De Bernard Mitjavile pour Le Salon beige :
L’histoire de la dernière guerre mondiale a été longtemps largement dominée par un certain simplisme manichéen. L’avertissement de W Churchill « nous avons tué le mauvais cochon (Hitler au lieu de Staline) » à la fin de la guerre alors que Staline fomentait des coups d’état communistes dans un pays d’Europe de l’Est après l’autre, a été rapidement oublié et le procès de Nuremberg est censé avoir défini une fois pour toutes le camp du bien et celui du mal avec notamment l’apparition de la notion de crimes contre l’humanité commis par les allemands.
Certains historiens polonais rappellent timidement que la guerre a été déclarée contre Hitler par la France et l’Angleterre officiellement pour rétablir la souveraineté de la Pologne sur tout son territoire suite à l’attaque allemande et que le résultat final après 40 millions de morts fut l’occupation de la Pologne par l’armée rouge et l’installation d’une dictature communiste dans ce pays dont les frontières avaient été redécoupées par Staline pour en prendre un bon morceau à l’Est. Cette situation en Pologne venait compléter les autres conquêtes soviétiques de la période immédiatement avant la guerre que personne ne songeait à remettre en question, ceci sans que cela ne semble poser de problèmes ni à la France qui s’était engagée dans la guerre officiellement en vertu d’un accord garantissant l’intégrité de la Pologne sans tenir compte de l’accord de non agression Germano-soviétique de 1939, ni aux autres alliés occidentaux.
On peut comprendre cette attitude des occidentaux qui voulaient tourner le plus vite possible la page de la guerre : on venait de découvrir les horreurs des camps nazis avant de découvrir celles du Goulag, mais pour ces dernières il faudra attendre au moins la mort de Staline pour que le grand public, en dehors de l’auteur de « Tintin au pays des Soviets » qui avait tout compris avant tout le monde, n’en prenne conscience. Ainsi les révélations du transfuge soviétique V. Kravtchenko en 1946 ont suscité l’incrédulité et la colère de la grande majorité des « intellectuels » français (voir le livre « L’affaire Kravtchenko » de Nina Berberova), ce qui montrait leur soumission au politiquement correct pro-stalinien de l’époque (aujourd’hui, le politiquement correct a quelque peu changé mais pas vraiment la soumission des intellectuels médiatisés).
Dans les récits d’histoire comme les films d’Hollywood, Hitler est généralement dépeint comme l’incarnation du mal sur terre, seul ou tout au moins principal responsable du déclenchement de la seconde guerre mondiale et du coup, les nations qui se sont opposés à l’Allemagne sont perçues comme des défenseurs de la liberté et des droits de l’homme.
Aussi, quand à la sortie du livre « le Brise Glace » de Victor Suvorov, un officier du GRU qui a fait défection en Grande-Bretagne en 1978, emportant avec lui des documents confidentiels passé à l’Ouest et condamné à mort par des tribunaux soviétiques, livre qui remettait en question les responsabilités d’Hitler dans le déclenchement de la guerre à l’Est, j’ai écrit le 8 Novembre 1989 un long article en anglais publié dans le New York City Tribune, un quotidien américain maintenant disparu, cet article traduit ci-dessous m’avait valu quelques compliments mais plus largement le silence, signe que personne ne voulait trop s’attaquer à ce thème.
Depuis, de l’eau a passé sous les ponts avec l’effondrement de l’Union Soviétique. Ainsi, entre autres aujourd’hui pratiquement tout le monde reconnaît que c’est bien les soviétiques sur ordre de Staline qui ont systématiquement éliminés tous les officiers supérieurs polonais de la zone occupée par les russes dont les cadavres furent mis dans des fosses communes à Katyn et quelques autres emplacements après l’invasion de la partie orientale de la Pologne prévue pour les Russes dans l’accord secret germano-soviétique. C’était ce qu’avait déclaré dès 1941 le Dr Goebbels avec photos et documents scientifiques à l’appui, déclaration confirmé par une enquête de membres de la Croix Rouge. Mais Goebbels étant le grand responsable de la propagande du Reich aussi sa parole a été systématiquement discréditée bien qu’il lui arriva de temps en temps, comme dans ce cas, de dire la vérité. Tout cela m’amène à traduire ce texte en français en espérant qu’il suscitera plus d’intérêt qu’il y a une trentaine d’années.
