Une grosse centaine de députés a déposé une proposition de loi
"visant à lutter contre les démarches engagées par des Français pour obtenir une gestation pour autrui".
Extrait de l'exposé des motifs :
"Fin janvier 2013, une circulaire du Ministère de la Justice a été rédigée afin de faciliter la délivrance de certificats de nationalité française aux enfants conçus par GPA à l’étranger.
La Cour de cassation a rendu de nombreux arrêts qui vont à l’encontre de cette circulaire. La Cour confirme qu’en l’état du droit, il est justifié de refuser la transcription d’un acte de naissance établi à l’étranger « lorsque la naissance est l’aboutissement, en fraude à la loi française, d’un processus d’ensemble comportant une convention de gestation pour le compte d’autrui, convention qui, fut-elle licite à l’étranger, est nulle » en droit français.
Fin juin 2014, sans se prononcer sur le choix des autorités françaises d’interdire la gestation pour autrui, les juges de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) ont estimé que le refus de la France de transcrire des actes de filiation réalisés aux États-Unis à la suite de naissance par « mère porteuse » portait atteinte à « l’identité » des enfants.
Cette nouvelle disposition risque de faciliter le recours à la pratique de la gestation pour autrui. Les couples qui auront, contre rémunération, obtenu une GPA à l’étranger, pourront légaliser la situation de l’enfant. Si l’on souhaite s’opposer aux contrats de « mères porteuses » portant atteinte à la dignité humaine et au corps de la femme et dont l’enfant est l’objet du contrat niant ainsi son statut de personne humaine, il convient donc de renforcer notre dispositif législatif de lutte contre cette pratique.
Dans le texte présenté, l’article 1er renforce les sanctions à l’encontre des agences qui organisent ce trafic d’être humain en doublant les peines actuellement prévues par la loi. L’article 2 punit les personnes qui ont recours à cette pratique illicite ainsi que les démarches auprès d’agences organisant la GPA."
seb
Encore une proposition de loi qui vise – comme la loi anti-terroriste – à punir des intentions supposées et non des “actes nuisibles à la Société”. (Cadre déterminé de la loi)
Au delà de sa vraisemblable inconstitutionnalité, cette proposition de loi (si elle était votée) a très peu de chance d’être suivie d’effets.
Pour la simple raison que se renseigner sur une pratique (en assistant à une conférence sur le sujet ou en allant chercher l’info sur le Net) n’est pas, en soi, condamnable.
Le problème actuel, ne vient pas de l’absence d’un arsenal législatif, mais d’une exécution pas toujours suffisante dudit arsenal.
Les parlementaires feraient donc mieux de demander au PM pourquoi le Ministère public n’a pas cru bon de poursuivre telle ou telle société qui “incite” à la fraude sur notre territoire (en connaissance de cause) et pourquoi les “demandeurs” de l’enfant (les “parents d’intention”) ne sont pas poursuivis, en France, pour le même délit, sachant qu’en France, l’incitation à l’abandon d’enfant est réprimée par la loi, que cette incitation soit commise par des personnes morales ou physiques.
En d’autres termes, si des Français ont le droit de procéder à une GPA dans un pays où la pratique est autorisée, ils n’ont pas le droit d’inciter (avant d’être dans le pays où la pratique est légale) la “mère porteuse” à abandonner l’enfant.
Toute “entremise” de leur part, pour ce faire, en France, même si aucun contrat n’est signé, induit donc qu’ils puissent être poursuivis, devant des tribunaux, pour cette seule “incitation” ou “entremise”.
De la même façon, les parlementaires devraient demander à Mme Taubira – via une question écrite, qui aura donc valeur légale – de répondre à trois questions fermées.
1. L’accouchée est-elle bien, en droit français, la mère de l’enfant, hors dérogation prévue en cas d’adoption dont l’effet est reconnu en droit français ?
2. Le droit français restreint-il bien, sauf dans le cas spécifique d’une adoption simple, la filiation d’un enfant à deux individus ?
3. L’adoption ensemble et de l’enfant de son conjoint, est-elle bien restreinte aux seuls mariés ?
Si la Ministre répond “oui” aux trois – ce qui est plus que vraisemblable – on envoie aux tribunaux la confirmation du caractère inopérant de la fraude à la loi et par là même aux potentiels fraudeurs :
1. Si l’accouchée est bien la mère de l’enfant, cela signifie qu’en cas de GPA, il s’agit bel et bien de la mère porteuse. Et comme le droit français n’admet pas la valeur juridique d’un contrat de GPA, le transfert de filiation à l’endroit des “parents d’intention” est inopérant.
Seul le père biologique – dixit la CEDH – peut se prévaloir d’un droit sur l’enfant. Et seulement s’il fait un acte de reconnaissance en paternité ou conteste la paternité présomptive attribuée à l’enfant. Ex : si l’accouchée est mariée, pour un tribunal français, le père de l’enfant, c’est l’époux de l’accouchée.
2. Si un enfant ne peut être pourvu que d’une double filiation, sauf dans le cas spécifique d’une adoption simple, cela signifie que seul une personne pourra accoler son nom (comme parent) au coté de la mère porteuse (l’accouchée). Il sera donc impossible que les deux “parents d’intention” soient reconnus.
Si ce parent d’intention est un homme et qu’il est le père biologique, il pourra en effet faire établir sa filiation avec l’enfant, puisque en France, la paternité est “présomptive”. Cela signifie qu’on peut la contester. (Par un test ADN généralement)
Si ce parent d’intention est une femme, et ce même si c’est la “mère bio” de l’enfant (via le transfert de son ovule dans l’utérus de la mère porteuse) elle ne pourra pas faire établir de filiation à son endroit, car en France, la maternité n’est pas présomptive. De droit, la mère de l’enfant est l’accouchée.
Adopter “ensemble” ou “l’enfant de son conjoint” après une GPA sera donc extrêmement périlleux. Pour ne pas dire impossible.
Si les “parents d’intention” gardent, en effet, la faculté de pouvoir “déchoir” à terme (deux ans) l’enfant de sa filiation avec la mère porteuse…Encore faudra-t-il qu’ils mettent en place des procédures judiciaires lourdes pour montrer à quel point ledit “parent” de l’enfant “déchoit”. Et l’existence d’un contrat de GPA peut être considéré comme un motif de nullité de toute action de déchéance de filiation.
3. En confirmant la restriction de ces facultés d’adoption aux seuls mariés, le Législateur rend encore plus inopérante la fraude à la loi.