Suite à un problème technique jeudi et vendredi, certains articles ont disparus du Salon beige, parmi lesquels l’analyse de Jean-Pierre Maugendre sur les propos de Mgr de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des évêques de France sur l’immigration. Le revoilà :
L’entretien de Pâques, sur la chaîne KTO, de Mgr Éric de Moulins-Beaufort, archevêque de Reims, a été l’occasion pour le Président de la Conférence des Evêques de France d’aborder la question, sensible, de l’immigration. Les lieux communs se succèdent :
« Le phénomène de l’immigration ne va pas s’arrêter (…) à cause des changements climatiques (…) Comment est-ce qu’on accueille, qu’on aide à l’intégration ? (…) Accueillir de la manière la plus juste, la plus efficace (…) Bâtir une société forte, solide, fraternelle, apaisée, unie (…) Ceux qui se bercent d’illusion sont ceux qui essayent de nous faire croire qu’on peut arrêter ce phénomène, etc. »
Prêcher Jésus-Christ ressuscité ?
On peut d’abord se demander si le jour de Pâques est un moment bien adéquat pour aborder ces questions politiques, particulièrement clivantes. À la manière de la marquise de Sévigné nous aurions aimé pouvoir écrire :
« Je m’en vais vous mander la chose la plus étonnante, la plus surprenante, la plus merveilleuse, la plus miraculeuse, la plus triomphante, la plus étourdissante, la plus inouïe, la plus singulière, la plus extraordinaire, la plus incroyable, la plus imprévue, (…) la plus rare : en ce saint jour de Pâques monseigneur l’archevêque de Reims nous a prêché Jésus-Christ. Rejetant les sollicitations des folliculaires il n’a traité que de Jésus. Jésus-Christ crucifié, mort et ressuscité pour nos péchés. Quelle surprise ! Quel ravissement ! »
De nouveaux dogmes ou de nouvelles prophéties ?
Il est d’abord surprenant d’observer qu’en ces temps de confusion générale et de négation, ou d’estompement, des vérités de la foi les plus élémentaires il reste des vérités qui ne se discutent pas : « Le phénomène de l’immigration ne va pas s’arrêter. » Qu’en sait le bon archevêque de Reims ? Il semble ainsi acquis à un inéluctable sens de l’histoire. L’immigration serait comme le courant de flot : un flux irrésistible contre lequel on ne pourrait rien faire. Or il n’existe pas de sens de l’histoire.
« Il n’y a pas de sens de l’Histoire, il n’y a pas de vent de l’Histoire, car ce qui fait l’Histoire, selon notre conception occidentale et chrétienne, qui est vérifiée par tous les faits historiques, c’est la volonté des hommes, c’est l’intelligence des hommes, ce sont leurs passions bonnes ou mauvaises. » Colonel Jean-Marie Bastien-Thiry.
En d’autres temps, lors des guerres médiques le bon apôtre eut sans doute prophétisé : « Le flot de l’invasion perse ne va pas s’arrêter. » À la décharge de monseigneur de Reims nous cherchons vainement parmi notre personnel politique les dignes héritiers de Léonidas ou Thémistocle. On serait plutôt dans le registre : les pieds-nickelés font de la politique.
L’Église qui n’est plus dans les domaines de la foi et de la morale « Mater et magistra », mère et maîtresse de vérité, mais simplement « experte en humanité » (Paul VI) nous livre son oracle : « C’est de la faute du réchauffement climatique. » Notons que nous avons échappé au pire, car certains « frères évêques » n’auraient pu s’empêcher, à la suite de Laudato Si, de nous prêcher ici la nécessaire « conversion écologique ». Il n’en reste pas moins que si le réchauffement climatique est un fait il reste à démontrer qu’il s’agisse obligatoirement d’un méfait. Les peuples industrieux ont toujours su relever les défis que leur lançait la nature. Confrontés à une nature hostile – « La moitié de ce pays est en eau ou en terres qui ne peuvent rien produire » (Uztariz) – les Pays-Bas s’imposèrent au XVIIe siècle comme la première puissance économique du monde. Nous voyons, en fait, surgir une version actualisée de la théorie des climats de Montesquieu : plus le climat se réchauffe, plus les conditions de vie deviennent insupportables, plus la misère croît, poussant les populations à l’exil. La réalité est que plus que le climat ce sont les systèmes sociaux, les organisations politiques, les modes de vie et les croyances qui influent sur la prospérité ou la misère des nations.
De nombreuses questions sans réponses
Sans transition Mgr de moulins-Beaufort en arrive à la nécessité impérieuse, à l’impératif catégorique kantien, « d’accueillir » et « d’intégrer ». Beaucoup de questions demeurent en suspens : Existe-t-il des limites aux capacités d’accueil des pays hôtes ? Y a-t-il des conditions à poser aux futurs arrivants ? Que faire de ceux qui ne souhaitent pas s’intégrer ? Comment concilier ces appels à l’accueil universel avec les réticences de nombreux évêques à accueillir des prêtres « étrangers à la culture du diocèse » qu’ils soient français originaires d’autres régions ou… africains ? L’arrivée de migrants issus de civilisations radicalement différentes de la nôtre pose-t-elle des difficultés particulières ? Le désir de « changer de vie » comme l’affirmait Emmanuel Abayisenga, l’incendiaire rwandais de la cathédrale de Nantes et aussi meurtrier du père Olivier Maire, suffit-il à créer un droit à l’immigration ? Existe-t-il un droit à la continuité historique des peuples des pays d’accueil ? « Bâtir une société unie ». Certes ! Mais unie par quoi ? Le partage en commun d’une éventuelle commune prospérité matérielle selon le célèbre adage de Fénelon : « La patrie d’un cochon, se trouve partout où il y a un gland » ?
Des vérités bien oubliées
En d’autres temps, avant un certain Concile, on peut penser que d’autres évêques s’il avaient jugé utile de traiter de l’immigration le saint jour de Pâques auraient eu à cœur de rappeler plusieurs vérités bien oubliées.
D’abord la France n’est pas qu’un pays de cocagne. Elle est, avec la Chine, la plus ancienne nation du monde. Un pays, fruit d’une histoire plus que millénaire, profondément imprégné de l’héritage de ce que Jean-Marie Paupert appelait les mères-patries : « Athènes. Rome. Jérusalem ». Devenir français c’est faire sien cet héritage. Le respect du pays d’accueil est le préalable indispensable à toute vie commune paisible, voire harmonieuse : « À Rome fait comme lesRomains ».
Les Français d’aujourd’hui n’ont aucune dette vis-à-vis des populations qui les rejoignent maintenant. Ce n’est pas la faute de la France, ni des Français si : « Soixante ans après la décolonisation le PIB par habitant de nos ex-colonies africaines est inférieur à celui qu’il était au moment de leur indépendance. » Bernard Lugan. « Dieu pardonne toujours, l’homme parfois, la nature jamais. » C’est la loi de la vie que les zones prospères de basse pression démographique soient la proie des populations issues des zones pauvres de haute pression démographique. L’esprit de jouissance, et l’effondrement démographique qui en est la conséquence, l’ayant emporté sur l’esprit de sacrifice, est peut-être venue l’heure du châtiment de Dieu sur un peuple qui l’a depuis trop longtemps rejeté ?
« Quand Notre-Seigneur ne règne pas par les bienfaits attachés à sa présence, Il règne néanmoins par les calamités inséparables de son absence. » (Cardinal Pie)
Jean-Pierre Maugendre