Jeanne Emmanuelle Hutin, directrice de la recherche éditoriale à Ouest-France, écrit dans un éditorial :
La France traverse une période de grande incertitude. L’économie du pays est à l’arrêt. La dette s’emballe. L’instabilité et les chantages politiques couvent. La société se tend face aux difficultés de toutes natures : sociales, insécurité, violence, éducation, santé.
Les représentants de la nation au Parlement et le gouvernement peuvent jouer un rôle pacificateur s’ils visent à mettre en œuvre, tout d’abord, les mesures ayant obtenu un consensus général. Deux domaines sont particulièrement concernés. En premier lieu, le statut des maires. Ce sont eux qui représentent sans relâche la République au plus près des Français. On sait dans quelles conditions difficiles l’immense majorité d’entre eux travaille. Mettre en œuvre ce statut rassurerait et dynamiserait la démocratie des communes.
L’autre domaine est celui de la fin de vie. La loi en faveur des soins palliatifs a été votée à l’unanimité à l’Assemblée nationale. Alors, pourquoi ne pas se concentrer sur son achèvement au Sénat et sa mise en œuvre rapide ?
Rappelons que près de 500 personnes meurent chaque jour sans bénéficier de ces soins auxquels la loi leur donne droit. Rappelons aussi la scandaleuse inégalité entre les départements qui en sont pourvus et les autres. Inégalités qui s’accroissent encore dans les villes moyennes ou petites davantage touchées par la fermeture d’unités de soins palliatifs, comme La Roche-sur-Yon, en Vendée.
En revanche, la proposition de loi sur l’euthanasie et le suicide assisté divise de plus en plus les acteurs. Des voix s’élèvent pour demander une pause. Ainsi, de nombreuses organisations nationales de soignants directement concernées (gériatres, Société française du cancer, infirmiers…) ont demandé « au gouvernement de surseoir pour le moment à la poursuite de ce projet […] »
Moratoire sur l’euthanasie
L’Académie nationale de médecine recommande « d’écarter l’euthanasie au regard de sa forte portée morale et symbolique […] » Le syndicat Unité Magistrats, SNM FO, pointe dans ce texte, le « risque majeur pour les personnes particulièrement vulnérables ».
Alerte aussi du côté des grands malades. Ainsi le jeune Louis Bouffard, souffrant de myopathie, écrit : « La liberté de choisir sa mort ne consiste pas à choisir sa mort faute d’avoir été suffisamment aidé à vivre. »
On ne peut ignorer l’expérience des pays qui pratiquent l’euthanasie depuis longtemps. Théo Boer, professeur d’éthique néerlandais, prend désormais du recul : « Je ne suis pas un adversaire acharné de l’euthanasie […] Mais je suis convaincu que sa législation n’apaise pas la société : elle l’inquiète, la transforme, la fragilise. Elle modifie notre rapport à la vulnérabilité, à la vieillesse, à la dépendance. Elle introduit l’idée que certaines vies dans certaines conditions ne valent pas la peine d’être vécues – ni même d’être soignées. »
ll serait donc sage de revenir à la recommandation du Comité national d’éthique : développer les soins palliatifs partout et pour tous, avant de légiférer sur l’euthanasie et le suicide assisté. Cela apaiserait notre société.
Il faut « bâtir des compromis », disait le Premier Ministre. Alors mettons en œuvre la loi sur le développement des soins palliatifs qui fait l’unanimité et posons un moratoire sur l’euthanasie et le suicide assisté. Rassembler pour la vie plutôt que pour « un droit à la mort » est une voie que l’Histoire ne démentira pas et qui honorera ses acteurs.