L’une des questions les plus intrigantes de la Seconde Guerre mondiale est : pourquoi les divisions allemandes qui ont attaqué l’Union soviétique le 22 juin 1941 ont-elles pu avancer si rapidement en Ukraine, vers Moscou et le sud de l’Union Soviétique pendant l’été 1941 sans rencontrer pratiquement de résistance pendant des centaines et des centaines de kilomètres ?
La Wehrmacht a conquis la majeure partie de l ‘Ukraine en quelques semaines et s’est rapprochée de Moscou et de Stalingrad avant d’être arrêtée, principalement en raison du début de l’hiver russe et de la longueur des lignes de communication et d’approvisionnement de ses unités avancées.
Les réponses données jusqu’à présent n’ont pas été très convaincantes.
Les historiens procommunistes ont fait valoir que Staline était un leader épris de paix qui ne pouvait imaginer qu’Hitler violerait le pacte de non-agression soviéto-germanique de 1939, tandis que des écrivains anticommunistes tels qu’Alexander Soljenitsyne ont soutenu que Staline était un mauvais stratège et que les troupes soviétiques n’étaient pas motivées à se battre.
La réponse de Suvorov est assez différente : les défenses de l ‘Union soviétique ont été facilement renversées parce que Staline avait prévu d’attaquer le premier et avait en conséquence placé ses forces armées dans une position offensive ce qui les rendait vulnérables en cas d’attaque.
La thèse du Brise-glace est que Staline avait prévu d’ouvrir les hostilités le premier contre Hitler en 1941 mais a été devancé de peu par Hitler. Suvorov en conclut que l’opération Barberousse déclenchée par Hitler était effectivement une attaque préventive.
Cette thèse va complètement à l’encontre de la vision traditionnelle d’une agression de la Wehrmacht motivée seulement par le désir d’expansion de Hitler, sa recherche d’un espace vital pour le peuple allemand mais on ne peut simplement ignorer le point de vue de Suvorov vu le nombre de documents rassemblés par lui.
Cette thèse correspond à celle des dirigeants de la Wehrmacht, en particulier le maréchal Wilhelm Keitel qui fut condamné à mort à Nuremberg. Selon Keitel, la raison de l’opération Barbarossa était qu’Hitler était convaincu, comme Keitel lui-même, sur la base des rapports reçu par le gouvernement allemand au printemps 1941, que l’Union soviétique se préparait à une attaque « qui placerait l’Allemagne dans une situation stratégique et économique critique ». Pour Hitler, il s’agissait simplement d’une attaque préventive comme il le répéta dans divers discours publics à cette époque.
Ainsi, au printemps 1941, comme le montrent les documents soviétiques, Staline avait massé ses forces le long des frontières, leur ordonnant de retirer les mines et les barbelés et de démanteler complètement la « ligne Staline », une longue ligne de défense, la ligne Staline, allant sur plus de 1500 km de la mer Blanche au nord à la mer Noire au sud avec l’utilisation d’explosifs suite à un ordre de Staline. La ligne se composait de 13 zones fortifiées avec des salles souterraines reliées par un réseau de couloirs en béton comprenant des hôpitaux, des magasins de munitions, des centrales électriques et des postes de commandement.
En juin 1941, lorsque l ‘Armée rouge est touchée, «ce n’est pas comme un hérisson sur la défensive, soulevant toutes ses pointes, mais comme un crocodile qui, alors qu’il s’apprête à attaquer un animal, reçoit un coup par derrière», écrit Suvorov.
Le fait que les troupes soviétiques étaient massées à la frontière a permis aux chars allemands de renverser ou contourner cinq armées stationnées entre le sud de la Pologne et la mer Noire et de se précipiter à travers l ‘Ukraine, rencontrant très peu d’obstacles à l’été 1941.
“Hitler a eu de la chance”, écrit Suvorov. “S’il avait reporté son attaque contre l’Union soviétique d’un mois, il aurait été attaqué le premier et Berlin aurait été occupée par l’Armée rouge bien avant 1944.” Pour Suvorov, l’invasion allemande, nommée Barbarossa, est une frappe préventive.
En étudiant le mouvement des troupes et les ordres secrets, Suvorov conclut que Staline avait prévu de lancer son attaque le 6 juillet 1941, un dimanche matin.
