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L'Eglise : L'Eglise en France

Mais n’y-a-t-il pas médecin plus triste et plus navrant que celui qui ne sait pas mettre un mot sur une maladie ?

Le chanoine Denis, prêtre à Béziers (ICRSP), a mis en ligne son sermon de dimanche dernier :

"Face à la réalité de l’égorgement du Père Jacques Hamel dans son église, alors qu’il célébrait la messe, alors que ses quatre-vingt-six ans le rendaient inoffensif, les autorités civiles et religieuses de tout bord et de tout horizon ont été nombreuses à témoigner de leur malaise, de leur dégoût et de ce sentiment qui semble prendre un nouveau contour, comme une nouvelle mode, je veux parler du sentiment de sidération.

Mais n’y-a-t-il pas médecin plus triste et plus navrant que celui qui ne sait pas mettre un mot sur une maladie qu’il veut soigner et dont le diagnostic n’irait pas plus loin qu’une compassion certes attentionnée mais au final somme toute inefficace pour guérir le mal ?

Notre devoir de disciple du Christ, c’est d’être cette lumière qui éclaire et qui rassure en ayant la charité de dire délicatement toujours, mais avec droiture aussi, la vérité. Le Seigneur nous invite même à la clamer sur les toits. (Mt X, 27)

« Il n’y a pas de mot pour décrire ce qui est arrivé.»

« Nous restons sans voix face à ce drame.»

Quelle pitié d’entendre des phrases pareilles. Et bien nous, nous ne pouvons garder la bouche fermée. Nous ne pouvons nous permettre de verrouiller notre cœur. Ce n’est pas possible. Parce que notre cœur déborde de l’amour du Christ , il ne peut rester sans voix, et voilà ce qu’il dit :

l dit que le mal existe et qu’il est d’abord une absence de bien, il est une privation. Une privation comme la maladie est une absence de santé et la colère une absence d’équilibre. Le mal est surtout et avant tout une absence de Dieu, de ce Dieu unique et vrai, de Celui qu’on appelle Père, Fils et Saint-Esprit, notre créateur si doux, notre maître si bon.

Absent ? Mais il faut bien nous entendre sur ce terme.

Absent, soit parce qu’on l’a chassé en lui disant que notre vie, que notre famille, que notre société serait bien plus simple sans Lui. C’est le fameux mythe de la liberté sans entrave qui finit inéluctablement par rendre les hommes esclaves d’eux-mêmes ou esclaves des autres.

Absent aussi, et cela est plus subtil, absent parce que le diable, le « malin » justement, habilement, en le singeant a pris sa place : fausse croyance, fausse doctrine, fausse religion. Car qui ici, ici ou ailleurs, pourrait affirmer qu’égorger un vieillard en se faisant filmer relèverait de convictions religieuses porteuses de paix et dignes de ce nom ?

Mais il faut bien nous entendre aussi sur le terme de sidération.

Quant à nous, notre sidération est d’une toute autre nature.

Notre sidération, c’est ce Dieu qui se fait homme, ce Dieu qui a un visage. C’est Jésus dans la crèche. C’est le spectacle des mages, philosophes et savants, de trois hommes instruits qui ploient le genou et qui se prosternent devant l’Enfant Dieu.

Notre sidération, c’est le Christ qui est mort pour nos péchés comme le dit saint Paul dans sa lettre aux corinthiens (I Cor XV, 3). Crucifié comme un vulgaire larron, expirant après avoir pardonné à ses bourreaux.

Notre sidération, c’est de savoir par la Foi qu’Il est ressuscité le troisième jour.

Notre sidération, c’est Sa présence mystérieuse mais pourtant vivante et réelle, et donc efficace, dans tous les tabernacles du monde.

Notre sidération, c’est de savoir que Dieu descend sur l’autel tous les jours à travers les mains du prêtre, fut-il fragile et pécheur. Sur quelque autel, dans quelque coin du monde, à chaque fois c’est le même miracle de grandeur et de beauté qui nous transporte et nous élève.

