Chose promise, chose due. La PMA pour personnes homosexuelles s’installe tranquillement dans le sillage du mariage pour tous. Jusqu’ici, elle n’était permise qu’aux couples hétérosexuels, sous condition d’être en âge de procréer et infertiles. Avec l’avis de la Cour de cassation du 22 septembre dernier, tout change ou plutôt, tout se met en place. C’est que le vote du mariage pour tous en mai 2013 rendait, depuis, intenable l’interdiction de la PMA aux personnes homosexuelles. Le mariage pour tous ayant entériné une conception de la famille dépourvue de toute racine anthropologique, l’interdiction de la PMA ne reposait plus que sur d’ignominieux vestiges homophobes. L’attachement à la « biologisation de la filiation » – terme barbare pour n’indiquer rien d’autre que la nécessaire altérité homme-femme pour pouvoir procréer – dont se rendait coupable l’interdiction contrastait trop avec le déni de réalité de rigueur. Eh bien voilà que la Cour, d’un revers de robe rouge, vient docilement mettre un terme à cette incohérence fomentée par ceux-là même qui la dénonce. Et il est désormais considéré dans l’intérêt de l’enfant que de permettre son adoption par la conjointe de sa mère, aux dépens des troubles à l’ordre public collatéraux.
Dans le rapport de la Cour, ainsi que les savantes conclusions de l’avocat général, il fut aussi question de fraude à la loi. Tout un développement est ainsi consacré, en vain, à savoir si, oui ou non, il y a détournement de l’institution de l’adoption, auquel cas la fraude serait de nature à empêcher l’adoption de l’enfant par la conjointe. Le détournement consiste à provoquer la nécessité de l’adoption par l’ablation délibérée d’une branche de la filiation de l’enfant. Or, c’est précisément ce que prévoit la PMA avec tiers donneur, que ce soit pour les couples hétéro- ou homosexuels, quand il est admis que le père biologique ne prétendra par principe à aucune paternité. On le voit, l’enfant est bel et bien conditionné dès sa naissance à l’adoption. Ce qui correspond ni plus ni moins au détournement dont il était question : c’est-à-dire le fait de rendre délibérément l’enfant adoptable. Autrement dit, par la PMA avec tiers donneur, le mal que l’institution de l’adoption s’évertuait à enrayer depuis toujours devient d’un coup vulgaire marchandise, avec sa propre chaîne de production médico-légale et ses consommateurs cibles. On produit un manque chez l’enfant pour avoir à le combler par la suite. De la même façon que l’argument de l’altérité homme-femme ne justifiait plus l’interdiction de la PMA aux couples homosexuels, la question du détournement de l’institution de l’adoption perd toute substance face à la nouvelle conception an-anthropologique de la famille. Peu importe que l’enfant soit conçu délibérément en situation de manque puisque la conception même de ce manque repose sur une lecture anthropologique et donc homophobe de l’être humain.
Les garde-fous sautent les uns après les autres. A chaque réforme sociétale les politiques s’accordent sur des compromissions qui ont pour seul effet de tromper l’électeur sur ce à quoi le législateur s’engage réellement. Le divorce et l’avortement, le PACS et le mariage homosexuel, la PMA et la GPA. Autant d’exemples passés et présents. D’aucuns veulent y voir les bienfaits d’une élite éclairée et pédagogue. J’y vois plutôt la prétention d’imposer au peuple ce que son histoire, sa culture, ses traditions, et plus encore son cœur lui interdisent de croire : à savoir, que l’homme n’a rien de réel, que la nature qui l’a fait ne nous dit rien sur lui, qu’il n’est qu’un concept sans ancrage anthropologique aucun. En somme, que l’homme n’existe pas. Alors qu’un certain relativisme de convenance pouvait faire bon effet dans les médias, le nihilisme qui s’installe, lui, ne se contentera pas de simples discours passifs. La menace est réelle. A nous d’agir.
Tribune écrite par Melchior de Solages.