Sans Barbarossa, non seulement l’Europe de l’Est aurait été “libérée” en langage stalinien plus tôt mais aussi l’Europe occidentale, écrit Suvorov, rappelant que Staline avait donné comme slogan officiel en 1938 la libération de toute l’Europe du capitalisme, en d’autres termes sa communisation progressive avec le soutien de l’Armée rouge. Cette entreprise avait déjà commencé en 1940 avec l’occupation des pays baltes à partir du 14 juin 1940. Même en 44-45, Staline avait toujours l’ambition de contrôler l’Europe de l’Ouest, soutenant des soulèvements et mouvements sociaux de type révolutionnaire en France et en Italie.
Suvorov rappelle comment les dirigeants soviétiques depuis Lénine avaient parlé de l’arrivée de la Seconde Guerre mondiale comme d’un conflit historiquement nécessaire pour assurer la propagation du communisme à travers l’Europe et le monde.
En 1916, Lénine a écrit que la révolution mondiale n’aurait lieu qu’après une seconde guerre mondiale affaiblissant gravement les États «impérialistes».
Selon Suvorov, dans les années 1920 et 1930, Staline a soutenu, à travers le Parti communiste allemand, la montée d’Hitler contre les sociaux-démocrates et les “pacifistes bourgeois” parce que, comme il l’a déclaré dans ses déclarations publiques, lui, comme Lénine, considérait la guerre comme nécessaire pour la venue d’un monde nouveau dans lequel l ‘Union soviétique aurait la possibilité de propager le communisme.
Cela a conduit son ancien rival, Léon Trotski, à écrire que «sans Staline, il n’y aurait pas eu de Hitler ni de Gestapo».
La montée d’Hitler était considérée comme positive par Staline, car selon ses déclarations, la meilleure façon de conquérir l’Europe serait d’attaquer l’Allemagne alors qu’elle se battait contre la France et la Grande-Bretagne. De là que vient la qualification d’Hitler par les dirigeants soviétiques de « brise-glace de la révolution » ou « d’outil » qui ouvrirait la voie au communisme dans toute l’Europe.
Selon Suvorov, la Seconde Guerre mondiale a commencé le 19 août 1939, lorsque le Politburo a décidé lors d’un rassemblement secret de mettre en œuvre le plan de Staline pour la «libération de l’Europe».
Quelques jours plus tard, le 23 août, le pacte germano-soviétique est signé à Moscou, comprenant un plan pour l’invasion et la division simultanées de la Pologne. Des semaines plus tard, Staline a intelligemment déclaré au ministre allemand des Affaires étrangères Joachim von Ribbentrop que ses troupes ne seraient pas prêtes à temps pour envahir la Pologne, laissant Hitler envahir en premier et jouer ainsi le rôle du méchant qui a commencé la guerre.
« Les troupes soviétiques envahissantes ont commis au moins autant d’exactions en Pologne que les troupes allemandes, alors pourquoi les puissances occidentales, après l’invasion de la Pologne, n’ont-elles déclaré la guerre qu’à Hitler et non à Staline? » questionne Suvorov.
Un autre paradoxe de la guerre selon Suvorov est que
« Les puissances occidentales ont commencé la guerre contre Hitler afin de libérer la Pologne mais à la fin de la guerre, la Pologne a été livrée à Staline ».
Habituellement, les historiens parlant des événements ayant mené à la guerre mentionnent la vague d’annexions de territoires par Hitler (Autriche, parties de la Tchécoslovaquie, etc.), mais Suvorov rappelle que les annexions de Staline pendant cette période étaient aussi étendues que celles d’Hitler, la seule différence étant que plus de sang a été versé par Staline, en particulier lors de la guerre contre la Finlande.
Le pacte avec Hitler a été vu comme une grande victoire par Staline. L’ancien dirigeant soviétique Nikita Khrouchtchev a écrit dans ses mémoires que juste après que le ministre allemand des Affaires étrangères ait quitté la pièce, Staline a crié de joie: “Je l’ai trompé, je l’ai trompé”.
Après avoir signé le pacte, Staline prévoyait d’attaquer l’Allemagne lorsqu’Hitler serait occupé à se battre contre la France et la Grande – Bretagne.
En d’autres termes, écrivait Suvorov, pour Staline
« Hitler avait perdu la guerre avant même de la déclencher. Tout ce qu’il pouvait faire était de lancer de brillantes attaques, mais l’Allemagne perdrait tôt ou tard parce que, comme lors de la Première Guerre mondiale, elle devrait combattre sur deux fronts, ce qui, comme le reconnaissaient déjà les dirigeants de la Wehrmacht, ne pouvait amener à terme qu’à une défaite comme en 14 ».
