"Cet imposant membre du politboro soviétique fut l'ultime secrétaire du comité central (ministre) à l'agriculture de l'URSS, juste avant que celle-ci ne s'effondre. Ligatchev régnait alors sur des organes aussi exaltants que le GOSAGROPROM, comité d'Etat pour le complexe agro-industriel. Et voici notre révélation : le robuste nonagénaire qu'est aujourd'hui Ligatchev a rempilé. Discrètement, il conseille aujourd'hui la communication de notre ministère de l'Intérieur. Incroyable ? A tout prendre, non : car la sécurité en France et l'agriculture soviétique des années 1980 sont toujours plus désastreusement semblables – et le talent de Yegor Ligatchev pour tenter de camoufler la seconde faillite après la première est, de fait, le bienvenu.
Mais parlons d'abord du désastre. Nous verrons ensuite ce qu'on fait au niveau officiel pour que le bon peuple l'ignore. Direction la crèche criminelle de Marseille et tous ses santons de l'aveuglement et du déni. Marseille où dans divers quartiers "les trafiquants [de drogue, bien sûr] sont dans le hall d'entrée avec des kalachs" ; Marseille où, du fait de guerres de gangs, ça tombe comme à Gravelotte. "Août sanglant à Marseille", titrent les journaux. Marseille où des habitants excédés du XVe arrondissement attaquent un camp de Roms à la "bombe artisanale" ; Marseille où, à peine installé, le nouveau directeur sportif de l'OM est cambriolé deux fois de suite. On en passe tant et plus, pour ne pas lasser le lecteur. Marseille dont le maire émerge parfois d'une sorte d'absence pour bêler que sa ville "n'est pas Chicago" ; Marseille où de taquins bandits s'entretuent après chacune des escales touristiques-sécuritaires du ministre de l'Intérieur, venu dire que tout va mieux, à coup de statistiques artistiquement travaillées (la patte de Ligatchev…). Marseille surtout, et son (involontairement) comique préfet de police. A chaque homicide, les pieds dans le sang, parmi les étuis de balles de kalach', le préfet énonce la ligne du Parti (Ligatchev, encore) : "ça aurait pu être pire… Il faut rester prudent… Marseille n'est pas à feu et à sang"… […]"