De Thomas Valmenier pour Le Salon beige :
Sorti au cinéma au début du mois de mai dernier, le film L’Exorciste du Vatican, avec Russel Crowe en tête d’affiche a bénéficié d’une large couverture médiatique et touché déjà plus de 150 000 spectateurs rien que pour la France. Le synopsis annonce s’inspirer des livres du père Gabriel Amorth, exorciste célèbre, qui aura exercé son ministère dans le diocèse de Rome de 1986 à 2016, année de sa mort. La fiche Wikipédia du film va plus loin en parlant « d’adaptation » des livres de Dom Amorth. Classé en film d’horreur mais aussi en drame biographique le film sème le trouble sur la part de vérité et de fiction dans le scénario. La reconnaissance de l’existence du diable et de sa capacité de nuisance pourrait être une bonne nouvelle dans un monde qui se croit rationaliste en excluant l’existence d’un monde invisible. Pourtant des contre-vérités véhiculées par le film sont réellement dangereuses puisque susceptibles de remporter l’adhésion d’un public qui manquerait de connaissances historiques et religieuses. Un danger d’autant plus important que le film est (dans sa catégorie) bien réalisé, avec des acteurs efficaces.
Pour comprendre de quoi il en retourne il faut divulgacher une partie du scénario. Dom Amorth, (présenté dès la première image comme exorciste en chef du Vatican, titre souvent utilisé bien que fictif) intervient dans la délivrance d’un jeune italien et est convoqué par un tribunal ecclésiastique pour répondre de ses faits. Il lui est reproché d’avoir agi sans mandat de l’évêque. À cette occasion, les spectateurs apprennent que la Congrégation pour la Doctrine de la Foi (aujourd’hui Dicastère pour la Doctrine de la Foi) doute de l’existence du mal et veut « démontrer la pertinence de l’Eglise en abandonnant ces croyances dépassées ». Ne reconnaissant pas la légitimité de ceux qui l’accusent, le Père Amorth quitte l’audience en renvoyant ses détracteurs à son « patron : le pape », une attitude bien lointaine de ce que fut réellement Dom Amorth.
En parallèle, les spectateurs suivent une famille américaine : Julia (la mère), Amy (la soeur ainée) et Henry (le fils cadet). Les trois personnages débarquent en Espagne, dans une ancienne abbaye qu’ils réhabilitent en maison d’habitation. La bâtisse est le seul legs du père de famille décédé un an plus tôt dans un accident de voiture alors que son fils était passager. Depuis ce dernier n’a plus parlé. La famille doit rester le temps des travaux, suite à quoi l’abbaye sera vendue et le fruit de cette vente doit favoriser le retour aux Etats-Unis. Une explosion blessant plusieurs des ouvriers stoppe le chantier et Henry commence à être en proie à des phénomènes étranges. Malgré les nombreux examens, les médecins ne trouvent pas d’explication à ses maux. Le Père Tomàs, jeune prêtre qui a accueilli les Américains à leur arrivée en Espagne, visite le garçon et se voit projeté hors de la chambre de l’enfant par une force invisible. L’enfant demande par une voix démoniaque que l’« autre prêtre » lui soit amené.
Mystérieusement averti et préoccupé par la situation, le pape dépêche Dom Amorth, l’avertissant que l’abbaye où se déroule les phénomènes extraordinaires a déjà été « source de problèmes pour l’Eglise » mais sans lui dévoiler la nature des problèmes évoqués. Dès ses premières confrontations avec l’enfant, l’exorciste est déstabilisé par la force du démon qui le possède. Dès lors il cherchera à l’aide du Père Tomas à connaitre le nom du démon présent afin de mieux le chasser. Leur quête leur fera découvrir les restes de « victimes de l’inquisition espagnole » dans le puit de l’abbaye. Puis dans la crypte de l’abbaye ils trouveront le squelette du Père Alonso de Ojeda (XVe siècle), présenté comme « l’un des plus grands exorcistes de tous les temps ». Dans son journal intime, les deux prêtres apprennent qu’en voulant exorciser les moines de l’abbaye, l’exorciste espagnol aurait lui-même été possédé par Asmodée (présenté à cette occasion comme « le roi de l’enfer ») en 1475 et, sous l’influence du démon, il aurait permis la création de l’Inquisition, présentée, évidemment, comme un concentré d’horreurs et de tortures.
La suite du film est un grand délire extrapolant l’Apocalypse pour explique qu’en deux cents endroits des anges déchus attendraient leur libération afin de sillonner le monde pour détruire l’Eglise. Asmodée aurait donc attiré l’exorciste dans l’un de ces lieux pour le posséder et infiltrer l’Eglise. Pour sauver les autres personnages l’exorciste accepte la possession, tente de se suicider pour ne pas servir de marionnette et est sauvé par le Père Tomàs qui arrive à l’exorciser. Les deux prêtres sont donc envoyés en mission par le pape pour découvrir les 199 autres lieux infestés afin d’y chasser les démons. Une suite pourrait voir le jour dès 2025.