Dans son livre, Suvorov décrit Hitler comme une sorte d’apprenti sorcier qui n’était pas aussi intelligent que le maître, Staline. Toutefois, l’opération Barbarossa a pris pendant un temps Staline par surprise à son propre piège ce qui a retardé la défaite allemande. Si Staline avait attaqué en premier, il aurait pu couper les livraisons de pétrole de Roumanie vers l ‘Allemagne, posant dès le début un gros problème logistique à la Wehrmacht.
Bien sûr Suvorov ne cherche pas à justifier les crimes d’Hitler et ne désirant pas que son livre ne soit utilisé par des néo-nazis, il prend ses précautions avec un humour russe.
« Hitler était un vrai cannibale, mais cela ne signifie pas que nous devrions considérer Staline comme un végétarien » écrit-il, ajoutant que « le travail de dénonciation des crimes nazis et de démasquage des criminels nazis doit être poursuivi, mais il doit être élargi à la condamnation de ceux qui ont encouragé ces crimes afin d’en tirer profit ».
Après avoir « libéré », selon la terminologie communiste, certaines parties de la Finlande, de l’Estonie, de la Lituanie, de la Lettonie, de la Bessarabie (une part de la Roumanie), de la Bucovine (partie de la Slovaquie) et de la moitié de la Pologne, Suvorov écrit que Staline se préparait à former de nouvelles armées à l’hiver 1941 pour la prochaine étape. Les cibles qu’il considérait comme les «libérations» les plus décisives avant la libération de toute l ‘Europe du capitalisme, étaient la Roumanie et l’Allemagne.
La Roumanie était importante car ses champs pétroliers étaient alors le seul approvisionnement en pétrole de l’Allemagne.
« Staline a compris l’importance décisive du pétrole dans un conflit moderne et avant l’attaque allemande, a massé son armée la plus puissante, la 9e, le long de la frontière avec la Roumanie » écrit-il.
En 1940, lorsque Hitler combattait la France et la Grande-Bretagne, au lieu de renforcer les défenses le long de la nouvelle frontière avec l’Allemagne, Staline renforça les ponts et construisit des routes et des chemins de fer qui n’étaient pas parallèles à la frontière, comme c’est généralement le cas dans une stratégie défensive, mais dirigés vers elle. Il était clair selon Suvorov, que Staline se préparait à une agression quand il a ordonné la suppression des barbelés et des mines dans les « zones de contact » potentielles avec l’ennemi, comme Hitler le faisait de son côté de la frontière. Au printemps 1941, une longue ligne de défense, la ligne Staline, allant sur plus de 1500 km de la mer Blanche au nord à la mer Noire au sud, a été complètement démantelée avec l’utilisation d’explosifs suite à un ordre de Staline. La ligne se composait de 13 zones fortifiées avec des salles souterraines reliées par un réseau de couloirs en béton comprenant des hôpitaux, des magasins de munitions, des centrales électriques et des postes de commandement.
« J’ignore comment les futurs historiens expliqueront ce crime contre le peuple », a écrit dans ses mémoires concernant le démantèlement de la ligne Staline, le général Piotr Grigorenko, un héros de la Seconde Guerre mondiale qui a fait défection à l’Ouest dans les années 1970.
Alors qu’il augmentait considérablement le nombre des armées soviétiques en 1940-1941 de 17 à 28, Staline envoya même des prisonniers du goulag sans uniformes militaires dans les dernières semaines avant l’attaque allemande pour renforcer les armées nouvellement formées près des frontières. Ces prisonniers ont été assignés aux troupes du NKVD (l’ancien KGB) avec la mission de tuer avec des mitraillettes les prisonniers battant retraite ou réticents. En conséquence, Suvorov écrit qu’en mai et juin 1941, plusieurs régions militaires du nord des montagnes du Caucase et de l’Oural se sont pratiquement retrouvées sans troupes et même Moscou n’a été protégée fin juin que par les troupes du NKVD.
Suvorov cite Staline et les principaux chefs militaires et de partis à cette époque, pour faire valoir que l ‘Union soviétique s’apprêtait à attaquer, citant en particulier les mémoires de l’Amiral N.G. Kouznetsov, alors membre du Comité central du parti et celle du général G.K. Joukov.
