Extraits du texte de l’audition
devant la Commission des lois de l’Assemblée nationale, du
cardinal André-Vingt Trois :
"Avant de vous présenter ces points d’attention, je voudrais soulever
une question plus générale : le droit peut-il se contenter de régler des
situations privées ? La législation sur la famille est-elle simplement
un arbitrage offert pour éviter que les crises relationnelles ne
deviennent excessivement violentes ou nocives pour les individus ? Je
reconnais très volontiers que c’est une mission légitime du législateur
que d’assurer les conditions pour que les crises familiales ne se
transforment en désastres. Mais je redouterais que la législation se
contente d’être l’aménagement des états de fait. Dans une société
démocratique comme la nôtre, le législateur n’a pas simplement une
fonction d’enregistrement et de légalisation d’une multitude de cas
particuliers, qui sont nécessairement impossibles à élever au cas
général qui normalement relève seul de la loi. La loi vise à une
certaine universalité et doit normalement concerner le plus grand nombre
des citoyens. L’idée que la légalisation de situations particulières
pourrait être un moyen de leur donner une reconnaissance me semble un
abus, en ce sens que le droit ne serait alors que l’habillage d’une
promotion éthique. Il me semble qu’il conviendrait d’agir de manière
très prudente dans ce domaine. On voit bien qu’un certain nombre de
demandes et d’attentes ont pour but principal la reconnaissance
officielle d’un statut particulier.J’en viens maintenant aux points particuliers :
1. L’intention d’un dispositif pour plus d’égalité me semble reposer
sur une confusion, dans la mesure où il n’y a ni inégalité ni injustice
juridique dans les différences factuelles. Quels que soient les
dispositifs législatifs, les partenaires de même sexe resteront dans
l’incapacité d’accéder à la procréation qui suppose la bisexualité. Si
bien que l’identité de situation restera à jamais impossible. Est-il
très juste et honnête de laisser croire qu’un changement législatif va
effacer les différences ? Qui sera encore déçu et insatisfait ?2. Une nouvelle définition du mariage changerait pour tous la
fonction sociale de cette institution en la transformant en
reconnaissance de situations particulières et de sentiments personnels.
Ce changement serait directement perceptible par chacun dans les
modalités d’établissement de l’état-civil : déclaration, établissement
des papiers, dénomination des parents, établissement et authentification
de la filiation, etc. La privatisation de l’acte social qu’est le
mariage produirait encore un affaiblissement supplémentaire de la
cohésion sociale. La loi doit-elle s’engager dans la gestion des
orientations et des sentiments particuliers, surtout pour une faible
minorité ? […]"