Partager cet article

Tribune libre

Mais laissez-nous rouler !

Mais laissez-nous rouler !

Cet article est une tribune libre, non rédigée par la rédaction du Salon beige. Si vous souhaitez, vous aussi, publier une tribune libre, vous pouvez le faire en cliquant sur « Proposer un article » en haut de la page.

Mais laissez-nous rouler !

Qu’on le veuille ou non, la voiture est devenue au cours du XX° siècle un moyen de déplacement indispensable dans nos pays industrialisés. Toute l’organisation du territoire est pensée en fonction de l’existence de ce moyen (lieux de résidence, de travail, de consommation, de loisirs…, de culte), hormis dans les grandes métropoles qui bénéficient d’un réseau extrêmement développé de transports en commun.

Or la tendance des municipalités est de tout faire pour rendre la circulation automobile difficile, pénible, intolérable, au nom, nous dit-on, de la qualité de vie des riverains et de la sécurité des piétons.

Prenons par exemple les limitations de vitesse. Avant, les choses étaient claires et assez raisonnables : 130 km par heure sur l’autoroute, 90 sur les routes et 50 dans les agglomérations. Maintenant, à part sur les autoroutes qui sont gérées par des sociétés commerciales, les choses sont plus floues. Sur les routes, la vitesse autorisée dépend des départements : il faut savoir s’adapter en permanence. C’est le règne de l’insécurité routière. J’aime particulièrement ces petits tronçons en deux fois deux voies sur lesquels on peut rouler à 90 et qui se terminent par une fin de limitation de vitesse à 90, le panneau blanc et noir barré. Merveilleux, on peut donc rouler à plus de 90 ! Que nenni : nos fonctionnaires de la route n’ont pas fait de logique à l’école. Pour eux, une fin de limitation à 90 signifie une limitation à 80. Allez comprendre…
Dans les agglomérations, la limite est de plus en plus fixée à 30 sans que rien ne le justifie. Des 50 de règle avec des exceptions à 30, on est passé à 30 de règle avec parfois des exceptions à 50. Les maires changent le code de la route pour leur commune. Il faut donc se traîner à 30 sur des routes larges, droites et permettant une bonne visibilité, aussi fréquentées que les villes fantômes du Far West. C’est un abus de pouvoir manifeste qui habitue les automobilistes à mépriser, hors radar tirelire, les règles de la loi.

Mais là n’est pas le seul abus. A une époque, les ronds-points sortaient de terre comme champignons en automne. Maintenant qu’on aurait du mal à trouver de la place pour caser de nouveaux, les édiles multiplient les ralentisseurs, appelés aussi des gendarmes couchés. Il y en a partout, y compris sur des routes qui ne présentent aucun danger. A croire que les constructeurs de SUV et de voitures surélevées financent les mairies pour qu’elles les installent. Il faut donc ralentir à moins de 30 pour ne pas racler sa voiture et de nouveau accélérer ensuite. Bonjour le bruit, l’usure, la pollution. D’autant que certains ralentisseurs sont illégaux : ils sont installés sur des routes trop fréquentées ou ne respectent pas la hauteur limite de 10 cm. Mais qu’importe pour nos élus : ces aménagements sont installés avec votre argent et si jamais, au terme d’un procès, la mairie est condamnée à les supprimer, ce sera de toutes manières à vos frais. Si vous enfreignez le code de la route pour une broutille, vous devez payer rubis sur l’ongle. Le maire et son conseil n’ont aucun souci à se faire pour leurs finances personnelles. En région parisienne, j’ai même croisé des ralentisseurs en creux : à quand les tranchées qui traversent la route ?

Mais l’imagination des mairies ne s’arrêtent pas là. A vos frais toujours elles mettent en place des chicanes pour interdire le passage de deux véhicules de front. Si vous vous trouvez face à une file de voitures et que vous n’êtes pas prioritaire, vous pouvez éteindre votre moteur ! Cet aménagement qui limite la libre circulation des véhicules sans aucune raison est censé faire ralentir les véhicules. C’est souvent le contraire qui se produit : « Vite, la voiture prioritaire est encore loin : tentons de passer avant elle ! ». De plus, si vous êtes prioritaire et un tant soit peu compatissant, vous accélérez pour ne pas faire attendre la voiture obligée de s’arrêter. Autrefois, les maisons qui débordaient sur la rue étaient frappées d’alignement : il fallait les détruire pour ne pas gêner la circulation. C’est tout le contraire que l’on fait aujourd’hui pour le simple plaisir d’enquiquiner les automobilistes qui ne sont pas tous des touristes désœuvrés.

Connaissez-vous le feu vexatoire ou punitif ? Il s’agit d’un feu rouge installé sur une route sans raison – pas de croisement, pas de passage pour les piétons ou alors sans jamais aucun piéton – mais juste pour le plaisir de bloquer les automobilistes qui ne respecteraient pas la fumeuse interdiction de rouler à plus de 30 km à l’heure. Encore une fois : freinage, moteur au ralenti, accélération sans douceur, bref, tout ce qui n’est pas très éco-citoyen-durable. D’autant que certains se mettent au rouge uniquement parce que vous avez l’outrecuidance de conduire.

Résultat ? Des automobilistes qui allongent leur trajet pour ne pas passer par les communes engagées dans ce combat primordial contre les voitures. Ayant eu l’occasion de faire du kayak sur l’Ain avec des élèves, je m’étonnai devant un responsable du club de la route prise par la camionnette pour le retour. Ce dernier m’expliqua qu’il préférait faire 12 km en plus et ne pas abîmer son matériel avec les ralentisseurs successifs mis en place dans les villages. Cela s’appelle la lutte contre la pollution…

Toutes ces mesures montrent à quel point la vertu de prudence a disparu, chassée par des accumulations de normes et de règlements qui, bien sûr, ne visent que notre bien-être et notre sécurité. Plutôt que de laisser des automobilistes responsables rouler avec prudence, c’est-à-dire en adaptant leur conduite et leur vitesse aux aléas de la route, tout est fait pour contraindre les voitures à ne pas dépasser la vitesse jugée arbitrairement indépassable par un fonctionnaire ou un élu. Si dans cette rue il faut, en cas d’affluence, rouler au pas, cela ne veut pas dire que c’est toujours nécessaire.

L’homme moderne désaliéné, qui refuse toute contrainte morale, libéré de la crainte de Dieu, doit vivre en réalité lié et contraint par des normes et des règlements qui s’ajoutent les uns et autres et finissent par étouffer toute vie sociale normale. Il décide du bien et du mal mais les routes sont défoncées et déformées à coup de millions pour le contraindre à respecter le dernier arrêté municipal. Il croyait s’engager dans l’absolutisation de l’émancipation mais tombe sous l’esclavage de l’administration. Il croit qu’il échappe au regard de Dieu mais n’échappe pas aux radars, aux caméras en attendant que le GPS généralisé ne le piste en permanence.

Laissez-nous notre liberté d’enfants de Dieu, laissez-nous rouler !

Abbé Ludovic Girod

Partager cet article

Publier une réponse

Nous utilisons des cookies pour vous offrir la meilleure expérience en ligne. En acceptant, vous acceptez l'utilisation de cookies conformément à notre politique de confidentialité des cookies.

Paramètres de confidentialité sauvegardés !
Paramètres de confidentialité

Lorsque vous visitez un site Web, il peut stocker ou récupérer des informations sur votre navigateur, principalement sous la forme de cookies. Contrôlez vos services de cookies personnels ici.


Le Salon Beige a choisi de n'afficher uniquement de la publicité à des sites partenaires !

Refuser tous les services
Accepter tous les services