Dans son livre, Kouznetsov a écrit:
« Pour moi, une chose est certaine – non seulement J.V. Staline n’a pas exclu la possibilité d’une guerre contre Hitler, mais au contraire, il pensait qu’elle était inévitable … Staline a préparé cette guerre dans toutes les régions selon son propre calendrier, mais Hitler a déjoué son plan » (avec l’opération Barbarossa).
En février 1941, le général G.K. Joukov a été nommé chef d’état-major interarmées. La nomination de Joukov a été suivie “d’une directive importante demandant aux chefs de la flotte et des régions militaires de voir en Allemagne l’adversaire le plus probable dans la guerre à venir”, écrit Kouznetsov.
Le général d’armée Sergei P. Ivanov a écrit dans son livre « La Période initial de la guerre » que Staline s’apprêtait à attaquer le premier, ajoutant que « le commandement fasciste allemand a lancé l’attaque deux semaines avant le moment prévu pour nos troupes ». Une directive secrète de Staline, révélée par les historiens soviétiques après sa mort en 1953, directive envoyée le 5 mai 1941 à toutes les régions militaires le long de la frontière, ne comprenait pas un mot sur les mesures défensives mais demandait plutôt aux officiers de l’armée « d’être prêts à lancer des attaques dévastatrices sur un ordre du haut commandement, afin d’écraser l ‘ennemi et de déplacer le théâtre des opérations militaires sur son territoire, et de s’emparer des frontières les plus stratégiques. »
Mais la position agressive de l ‘Armée rouge est devenue une faiblesse quand les Allemands ont attaqué en premier. Ainsi, le général de division Vladimir Zemskov écrit à propos du deuxième échelon de combat:
« Nous avons été contraints d’utiliser ces réserves pour la défense et non pour l’attaque, comme cela était leur but selon le plan. »
Ivanov explique dans son livre que
« Quand le premier échelon stratégique aurait été prêt à amener la guerre en territoire ennemi … le deuxième échelon aurait dû les soutenir … selon le concept stratégique global ».
La stupéfaction de Staline lors de l’attaque d’Hitler, stupéfaction documenté par d’autres auteurs russes comme A. Soljenitsyne selon qui Staline est resté prostré pendant plusieurs jours avant de passer à l’action, ne provenait certainement pas de sa confiance envers le dictateur allemand, mais selon Suvorov, Staline pensait disposer encore de quelques mois car en fait Hitler n’était pas prêt à envahir l’Union soviétique. Ainsi, le responsable du GRU (renseignement militaire russe), F. Golikov, l’informa entre autres que l’Allemagne n’avait pas encore produit de pétrole pour véhicules blindés pouvant rester liquide dans les températures glaciales des hivers soviétiques, et il calcula que les Allemands devraient produire six millions de manteaux en laine d’agneau pour leurs troupes avant d’envahir.
En conclusion, les documents cités par Suvorov amèneront un lecteur relativement impartial à ne plus simplement considérer l’argumentation des dirigeants nazis de l’époque justifiant l’opération Barbarossa comme une guerre préventive comme un grossier artifice de propagande nazi.
Le livre de Suvorov qui peut être commandé sur Amazon comprend des photographies d’époque et surtout une trentaine de pages d’annexes incluant de nombreuses références à des ouvrages ou citations d’officiers supérieurs soviétiques et allemands ou de membres dirigeants du parti communiste. Il inclut aussi des cartes montrant la position de la ligne Staline ainsi que le positionnement des armées soviétiques avant l’attaque allemande.
On peut bien sûr discuter, remettre en question et critiquer le point de vue de Suvorov. Ainsi, à mon humble avis, il passe un peu rapidement sur le concept d’espace vital (Lebensraum) un concept géopolitique allemand du 19ème siècle lié au darwinisme social et utilisé par Hitler notamment dans Mein Kampf. Mais on ne peut simplement balayer d’un revers de main les citations de responsables russes et allemands de l’époque et les faits qu’il rapporte sur la situation militaire au début de l’attaque allemande. Une chose semble claire, le conflit entre l’Allemagne et la Russie, qu’il soit déclenché par Staline ou Hitler, était inévitable vu les volontés hégémoniques des deux leaders et leur opposition radicale sur le plan idéologique. La question était de savoir qui attaquerait en premier.
Bernard Mitjavile