La vérité bienfaisante et transformante du Christ : deux mille ans de christianisme en témoignent ! En témoignent sans fard. Et je dirai même en témoignent d’une façon outrancière, dans le sens où les siècles de chrétienté poussent la démonstration à l’excès.

Vérité bienfaisante et transformante du christianisme, oui assurément :

C’est la charité missionnaire des premiers chrétiens, où il n’y a plus ni juif ni grec ni romain, ni esclave ni homme libre, et où tous se regardent en fils d’un même Père (Ga III, 28), par opposition à un monde sans Dieu, ou de faux Dieu, fait de castes, de classes, de partis et de clans. Charité si intense et si vécue des communautés naissantes que les païens en étaient réduits à dire en les observant : « voyez comme ils s’aiment » ainsi que le rapporte Tertullien (Apologeticum, 39,7). Impression atomique laissée chez leurs semblables, rompus à un monde violent, dur et vengeur.

La chrétienté, c’est l’empire de la bonté, par opposition à la conquête religieuse par les armes. C’est la civilisation des peuples reculés ou des barbares, appelez-les comme vous voulez, par les blancs manteaux d’églises, par les moines bâtisseurs et évangélisateurs, les religieux éducateurs des premières écoles chrétiennes. Des hommes d’Eglise qui, à travers les siècles, élèvent les cœurs et les âmes à la beauté par les arts et les lettres. Parce que le beau, c’est le vrai bien habillé. Parce que la beauté parle toujours de Dieu.

La chrétienté, c’est la force au service du bien qui se traduit par la douceur mariée à la noblesse, c’est la civilisation de l’amour, par opposition au fanatisme religieux, à toute emprise par la contrainte et la peur. C’est la conversion des infidèles ou des incroyants, appelez-les comme vous voulez, par le doux évangile du Christ, la sagesse des saints, les sacrifices des humbles, la piété des enfants et par le sang des martyrs.

Le christianisme, ce sont des cathédrales édifiées vers le Ciel par la sueur et la Foi de ceux qui sont sur terre. Par le travail d’ouvriers, de paysans, par l’enthousiasme des petites gens et par l’argent des plus grands, par opposition aux temples païens construits par l’esclavage et l’exploitation des hommes.

L’enseignement du Christ, c’est aussi de défendre la vérité quoiqu’il en coûte parce qu’elle nous rend libre. C’est la partager et la vivre avec tout homme, quelle que soit son origine ou ses croyances, par opposition à la culture du mensonge et de la dissimulation permise avec celui qui est considéré comme mécréant.

La chrétienté, c’est encore l’amour courtois enseigné par l’Eglise, hérité de la chevalerie des seigneurs baptisés,c’est la modestie chrétienne conjuguée à l’élégance dans le vêtement par opposition à la polygamie institutionnalisée et à la frustration méprisante  de la condition féminine que l’on couvre d’une façon intégrale.

L’élégance dans le vêtement, on le trouve même dans le christianisme jusque dans l’habit des religieuses des congrégations passées dont il fait peine de ne plus voir les vêtures variées déambulées dans nos rues et dans nos cloîtres.

La chrétienté, c’est tout cela. Et c’est bien plus encore.

Si nous laissons l’évangile de Jésus « coloniser notre âme » pour reprendre l’expression de Paul Claudel, irrésistiblement nous sentons habiter en nous le plus glorieux des héritages : et forcément, notre sidération devient totale.

Pour ces croix et pour ces saints. Pour ces exemples et pour ces martyrs.

Pour ceux des siècles passés et ceux des temps présents.

Pour ce patrimoine bimillénaire et pour la chrétienté à venir.

Pour les immenses trésors reçus. Nous ne pouvons rester immobiles.

Notre sidération est agissante. Elle nous transporte. Elle nous invite à protéger notre héritage. A le protéger pour le transmettre. Transmettre ce que nous avons reçu.

Dans la paix et la charité du Christ.

Comme toujours."

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