Hier à l'assemblée, lors du débat sur la fin de vie, Marion Maréchal-Le Pen a déclaré :
"Madame la présidente, monsieur le Premier ministre, madame la ministre, chers collègues, le rapport, comme l’article premier de la proposition de loi à venir déclare que « toute personne a le droit à une fin de vie digne et apaisée ». Comment définir juridiquement ces notions ? Où s’arrête et où commence la dignité ? Sera-ce au juge, demain, de définir l’état de dignité d’un homme en cas de conflit entre le médecin et la famille du malade ? Quel degré de handicap ou de souffrance nous fait passer de la dignité à l’indignité ? Ce sujet est bien évidemment à haut risque.
Depuis deux ans, l’exécutif multiplie les avis derrière lesquels il pourrait se retrancher : celui de l’association pour le droit à mourir dans la dignité, pro-euthanasie évidemment, et dont le président s’est félicité de votre nomination, monsieur le Premier ministre ; le rapport Sicard et l’avis de Terra Nova qui préconisent tous deux le suicide assisté via l’assistance pharmacologique. L’éviction des représentants des religions au sein du Comité consultatif national d’éthique, lesquels condamnent bien entendu l’euthanasie, révèle bien que vous ne souhaitez favoriser que les avis allant dans votre sens. La Loi Léonetti de 2005, bien qu’imparfaite, répond à la plupart des cas qui se posent.
[…] Aujourd’hui, 70 % des Français meurent à l’hôpital quand, au début des années soixante, 70 % mouraient à leur domicile. Pourtant, 80 % des médecins ne sont pas formés aux techniques de soins palliatifs. Neuf ans après son entrée en vigueur, la loi Léonetti continue d’être mal connue : la médecine l’ignore dans 90 % des cas et seuls 2,5 % des Français ont rédigé leurs directives anticipées. La priorité des pouvoirs publics devrait donc être axée sur une meilleure formation et information des médecins.
François Hollande déclarait au mois de juillet 2012 : « Je souhaite donc, et j’en prends l’engagement, que nous développions la diversité et l’offre de soins palliatifs. Ce sera une réforme qui sera engagée dans les prochains mois. » Où en est la réforme promise ? Les engagements du Président sont comme d’habitude à géométrie variable. La loi Léonetti souffre actuellement de quelques interprétations alarmantes que le rapport préconise malheureusement de graver dans le marbre.
L’exposé des motifs de cette loi de 2005, confirmé par une décision du Conseil d’État, introduisait déjà l’idée que l’alimentation et l’hydratation par voies artificielles devaient être considérées comme des traitements et non comme des soins. Ce choix n’est pas anodin car les traitements, contrairement aux soins, peuvent être interrompus si le patient en a émis le souhait ou si le médecin l’a décidé après concertation collégiale. Dans l’affaire Vincent Lambert, c’est ce point ambigu de la loi Léonetti qui a été exploité pour autoriser la mise à mort du patient tétraplégique. On ne peut moralement accepter que nourrir quelqu’un soit considéré comme une obstination médicale déraisonnable.
Jusqu’où ira demain cette logique infernale ? Une personne handicapée moteur incapable de se nourrir seule risque-t-elle de voir un jour considérer son assistance à l’alimentation comme de l’acharnement thérapeutique ? Osons dire les choses : arrêter l’hydratation et l’alimentation entraîne une agonie de plusieurs jours, totalement inhumaine. Il ne s’agit ni plus ni moins que de laisser mourir ces personnes de faim et de soif. Ces affaires médiatiques conduisent aujourd’hui à ouvrir de nouveaux débats, avec à l’horizon, la sombre perspective de l’euthanasie.
[…] Le dernier rapport en date, celui de MM. Clayes et Léonetti, ne suggère pas directement l’euthanasie mais la proposition de loi à venir fait pourtant un pas en avant feutré vers une telle pratique en généralisant la sédation dite « profonde et continue » sur simple demande du patient et non plus comme ultime recours après décision collégiale. Cette sédation terminale sera obligatoirement associée à l’arrêt de la nutrition et de l’hydratation pour ne pas, je cite, « prolonger inutilement la vie ». Une fois de plus, comment définir juridiquement l’utilité d’une vie humaine ? Faut-il associer cette notion d’utilité à celle de dignité citée plus haut ? Les efforts législatifs ne sont pas ciblés pour mieux accompagner la personne, l’écouter, la soulager dans cette période difficile, mais pour savoir comment s’en débarrasser au plus vite et comment la faire taire en profitant de son extrême vulnérabilité.
La généralisation de la sédation, la simplification de son utilisation nous font entrer dans une logique euthanasique par une manœuvre dangereuse, ultime étape avant de sortir l’euthanasie de sa clandestinité et de rejoindre la triste réalité de l’affaire Bonnemaison, médecin récemment acquitté après avoir pris la décision, seul, de tuer sept personnes sans même parfois l’avis de sa victime ou de la famille de celle-ci. Ce fut là un véritable droit de tuer encensé, de plus, par la presse.
[…] De quel droit un médecin a-t-il légitimement droit de vie ou de mort sur ses patients ? Pour preuve de cette hypocrisie, la remarque des deux députés auteurs du rapport justifiant la reprise dans le texte de la décision du Conseil d’État cité plus haut. Je cite : « Nous ne pouvons que reprendre le sens de cette décision qui devrait contribuer à mettre fin à des pratiques malheureusement encore répandues de sédation avec maintien de la nutrition, ou, plus souvent encore, de l’hydratation. » Entendez bien la logique : une sédation n’entraînant pas la mort en raison du maintien de l’alimentation et de l’hydratation est donc une pratique malheureuse. Plus de doute possible : l’association obligatoire de la sédation terminale et de l’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation révèle que l’objectif est moins de soulager la souffrance du patient que de permettre de le tuer en masquant les effets de la faim et de la soif. Sinon, comment expliquer que l’on ne puisse plonger une personne dans le coma tout en continuant de la nourrir jusqu’à son décès naturel, la personne étant censée être en phase « avancée et terminale » ?
Ce rapport et la loi qui l’accompagne sont une légalisation de l’euthanasie qui ne dit pas son nom. Je ne peux défendre ses préconisations, non plus que celles de la loi à venir qui ne seront bien sûr qu’une première étape vers d’inquiétantes dérives, dont le suicide assisté."