Philippe Fontana et Gilles-William Goldnadel, avocats, répondent dans Le Point à Mgr de Sinety et contestent le rapprochement entre l'« Aquarius » et l'« Exodus » :
"Dans une interview au Point de ce jeudi 21 juin 2018, monseigneur de Sinety (vicaire général de l'archidiocèse de Paris) a fait un rapprochement qui nous semble contestable entre deux bateaux symboles du drame humain : l'Aquarius et l'Exodus. Leur problématique est néanmoins bien différente.
La France a toujours su aider ceux qui aspirent à retrouver leur patrie ou qui sont persécutés. L'Exodus symbolisera à jamais la scandaleuse errance des rescapés de la Shoah rejetés de tous, sauf de la France, avant une arrivée miraculeuse sur le sol de la terre promise.
L'Aquarius représentera longtemps le renoncement actuel de l'Europe à s'unir, pour se protéger de la submersion migratoire qui menace l'équilibre de nos sociétés et notre culture. Ne nous y trompons pas : les nouveaux « bons Samaritains » appelés à porter assistance à leurs « frères en humanité » sont exclusivement Européens. Le sillage de l'Aquarius était plus proche des côtes tunisiennes puis marocaines, mais la bonne conscience, tout comme la liberté de culte, manque cruellement d'universalisme.
Les Français savent-ils, qu'à terme, ce sont eux qui vont accueillir cette vague ? Exhorter à la « décence », selon le terme employé par le prélat, en affirmant que Marseille et Nice pourraient être capables d'accueillir ces 630 « passagers » démontre soit une méconnaissance soit un refus de la réalité. Dans ces deux métropoles, des quartiers entiers ont changé d'identité, sous l'effet de l'arrivée progressive de migrants. Appeler à la charité eût été plus chrétien. Encore ne faudrait-il pas confondre l'Église du Christ avec une ONG, comme l'exhortait encore récemment le pape François, aussi révolutionnaire dans ses propos que le Seigneur ne l'était. Lorsque monseigneur de Sinety évoque, dans cette même interview, les « valeurs » de l'Évangile, la messe est dite. L'enseignement du Christ n'a rien avec voir avec le côté bourgeois du terme. L'Évangile est un message de conversion et non de coexistence. L'ignorer, c'est laisser nos frères musulmans s'enfermer dans une société alternative, basée sur la soumission (« aslama » peut se traduire par résigné ou soumis) dont beaucoup souhaiteraient tellement s'affranchir. Pour nous, lorsque ce clerc pose la question « imaginons-nous une subversion par l'islam » en y répondant par un laconique et dérisoire « voyons ! », il résume à lui seul l'aveuglement des élites, politiques ou ecclésiales, dans leur refus d'associer migration et islam.
En quelques semaines, la conjonction du changement des gouvernements italiens et espagnols a modifié la gestion migratoire. L'italien, coalition provenant d'un sursaut du peuple, a décidé de ne plus accueillir de migrants ; au contraire, il souhaite leur rapatriement. Tout le contraire de l'espagnol, fruit d'une manœuvre parlementaire ayant renversé un gouvernement conservateur attentif à la protection de ses frontières. Le résultat ne s'est pas fait attendre. Recueillis par une ONG leur offrant une assistance logistique, en étroite coopération avec leurs passeurs, ce sont non pas un mais trois bateaux ayant à leur bord 630 migrants, quasiment tous des hommes équipés de smartphones, qui viennent d'accoster à Valence.
Emmanuel Macron, par la voix de son ministre des affaires étrangères et de notre ambassadeur à Madrid a offert à l'Espagne d'en prendre la moitié à notre charge. Les Français savent-ils que derrière ces trois premiers bateaux, ce sont des milliers de migrants qui secouent les grilles de Ceuta et Melilla pour entrer en Europe ? En moins de 48 heures, 1 000 clandestins sont arrivés, tout récemment en Andalousie, selon le quotidien espagnol ABC.
Deux routes migratoires s'offrent en effet aux Africains au départ de Tombouctou : la Libye puis l'Italie ou le Maroc puis l'Espagne. La première, par la volonté du peuple italien, est rendue moins praticable.
À terme, ces deux routes conduisent logiquement vers la France avec d'abord un système d'asile extrêmement généreux, mais coûteux, puis la certitude d'un regroupement familial imposé par la Cour européenne des droits de l'homme.
Alors que faire : logiquement, en l'absence d'unité européenne pour protéger notre frontière commune, la France devrait fermer la sienne, comme sous l'État d'urgence. Les déclarations du gouvernement et du chef de l'État rendent vaine, avec certitude, cette attente.
Ne restera plus qu'à prendre notre mal en patience, avant que les peuples espagnol et français puissent suivre leurs compatriotes européens : non seulement italiens, mais aussi polonais, hongrois, anglais, etc.
Les Français n'en ont sans doute pas conscience, mais la campagne des prochaines élections européennes prévues en mai 2019 vient de commencer avec les pérégrinations de l'Aquarius.
Au lendemain du jour anniversaire de l'Appel du 18 juin, puissent les Français garder intacte la flamme de la résistance et l'instinct de leur survie."