Outre des scènes violentes, ou suggestives, de nature à heurter la sensibilité de fidèles, le plus grand danger véhiculé par ce film est très certainement le mélange entre fiction et réalité. Dom Amorth est célèbre de par le monde mais ne compte qu’un nombre de lecteurs assez restreint. Bien peu de spectateurs sont donc capables de comprendre qu’au-delà des noms des personnages, le scénario est totalement fictif. L’intrigue du Da Vinci Code, tirée par les cheveux, a pu laisser croire à certains, en son époque, que le Christ aurait réellement eu une relation amoureuse avec Marie-Madeleine. Ici les origines démoniaques de l’Inquisition pourraient aussi séduire, la propagande historique martelant depuis des décennies que ce tribunal ecclésiastique entacherait l’histoire de l’Eglise. Outre ce point problématique, un autre élément, récurrent dans le cinéma qui touche au sujet de l’exorcisme mérite également un point d’attention : la profusion d’effets spéciaux qui dépasse le véritable pouvoir des démons. Dans L’exorciste du Vatican, plus le scénario avance plus le pouvoir du démon grandit, sur les meubles mais aussi sur les personnes qui ne sont pas possédées. Bien entendu l’exagération est efficace cinématographiquement pour impressionner les spectateurs mais là encore que restera-t-il, après la fin de la séance, dans la tête de ceux qui ont visionné le film ? Il est aussi dangereux d’extrapoler la puissance du démon (somme toute assez restreinte par Dieu) que de lui nier tout pouvoir.
L’Association internationale des exorcistes a mis en garde les spectateurs dès les premières bandes-annonces et avant même la sortie du film. Pointant du doigt les différences de moeurs et d’approche du sacerdoce entre le véritable Dom Amorth et celui qui apparait à l’écran, l’Association regrette également la dualité créée entre un démon cherchant à perdre l’Eglise et l’Eglise qui cacherait malicieusement les origines de l’Inquisition pour sauvegarder son image. Elle déconseille donc ce film tout en recommandant Libera nos, un film documentaire sorti en 2016 et qui montre la réalité de l’exorcisme : la joie de la libération par la croix du Christ.
LoloDJ
On ne dit pas “de quoi il en retourne” c’est très moche et ce n’est pas français. C’est redondant. C’est aussi laid que si on disait “la chose dont tu m’en parles” c’est affreux, ça m’écorche les oreilles et m’abîme les yeux.
Je ne comprends pas comment cela se fait qu’autant de gens commettent cette bévue stupide.
On dit “de quoi il retourne” évidemment.
lefleuriste
Les films, c’est de la fiction, voir de la manipulation subliminal, mieux vaut la réalité :
Archives (en français) :
– Exorcisme filmé du Père Mathieu (17min) : https://www.youtube.com/watch?v=koc7L1bviv4
– Interview du Père Mathieu (1h00) : https://www.youtube.com/watch?v=4wRywFermJM
mfreva
Le jour où on indiquera dans ces films que le nid des démons sont les gouvernements et autres organisations publiques et privées, on pourra commencer à prendre Hollywood au sérieux.
Meltoisan
Le film sur le Curé d’Ars m’avait bien fait peur quand je l’avais vu dans les années 50, celles de ma petite enfance…
Collapsus
Vraisemblablement une production des protestants pour nuire à l’Eglise catholique. Une de plus.
jlmont
un contre film serait le bienvenu
AFumey
Petit rappel sur l’inquisition en passant (lire Raphaël Sanchez Saus, “Les chrétiens dans Al’Andalus”).
L’inquisition espagnole a été confrontée au problème spécifique des ‘razzias’ opérées sur ses côtes depuis le Sud de la Méditerranée après la chute de Grenade. Si en 1492 l’esprit dominant était la tolérance, la complicité de bien des ‘convertis’ aux raids menés la nuit parfois en profondeur dans le pays a conduit à questionner la sincérité des convertis. Les pirates bénéficiaient de l’hébergement discret de certains acteurs qui leur permettaient de juteuses opérations de pillage et surtout capture d’esclaves (en ordre de grandeur, jusqu’à l’équivalent de 40.000€ par tête).
Les souverains de la toute jeune Espagne se sont (eux!) appliqués à protéger autant que possible leurs sujets, avec les moyens dont ils disposaient. En fin de compte les complicités les ont poussés à créer un crime spécifique, non pour un motif de foi mais bien de protection civile. Rappelons qu’Isabelle la catholique léguait dans son testament plusieurs dizaines de milliers d’écus (montant et devise sous réserve de contrôle, j’opère de mémoire: voir Jean Guiraud, “Histoire partiale, Histoire vraie”) aux ‘Mercédaires’ et autres instituts caritatifs spécialisés dans le rachat des captifs enlevés et vendus sur les marchés d’esclaves.