. Le reste du monde, qui ne croit guère au réchauffement climatique et rejette 90 % du carbone échappe à cet étranglement.
D’ autres secteurs économiques seront obérés par ces tendances restrictives : outre les mines et l’extraction des ressources du sous-sol que l’on craint d’épuiser, l’ énergie nucléaire qui fait l’objet d’une hostilité hystérique , hors de proportion avec ses risques réels. Le tourisme et les échanges entre les peuples pâtissent des entraves mises au trafic aérien. Par des règles d’urbanisme toujours plus contraignantes (ZAN, zéro artificialisation nette) l’homme est dissuadé d’occuper l’espace ; il y devient un intrus. Certains fanatiques voudraient qu’il disparaisse.
Les hautes sphères internationales qui orientent l’opinion des hommes et les actions des gouvernements , au moins en Occident (Forum de Davos, Bilderberg, Trilatérale, etc.) font entendre à bas bruit la petite musique de la décroissance.
Certains vont plus loin. Le courant néo-malthusien croit souhaitable que la population mondiale soit réduite des 9/10e. Comment ? Peut-être par une vaccination stérilisante comme en rêve Bill Gates?
L’autre moyen de réduire la population est la guerre. Après 1945 et l’apparition de l’arme atomique le monde a été inspiré par la peur de l’arme nucléaire et l’idée que la dissuasion interdirait les guerres. Aujourd’hui, on l’a vu avec la guerre d’Ukraine, la possibilité d’une guerre nucléaire est caressée par certains avec quelque inconscience.
La guerre a toujours existé. Elle sélectionnait, disait-on, les meilleurs. Avec l’atome, elle est devenue aujourd’hui, pour reprendre une expression du président français, une « menace existentielle ». Cette menace en fascine plus d’un. Les mêmes qui demandent tant d’insistance l’instauration de l’euthanasie ?
Est-ce un hasard si le chef du IIIe Reich lança, pour la première fois dans l’histoire, un programme d’euthanasie des malades mentaux deux mois (juin 1939) avant de commencer la IIe Guerre mondiale?
De tous temps, les civilisations se sont organisées, au moins sur le plan intérieur, pour garantir leur survie. Ce qui impliquait qu’au sein de la même tribu, elles protégeaient la vie.
A ce moment critique où l’humanité a les moyens de se détruire elle-même (comme on invite les moribonds à le faire), où, après 80 ans de paix, reviennent dangereusement à l’ordre du jour « la guerre et les rumeurs de guerre » (Mt 24,6) , il est vital pour la France de conjurer cette pulsion de mort qui s’exprime au travers d’un projet que rejette la quasi-totalité de nos soignants qui savent, eux, ce qu’est la vie et la mort.