Pierre Teilhard de Chardin revient à la mode, avec notamment la création d’un centre qui porte son nom, fruit d’une initiative commune de la Compagnie de Jésus et des diocèses de Paris, Evry, Nanterre et Versailles. Le diocèse de Paris fait même la promotion du personnage. Pourtant les écrits de ce jésuite du XXe siècle, théoricien d’un « évolutionnisme théiste », ont été condamnées par l’Eglise. Dans L’Homme nouveau, Yves Chiron rappelle ainsi :
[…] Teilhard de Chardin a pris rapidement des libertés avec les obligations de la vie religieuse. En mission scientifique en Mongolie, en 1923, il achève de rédiger « La messe sur le Monde », qu’il appelle dans une lettre « ma messe sur les choses », un court texte en forme d’hymne cosmique, qu’il récite lorsqu’il n’a pas de pain et de vin pour célébrer la messe. De manière générale, il accorde peu d’importance à la messe, même quand il a la possibilité de la célébrer. En 1939, le père Charvet, son supérieur jésuite en Chine, le déplorera dans un rapport au Saint-Office :
« ce qui me semble plus sérieux, c’est le peu de cas fait du Saint Sacrifice de la Messe dans ses voyages. Il n’emporte pas, que je sache, de valise-chapelle […] quand il se trouve en campagne, même dans les villes où il y a une église, le père se croit dispensé de célébrer. Il ne semble pas attacher d’importance au Saint Sacrement au moins pratiquement… Ces longs mois sans vie sacramentelle me semblent bien peu conformes à nos habitudes et même peu favorables à une véritable vie intérieure, cette vie intérieure tant prônée par le père Teilhard ».
Est mis en cause aussi son goût pour les dîners en ville et les soirées mondaines lorsqu’il est à Pékin. Mercè Prats [qui a consacré sa thèse à Teilhard de Chardin] évoque par ailleurs ses grandes amitiés féminines à différents moments de sa vie, mais sans affirmer clairement que Teilhard est resté fidèle à son vœu de chasteté. Quant au vœu d’obéissance, on a toujours loué son héroïque soumission à ses supérieurs qui lui interdisaient de publier ses écrits religieux ; mais il les laissait être diffusés à des centaines d’exemplaires sous forme polycopiée. […]
Wolfgang Smith, physicien et mathématicien américain, dans un essai critique qui s’en tient aux seuls écrits du jésuite, montre […] que « l’objectif de Teilhard est de fonder un “nouveau christianisme” » qui s’appuie sur le principe de l’évolution, devenue « la Vérité unique et universelle ». Dans Le Cœur de la Matière, Teilhard ose affirmer la nécessité d’« un Christianisme ré-incarné une deuxième fois (et comme à la deuxième puissance) dans les énergies spirituelles de la Matière ». Wolfgang Smith estime qu’il s’agit en fait d’une nouvelle religion. Teilhard lui-même affirmera qu’il s’agit d’
« une forme inconnue de religion – que personne ne pouvait imaginer ni décrire jusqu’ici, faite d’un Univers assez grand et organique pour la contenir ».
Sans parler des concepts nouveaux qu’il a introduits dans ses écrits : « noosphère », « Christ cosmique », « point Oméga » et d’autres. Après sa mort, devant la prolifération de ses écrits désormais publiés et la « faveur » qu’ils rencontraient, le Saint-Office publiera un monitum, le 13 juillet 1962, pour avertir qu’
« indépendamment du jugement porté sur ce qui relève des sciences positives, en matière de philosophie et de théologie il apparaît clairement que les œuvres ci-dessus rappelées renferment de telles ambiguïtés et même des erreurs si graves qu’elles offensent la doctrine catholique ».